Exposition : « Josef Koudelka-Ruines » à la BNF, du 15 septembre au 16 décembre 2020
Pendant près de trente ans, Josef Koudelka a photographié 200 sites archéologiques du pourtour méditerranéen, dont il a tiré des centaines de panoramiques en noir et blanc. La BnF en présente un ensemble inédit intitulé « Ruines », qui révèle toute la beauté du lexique visuel de l’artiste.
Une oeuvre emblématique
Projet sans équivalent dans l’histoire de la photographie, la série Ruines est le résultat d’un travail personnel de trente années durant lesquelles Josef Koudelka a parcouru 20 pays du pourtour méditerranéen pour photographier les ruines de tous les hauts lieux de la culture grecque et latine, berceaux de notre civilisation. Si certaines images ont pu être exposées et publiées auparavant - Periplanissis (1997), Chaos (1999), Rome, théâtre du temps (2003), Vestiges (2013) – la série Ruines forme un ensemble de 110 tirages qui n’a jamais été montré.
De la France à la Syrie, en passant par le Maroc, la Sicile, la Grèce ou la Turquie, ce sont 110 photographies panoramiques en noir et blanc qui livrent le regard de Josef Koudelka sur la beauté chaotique des ruines, vestiges de monuments transformés par le temps, la nature, la main de l’homme et les désastres de l’Histoire.
Le panorama : un certain regard et une signature
Au fil du temps, le panorama est devenu la signature des paysages de Josef Koudelka. Il offre le moyen de se projeter en imagination sur les lieux mêmes qui sont représentés pour rejouer l’expérience du paysage et inviter le spectateur au voyage. Mais par l’usage singulier qu’en fait le photographe, le panorama, fragmentaire et bouleversé, est aussi à même de restituer l’image ambivalente de la ruine. Ces images à fleur de sol, en plongée ou en contre plongée, guident le spectateur sur des sites maintes fois reproduits et réfutent l’impression de déjà vu par le regard inédit du photographe. Alternance de vues lointaines et de gros plans, de fragments, de jeux d’ombres et d’étagement des plans, les photographies de Josef Koudelka témoignent d’une vision subjective et éclatée du paysage antique, qui pose la série Ruines comme une vaste allégorie du monde.
« Le mariage de la beauté et du temps »
Josef Koudelka ne souhaite pas immortaliser les ruines antiques, les figer dans une vision romantique mais bien au contraire revenir encore et toujours sur les mêmes lieux pour en enregistrer les évolutions liées au passage destructeur du temps et des hommes, de la nature qui reprend ses droits.
Amman, Jordanie, 2012 © Josef Koudelka /Magnum Photos
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Chez le photographe, l’art et plus précisément la beauté, réaffirment leur présence au coeur de ce qui fait et défait le monde. Pour lui, la répétition en tant que méthode et non en tant que motif est aussi justement ce qui lui permet d’atteindre la bonne photographie, ce qu’il nomme son « maximum » : répéter les mêmes gestes en accueillant à chaque fois une différence qui inscrit son oeuvre non dans le passé mais dans un devenir.
Dans les photographies de Josef Koudelka, la somptuosité des levers et des couchers de soleil qui embrasent les pavements, les colonnes, les sculptures des bas-reliefs soulignent avec justesse la merveilleuse géométrie des sites. Le choix du cadre étiré complexifie la composition et confère aux ruines un caractère grandiose. Cette oeuvre, digne d’un Sisyphe, est servie par toute une grammaire visuelle faite de vues basculées, fragmentées, de panoramas sans horizons, sublimés par un noir et blanc puissant qui révèle les jeux d’ombre et de lumière.
Héritage et destruction
Ces paysages sont une ode aux ruines de la Mare Nostrum et nous interpellent sur la nécessité de sauvegarder l’héritage de cette civilisation - dont certaines des traces photographiées par Josef Koudelka ont aujourd’hui disparu, détruites par les guerres et le terrorisme, comme à Palmyre. Le photographe valorise ainsi un territoire, aux origines de nos cultures d’Europe, riche des circulations qui l’ont façonné et des archipels qui le peuplent. Ce qui anime ici Koudelka comme dans l’ensemble de ses travaux antérieurs, c’est la recherche de la beauté, une beauté qui peut se nicher au coeur de la destruction mais qui, à l’instar de celle des ruines antiques, résiste.
Plus d'informations sur le site de la BNF
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