Présidentielle américaine 2024 : qui sont les colistiers potentiels de Kamala Harris ?

La candidate démocrate à la succession de Joe Biden doit choisir la personnalité qui deviendra vice-présidente si elle remporte le scrutin en novembre face à Donald Trump.
Article rédigé par Louis Dubar - avec AFP
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Le processus de sélection d'un colistier dure en principe plusieurs mois : l'expérience, les passe-temps, comptes en banque et possibles casseroles sont passés au peigne fin. (AFP / SIPA)

A trois mois de l'élection présidentielle, Kamala Harris entame une nouvelle étape dans sa course à la Maison Blanche. La vice-présidente américaine, qui a remplacé Joe Biden au pied levé dans son duel avec Donald Trump, a recueilli une majorité de voix de délégués lors d'un vote en ligne pour désigner le candidat du Parti démocrate, vendredi 2 août. Le scrutin doit s'achever lundi. Mais la dirigeante démocrate doit aussi annoncer prochainement qui elle choisira pour la seconder dans la campagne. Le candidat désigné formera avec elle ce que les Américains appellent un "ticket" pour l'élection du 5 novembre. 

Le colistier deviendra vice-président si Kamala Harris l'emporte. Cette sélection est l'occasion pour la candidate d'élargir son électorat et de "compenser les faiblesses qu'on pourrait lui attribuer sur le fond et la forme", explique Ludivine Gilli, directrice de l'Observatoire de l'Amérique du Nord à la Fondation Jean-Jaurès.

Le choix pourrait procéder de considérations géographiques : selon certains experts de la vie politique américaine, l'Etat d'origine du colistier peut avoir son importance et faire basculer l'élection. Première femme noire candidate à l'élection présidentielle, Kamala Harris devrait nommer à ses côtés un homme blanc, prédisent la plupart des observateurs. "Personne ne s'attend à ce qu'elle choisisse une personne racisée", explique Ludivine Gilli. Franceinfo dresse la liste des personnalités politiques pressenties. 

Les favoris

  • Josh Shapiro, gouverneur de Pennsylvanie

Considéré comme l'une des étoiles montantes du Parti démocrate, l'ex-procureur général de cet Etat de la côte est s'est imposé en novembre 2022 dans la course au poste de gouverneur face au candidat républicain local, un ancien colonel sympathisant de la mouvance complotiste QAnon.

Josh Shapiro donne un discours au cours d'un meeting dans la ville d'Amber en Pennsylvanie, le 29 juillet 2024. (RICKY FITCHETT/ SIPA)

Favorable à l'augmentation du salaire minimum à 15 dollars de l'heure et à une baisse des impôts sur les sociétés, Josh Shapiro, 51 ans, "peut séduire un électorat modéré", analyse Ludivine Gilli. Un autre facteur joue en sa faveur pour sa nomination : sa popularité en Pennsylvanie, qui est l'un des swing states, cette poignée d'Etats qui feront la différence lors du scrutin. D'après un sondage réalisé en mai pour le quotidien The Philadelphia Inquirer, 57% des personnes interrogées approuvaient l'action de leur gouverneur. Et parmi elles, "un tiers des électeurs de Pennsylvanie qui prévoient de voter pour Donald Trump en novembre".

  • Andy Beshear, gouverneur du Kentucky 

Dans cet Etat rural et conservateur du centre-est des Etats-Unis, Andy Beshear, 46 ans, a réalisé l'exploit de se faire élire au poste de gouverneur en novembre 2019. "Il a réussi à convaincre des électeurs républicains modérés sans renier son programme", observe Ludivine Gilli. La défense de l'interruption volontaire de grossesse figure au cœur de son programme politique. 

