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Quand le "centriste" Donald Trump menait sa première campagne présidentielle en 2000

En tête des sondages pour les primaires républicaines, le milliardaire est parfois présenté comme un novice en politique. Pendant quelques mois, en 1999 et 2000, il avait pourtant déjà mené campagne pour la Maison Blanche.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Donald Trump sur le plateau de Larry King, à New York (Etats-Unis), le 7 octobre 1999. (REUTERS)

Donald Trump lorgne le bureau ovale. Et cela n'a rien d'une lubie. Contrairement aux apparences, le milliardaire, jamais élu mais aujourd'hui candidat aux primaires républicaines, n'est pas tout à fait un novice en politique : en 1999, le businessman s'était déjà engagé dans la course à la Maison Blanche, le temps d'une courte campagne avortée.

A la fin du mois de septembre de cette année-là, le Wall Street Journal (en anglais) le présente encore comme un simple "promoteur immobilier de New York". Mais Donald Trump ne manque pas d'ambition. "L'Amérique a besoin d'un président comme moi, écrit-il dans une tribune publiée dans le journal. Oui, j'envisage de me porter candidat à la présidence." Déjà mégalo ? "Cela n'a rien à voir avec de l'orgueil, contrairement à ce que certains ont suggéré, jure-t-il. Je ne me présenterai que si je suis persuadé de pouvoir gagner."

Si le président Trump mène les négociations, nous obtiendrons un accord plus favorable aux travailleurs américains et à leurs familles, et notre économie ne sera pas aussi vulnérable face aux pressions globales qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Donald Trump

dans le "Wall Street Journal" en 1999

Pour l'IVG et la couverture maladie universelle

Le Donald Trump de l'époque se présente comme un modéré, las de voir les républicains "prisonniers de leur aile droite" et les démocrates "de leur aile gauche". Le New York Times (en anglais) le décrit alors comme un conservateur sur le plan fiscal mais modéré sur les questions sociales, favorable par exemple au droit à l'avortement. Loin des positions qu'il défend aujourd'hui. Il semble en revanche toujours favorable à une couverture maladie pour tous, mais reste aujourd'hui beaucoup plus vague sur ce sujet, comme l'expliquait Politifact (en anglais).

Si le milliardaire se sent pousser des ailes en 1999, c'est grâce au soutien de son ami, l'ancien catcheur Jesse Ventura, qu'il rejoindra plus tard sur le ring. Devenu gouverneur du Minnesota, ce dernier est à l'époque une figure du Parti réformateur. Dans un pays où le bipartisme passerait presque pour une religion, le mouvement a marqué des points lors de la présidentielle de 1996 : son candidat, Ross Perot, est parvenu à obtenir plus de 8% des voix face au président sortant, le démocrate Bill Clinton, et à son adversaire républicain Bob Dole. Il faut trouver un homme capable de rééditer l'exploit.

Donald Trump et le gouverneur du Minnesota, Jesse Ventura, lors d'une conférence de presse à Brooklyn Park (Etats-Unis), le 7 janvier 2000. (CRAIG LASSIG / AFP)

Des ennemis à combattre

Et Donald Trump a une revanche à prendre, raconte Newsweek (en anglais). Le businessman garde une certaine rancœur contre l'un des candidats pressentis, le gouverneur du Connecticut Lowell Weicker, qui a freiné, quelques années plus tôt, la croissance de l'empire Trump, en bloquant la construction d'un casino dans la ville de Bridgeport. Dans son langage fleuri, le milliardaire avait alors dénoncé "un gros porc qui ne pourrait même pas se faire élire préposé à la fourrière".

Sans compter que Trump n'apprécie guère l'autre prétendant, Pat Buchanan, un catholique ultraconservateur au cœur d'une controverse, après avoir laissé entendre dans un livre que l'Allemagne nazie ne constituait pas une menace militaire pour les Etats-Unis après 1940. "C'est un adorateur d'Hitler, dénonce Donald Trump, cité par le New York Times (en anglais). J'imagine qu'il est antisémite. Il n'aime pas les Noirs, il n'aime pas les gays. C'est juste incroyable d'imaginer quiconque soutenir ce type."

