Le pape François met au pas la banque du Vatican
Le successeur de Benoît XVI entend s'assurer que les activités de l'Institut pour les œuvres religieuses (IOR), le nom officiel de la banque du Vatican, soient «en harmonie» avec la mission de l'Eglise catholique.
Trois mois après son élection, le pape François, connu pour sa poigne et son mode de vie spartiate, a annoncé, le 26 juin 2013, la création d'une commission d'enquête spéciale sur l'IOR. Officiellement, elle doit lui permettre de «mieux connaître la position juridique et les activités» de l'Institut. Composée de quatre religieux et d'une laïque, cette commission chargée d'inspecter la banque lui donne surtout accès aux documents couverts par le secret. L'OIR, qui n'effectue aucune opération de prêts, détient des avoirs d'une valeur de 7 milliards de dollars qu'elle gère. Elle dégage 86,6 millions de bénéfices qui servent à financer des opérations de l'Eglise à travers le monde.
Scandales financiers
La banque du Vatican est au centre de nombreux scandales financiers qui embarrassent l'Eglise depuis des dizaines d'années. Il lui est notamment reproché de ne pas respecter les critères internationaux de transparence dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale.
Plaidant sans relâche pour une Eglise au service des pauvres, Jorge Bergoglio a appelé, le 30 juin 2013, à ne pas laisser les intérêts personnels prévaloir sur l'intégrité. Deux jours plus tôt, la police italienne arrêtait Mgr Nunzio Scarano, soupçonné de blanchiment d'argent et de corruption alors qu'il occupait le poste de chef comptable de l'Administration du patrimoine du siège apostolique, l'organisme qui gère les biens du Saint-Siège.
Avec deux complices (un sous-officier membre des services de contre-espionnage italiens et un intermédiaire financier), le prélat, surnommé «Monseigneur 500 euros»,
a tenté de rapatrier de Suisse 20 millions d'euros en espèces, «fruits d'une évasion fiscale», appartenant aux armateurs Paolo, Cesare et Maurizio D'Amico. Mgr Scarano avait été suspendu «depuis environ un mois, quand ses supérieurs ont su qu'il était sous le coup d’une enquête», a affirmé le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican. Le Saint-Siège a aussi assuré la justice italienne de sa «pleine collaboration».
Enquête en cours
Mais cette affaire n'est qu’un des volets d'une enquête beaucoup plus vaste sur le fonctionnement de la «banque des papes», qui avait débuté en septembre 2010.
A l'époque, la justice italienne soupçonnait le président de l'IOR Ettore Gotti Tedeschi et le directeur général Paolo Cipriani de violation de la législation contre le blanchiment d'argent. Des mouvements supects entre des comptes de l'IOR en Italie et en Allemagne avaient conduit le parquet de Rome à mettre sous séquestre 23 millions d'euros. Cette mesure avait été levée en juin 2011, mais le président de la banque avait été limogé en mai 2012.
L'enquête, toujours en cours, révèle aussi, selon la presse, que des fonds de provenance douteuse ont transité sur certains des 19.000 comptes, appartenant à des religieux ou des laïcs travaillant au Vatican et que gère l'IOR, fondé en 1942 par décret papal. Son nouveau président, l'Allemand Ernst von Freyberg, nommé le 15 février 2013, soit quelques jours avant la démission de l'ancien pape Benoît XVI, a entrepris de faire vérifier un par un les comptes de l'IOR par l'Agence américaine de consultants financiers Promontory. Mais pour le pape François, Freyberg symbolise la vieille garde.
Au fil des années, des scandales retentissants ont entaché la réputation de l'IOR, des milieux criminels ayant profité de l'anonymat ou de prête-noms pour y blanchir leurs fonds. Le plus important avait été, en 1982, la faillite du Banco Ambrosiano, dont le président, Roberto Calvi, avait été retrouvé pendu sous le pont de Blackfriars à Londres. Ce scandale bancaire mêlait CIA et loge maçonnique. L'affaire Enimont (1993) de pots-de-vin à des partis politiques italiens a aussi entaché l’image de l'IOR, et plus récemment, le tribunal de Rome a détecté des cas de blanchiment d'argent mafieux à travers les arcanes de la banque six tentatives en 2012 et sept depuis le début 2013.
Remettre de l'ordre dans l'IOR
Le pape Benoît XVI, puis son successeur François, ont décidé de remettre de l'ordre dans l'IOR, nommant successivement de nouveaux responsables et instaurant des contrôles de plus en plus sévères. Ces dernières années, le Vatican a mis en place une Autorité d'information financière, dirigée par un Suisse spécialiste de la lutte contre la blanchiment d'argent, qui supervise les opérations de l'IOR, et a nommé un nouveau président de la «banque des papes».
Dernier rebondissement, le 2 juillet 2013: deux dirigeants de l'IOR ont présenté, officiellement de leur plein gré, leur démission «dans l'intérêt du Saint-Siège et de l'IOR». Mais pour les médias italiens, il s'agit bien d'un limogeage. Le directeur général Paolo Cipriani et son adjoint Massimo étaient restés en place après l'éviction de Tedeschi de la présidence de l'IOR.
Ce que certains vaticanistes qualifient de «révolution» a commencé à la mi-juin par la nomination de Mgr Battista Ricca, homme de confiance du pape, au poste de prélat de l'IOR, une sorte de numéro deux de l'institution bancaire. L'ex-évêque de Buenos Aires avait récemment affirmé lors d'une messe que «Saint Pierre n'avait pas de compte en banque». Une pique en direction de l'IOR dont les grandes lignes d’une réforme sont attendues en octobre.
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