Andy Beshear s'adresse à la foule réunie à Frankfort (Kentucky) pour assister à sa prestation de serment en tant que gouverneur, le 12 décembre 2023 (TIMOTHY D. EASLEY / SIPA)

Son éventuelle nomination ne semble toutefois pas susceptible de faire basculer l'Etat dans le giron des démocrates lors de la présidentielle. En 2016 et en 2020, Donald Trump s'y est imposé avec plus de 20 points d'avance sur ses adversaires, Hillary Clinton et Joe Biden. 

  • Mark Kelly, ancien astronaute et sénateur de l'Arizona

A 60 ans, Mark Kelly est un novice en politique. Ce vétéran de la première guerre du Golfe et ex-astronaute à la Nasa a remporté en novembre 2020 le siège longtemps occupé par le candidat républicain à la présidentielle de 2008, John McCain. Il a été réélu en 2022 dans ce swing state, notamment grâce au soutien de la communauté latino, précise l'agence de presse AP

Le sénateur Mark Kelly au cours d'une audition de la commission sénatoriale de l'énergie et des ressources naturelles, en septembre 2023 à Washington. (MICHAEL BROCHSTEIN / SIPA)

En plus d'être élu d'un Etat pivot, Mark Kelly coche une autre case : "Il est directement concerné par les questions liées à l'immigration, une thématique majeure de cette élection", explique Ludivine Gilli. Nommer le sénateur de l'Arizona permettrait à Kamala Harris "de contrebalancer les critiques qui lui sont adressées sur ce sujet", poursuit la chercheuse. 

Toutefois, le manque d'engagement de Mark Kelly sur le Pro Act au cours du mandat de Joe Biden pourrait décourager Kamala Harris de le choisir. Ce projet de loi devait faciliter la syndicalisation des salariés, explique le New York Times. "Pourquoi les démocrates envisageraient-ils de nommer un sénateur qui ne soutient pas le Pro Act ?", s'est interrogé John Samuelsen, président du syndicat des travailleurs des transports, sur ABC News. Le parlementaire a tenté d'éteindre l'incendie par une déclaration le 24 juillet au HuffPost soulignant le rôle positif des syndicats et "son soutien" à ce texte.

  • Tim Walz, gouverneur du Minnesota

Autre nom régulièrement cité : celui de Tim Walz, gouverneur du Minnesota, réputé habile et bon gestionnaire. Après la mort de George Floyd en mai 2020 à Minneapolis, principale ville de l'Etat, il avait pris la décision de mobiliser la garde nationale et décrété l'état d'urgence. 

Le gouverneur Tim Walz s'adresse aux médias, le 9 novembre 2022 à Saint Paul (Minnesota). (ABBIE PARR / AP / SIPA)

Cet ancien professeur de lycée et militaire a aussi l'avantage de bien connaître Washington. Il a siégé pendant douze ans au Congrès, représentant une circonscription traditionnellement républicaine. Il pourrait séduire l'électorat rural blanc. En cas de nomination sur le "ticket démocrate", son profil pourrait constituer "un bon équilibre" avec Kamala Harris, Californienne et urbaine, explique un élu démocrate de l'Iowa à Politico

Les outsiders 

  • Pete Buttigieg, secrétaire aux Transports 

Candidat malheureux aux primaires démocrates pour l'élection présidentielle en 2020, cet ancien maire de la ville de South Bend, dans l'Indiana, est un des poids lourds du gouvernement fédéral. Nommé par Joe Biden au poste de secrétaire aux Transports en février 2021, "il a les qualités recherchées pour le poste de vice-président. Il a exercé des fonctions importantes au sein de l'exécutif, ce qui n'est pas le cas d'autres prétendants comme Mark Kelly", avance Ludivine Gilli.

Dynamique, charismatique et bon orateur, Pete Buttigieg, 42 ans, "dispose d'un bon sens de la repartie", note la spécialiste. Une qualité qui pourrait lui être utile lors d'un éventuel débat contre le colistier de Donald Trump, J. D. Vance.