Pas de première dame ? "Vingt-quatre heures et c'est réglé"

Début octobre 1999, Donald Trump choisit CNN (en anglais) et l'intervieweur des stars, Larry King, pour faire le grand saut et annoncer le lancement d'un comité autour de sa candidature. "Nous n'aurons pas de première dame", s'inquiète le journaliste. Divorcé, l'homme d'affaires a déjà tout prévu : "On pourrait en avoir une en 24 heures, répond-il. Si c'est un prérequis, 24 heures et c'est réglé." A l'époque, il est déjà en couple avec Melania Knauss, une jeune top model d'origine slovène qui deviendra sa femme quelques années plus tard.

Donald Trump et Melania Knauss lors d'une fête à Washington D.C. (Etats-Unis), le 28 avril 2001. (CHRIS KLEPONIS / AFP)

Donald Trump n'a peut-être pas exactement les mêmes idées qu'aujourd'hui, mais il a déjà son style. A l'heure où l'Amérique se remet à peine de l'affaire Lewinsky, le businessman se montre plutôt indulgent vis-à-vis de Bill Clinton. Le problème, "c'était son choix, Monica", juge-t-il selon le New York Times (en anglais) : s'il avait choisi un mannequin plutôt qu'une stagiaire, "il serait devenu un héros pour tout le monde".

Je suis sorti avec plein de belles femmes, OK ? J'imagine qu'on a tous notre talon d’Achille.

Donald Trump

dans le "New York Times" en 1999

Le milliardaire est déjà prêt à sortir son carnet de chèques pour financer sa campagne, quitte à dépenser si nécessaire près de 100 millions de dollars. Il lance un site internet, se déplace dans plusieurs Etats et publie une sorte de livre programmatique au début de l'année 2000, The America We Deserve ("L'Amérique que nous méritons"). En quête de crédibilité, il dégaine une proposition choc : mettre en place une taxe exceptionnelle de 14,5% sur les plus riches pour récolter 5 700 milliards de dollars, se débarrasser de la dette et remettre à flot le système de santé.

Donald Trump lors d'une conférence de presse à New York (Etats-Unis), le 3 décembre 1999. (GUNTHER / SIPA)

Quatre mois et puis s'en va…

Sauf que le Parti réformateur a du plomb dans l'aile : ses leaders se déchirent et Jesse Ventura, l'homme qui avait poussé Donald Trump à se lancer, finit par claquer la porte du mouvement. Le milliardaire jette l'éponge. "J'ai pris ma décision, explique-t-il lors d'une émission sur NBC (en anglais), le 14 février 2000. Je ne me présenterai pas. Le parti est, comme vous le savez, en train de s'autodétruire. Jesse est parti, et c'est un problème."

"Je ne veux pas obtenir 20% des voix, poursuit-il. Je sais que je pourrais être investi. New York me veut. Le Texas me veut. De nombreux Etats me veulent. Et ils sont plutôt anéantis parce qu'ils n'aiment pas les autres candidats. J'ai toujours dit (...) que l'on ne pourrait gagner l'élection qu'avec un parti totalement uni." Comme le fait remarquer le journaliste qui l'interroge, un sondage le donne alors largement perdant, avec seulement 3,2% des intentions de vote face au démocrate Al Gore et au républicain George W. Bush. Dans la marge d'erreur.

Donald Trump met ses ambitions politiques de côté, mais pour quelques années seulement. A l'époque, il s'imaginait concourir avec Oprah Winfrey, la star des talk-shows américains, dans le rôle de candidate à la vice-présidence. En 1988, dans son fauteuil, il affirmait pourtant qu'il ne serait "probablement" jamais candidat à l'élection présidentielle. Il s'est déjà fait mentir à deux reprises.

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