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"Savoir que Guantanamo va fermer m'aidera à sortir de mes cauchemars", confie un ancien détenu français

Francetv info s'est entretenu avec Mourad Benchellali, un Français incarcéré à Guantanamo entre 2002 et 2004 après avoir rejoint l'Afghanistan.

Article rédigé par Kocila Makdeche - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Mourad Benchellali, ancien prisonnier de Guantanamo, le 19 octobre 2015 à Berlin.  (KLAUS-DIETMAR GABBERT / DPA / AFP)

Barack Obama est déterminé à fermer la prison de Guantanamo. Le président américain a détaillé, mardi 23 février, un plan pour en finir avec cette prison hautement controversée située sur l'île de Cuba, ouverte en 2002 par son prédécesseur George W. Bush. Ce plan, préparé par le Pentagone, va être soumis au Congrès. Selon Barack Obama, la prison "affaiblit" la sécurité américaine. 

Francetv info s'est entretenu avec Mourad Benchellali, un Français originaire de Vénissieux (Rhône) incarcéré à Guantanamo entre 2002 et 2004, après avoir été arrêté en Afghanistan. Il était soupçonné d'avoir rejoint les rangs d'Al-Qaïda. Trente mois de prison qu'il a racontés dans son livre Voyage vers l'enfer (Robert Laffont). Depuis, le trentenaire mène des ateliers de prévention auprès des jeunes tentés par le jihad. 

Francetv info : Quel regard portez-vous sur cette annonce de Barack Obama ? 

Mourad Benchellali : C'est une bonne nouvelle. J'espère juste qu'elle aboutira parce que ce n'est pas la première fois que Barack Obama annonce sa volonté de fermer Guantanamo. Cette prison, avec tout ce qu'elle implique en matière de tortures et d'humiliations, a créé plus de problèmes qu'elle n'en a résolus. C'est dans l'intérêt général de tourner cette page.

Symboliquement, savoir que cette prison va fermer m'aidera à sortir de mes cauchemars. Maintenant, ce qui m'inquiète, c'est qu'après les attentats de Paris, des responsables politiques ont appelé à la construction d'un Guantanamo à la française. Cette prison a justement montré que c'était contre-productif.

C'est-à-dire ?

Cette prison est un argument utilisé par des recruteurs jihadistes pour dire aux jeunes que la démocratie n'est pas si parfaite, puisque des gens sont torturés et humiliés. C'est devenu un symbole de l'injustice. La meilleure façon de lutter face à ces groupes, c'est d'être très ferme sur les valeurs comme les droits de l'Homme.

Vous vous occupez aujourd'hui de l'insertion des jeunes et de la prévention face à la radicalisation. Pouvez-vous expliquer vos motivations ?

Je n'ai pas envie que d'autres jeunes traversent ce que j'ai traversé et fassent les mêmes erreurs que moi. Les jeunes sont curieux. Ils viennent voir "l'ancien prisonnier de Guantanamo". Ils me respectent, parce qu'ils savent que j'ai souffert, mais ils comprennent qu'il n'y a rien de glorieux là-dedans. 

Pour ma part, je me contente de leur raconter la vérité. Ce que j'ai vécu et ce qu'implique le départ pour une terre de jihad. Je leur raconte qu'elles ont été les conséquences sur moi, sur ma vie et sur ma famille. Mon but, c'est que ceux qui idéalisent le jihad se rendent bien compte de ce qu'est la réalité.

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