Le secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg, s'exprime dans une gare à Baltimore, le 30 janvier 2023. (UPI / NEWSCOM / SIPA)

Toutefois, son action au département des Transports a été marquée par plusieurs polémiques. En janvier 2023, une panne informatique a paralysé le trafic aérien pendant plusieurs heures. Un mois plus tard, un train de 150 wagons transportant des produits chimiques a déraillé dans l'Ohio, provoquant un incendie, l'évacuation de plusieurs milliers de personnes et la colère des élus républicains au Congrès. Dans une lettre adressée à Joe Biden, le sénateur de Floride, Marco Rubio, avait réclamé la démission de Pete Buttigieg. "Je ne crois pas qu'il soit capable d'assurer la sécurité du peuple américain", avait écrit l'élu du Grand Old Party. 

  • Gina Raimondo, secrétaire au Commerce

"C'est sans doute l'hypothèse la moins probable", assure Ludivine Gilli. Seule femme hispanique évoquée par les médias américains dans cette course à la vice-présidence, l'ancienne gouverneure de Rhode Island est inconnue du grand public. "Dans une campagne présidentielle aussi courte et difficile, cela constituerait un handicap important pour le camp démocrate", résume l'experte.

La secrétaire au Commerce, Gina Raimondo, en visite dans l'entreprise BAE Systems à Nashua, dans le New Hampshire, le 11 décembre 2023. (STEVEN SENNE/ AP / SIPA)

A la tête du département du Commerce depuis mars 2021 dans l'administration Biden, Gina Raimondo reçoit pourtant de nombreux éloges. Elle figure dans la prestigieuse liste des 100 personnes les plus influentes 2023 sur la planète. "En tant que secrétaire au Commerce, elle relance l'industrie manufacturière américaine et reconstruit notre infrastructure technologique", écrit le magazine Time

  • Jay Robert Pritzker, gouverneur de l'Illinois 

Son intérêt pour la candidature est connu. "J'adore être gouverneur (...), mais si la candidate [Kamala Harris] m'appelle pour me demander de devenir son colistier, ce sera difficile de dire non", a-t-il déclaré sur CNN. Démocrate modéré, le gouverneur est "un soutien de la communauté LGBT, un défenseur de l'accord de Paris, du contrôle des armes à feu ou de l'extension de Medicare", note Ludivine Gilli. 

Le gouverneur Jay Robert Pritzker s'adresse aux médias à l'extérieur de l'aile ouest de la Maison Blanche, à Washington, le 14 juillet 2021. (SAUL LOEB / AFP)

A la tête d'un Etat acquis à la cause démocrate depuis des décennies – Joe Biden s'y est imposé avec plus de 17 points sur son rival républicain en 2020 –, Jay Robert Pritzker ne représente pas un atout électoral comme d'autres prétendants. Toutefois, il pourrait mettre son immense fortune au service de la candidate démocrate. Le gouverneur de 59 ans est "l'un des descendants de la famille la plus riche de l'Illinois", précise Politico

  • Wes Moore, gouverneur du Maryland 

Il est considéré par le magazine Time comme "le novice le plus talentueux du Parti démocrate depuis Barack Obama". Mais sa nomination au poste de vice-président n'est pas pour tout de suite, prédit Ludivine Gilli. Entré en politique en novembre 2022, après une première carrière dans l'armée, l'homme de 45 ans est le premier Noir à avoir été élu en tant que gouverneur du Maryland, en novembre 2022. Wes Moore avait remporté l'élection face à Dan Cox, un républicain soutenu par Donald Trump. 

Le gouverneur Wes Moore donne un discours lors d'un événement de campagne à Landover, dans le Maryland, le 7 juin 2024. (MANDEL NGAN / AFP)

"Tout d'abord, il a très peu d'expérience en politique. Deuxièmement, il ne vient pas d'un swing state mais d'une terre largement démocrate, proche de Washington, explique Ludivine Gilli. Ce serait difficile pour des républicains modérés ou des électeurs indépendants de se reconnaître dans cette course à la Maison Blanche."

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