"L'identité sexuelle ne devrait pas compter" : la colère des soldats et vétérans transgenres après l'annonce de Trump
Le président des Etats-Unis a annoncé qu'il n'autoriserait pas les personnes transgenres à s'enrôler dans l'armée. Ils sont pourtant déjà 15 000 à être militaires. Franceinfo a interrogé des vétérans transgenres.
"Une insulte." Pour de nombreux vétérans et militaires américains, l'annonce faite par Donald Trump, mercredi 26 juillet, a été une véritable claque. Dans une série de messages publiés sur Twitter, le président des Etats-Unis a refusé aux personnes transgenres de servir dans l'armée, provoquant des manifestations dans plusieurs villes du pays.
L'administration Obama avait annoncé, un an plus tôt, une réforme interdisant au Pentagone de refuser de ne pas recruter ou de démobiliser quelqu'un à cause de son identité sexuelle. La mesure devait entrer en vigueur dans le courant de l'année. Mais de nombreux soldats se sont sentis déboussolés en découvrant cette décision de Donald Trump.
"Cette décision est celle d'un dictateur"
"Je suis une jeune vétéran et, comme beaucoup d'autres, j'ai traversé une phase où j'avais l'impression que ma vie n'avait pas de but après mon départ de l'armée. J'ai passé de nombreuses nuits à envisager de retourner me battre pour mon pays", confie à franceinfo Tomi Kay, ancienne militaire de 28 ans qui a entamé sa transition en janvier. "Mais cette décision signifie que je ne pourrai plus jamais servir aux côtés de mes camarades..."
Au-delà du rétropédalage sur le projet de son prédécesseur, c'est la méthode employée par Donald Trump qui a choqué les militaires transgenres. "Cette décision est celle d'un dictateur : il n'y a eu aucune consultation avec le Pentagone, aucun vote ! Quel chef des armées annonce une décision aussi importante sur Twitter ?" s'emporte Rachel Lauren Clark, vétéran de la Navy de 48 ans. Sasha Buchert, qui a servi quatre ans chez les Marine, évoque elle aussi "son dégoût" face à l'annonce du chef de l'Etat.
L'administration Trump trahit les militaires transgenres. Au lieu de protéger une communauté vulnérable, elle s'en prend à eux.
Sasha Buchert, vétéran transgenreà franceinfo
"Des soldats comme les autres"
La décision de Donald Trump est d'autant plus violente que les arguments avancés apparaissent sans fondement. Le locataire de la Maison Blanche a ainsi reproché aux militaires transgenres d'être une "perturbation" pour l'armée. Or, une étude du centre de réflexion RAND (en anglais) conclut que "dans 18 pays qui autorisent les transgenres à s'enrôler, il n'y a eu aucune conséquence négative pour l'armée", souligne Rebecca Solen, qui a servi pendant huit ans. "A peine plus d'un million d'Américains sont enrôlés, rappelle Rachel Lauren Clark. Lorsque des transgenres partent au combat ou sauver des vies, ce sont des soldats comme les autres. L'identité sexuelle ne devrait pas compter lorsqu'on est prêt à se sacrifier pour son pays."
Donald Trump a en outre évoqué "le fardeau des coûts médicaux énormes" que représenteraient les traitements pour les personnes transgenres pour l'armée. L'étude du RAND évalue pourtant ces dépenses entre 2,4 et 8,4 millions de dollars par an, soit une infime partie des 600 milliards de dollars de budget alloués au Pentagone. "Les soins pour les militaires transgenres représentent dix fois moins que [les 84 millions de dollars] dépensés chaque année par l'armée pour le viagra", souligne Rebecca Solen, vétéran de 40 ans.
Les militaires transgenres "vivent dans la peur"
En revenant sur la promesse de l'administration Obama, le président américain balaie les espoirs des 15 000 transgenres déjà enrôlés dans l'armée américaine de pouvoir être eux-mêmes. Ces militaires "vivent dans la peur", explique Sasha Buchert. L'Américaine, "née dans une famille pauvre", s'est engagée chez les Marine "parce qu'elle voulait servir son pays de la façon la plus importante qui soit". "Je suis très fière de cette expérience : elle m'a apporté de la stabilité, l'opportunité de faire des études, des valeurs, détaille-t-elle à franceinfo. Mais j'ai passé quatre ans à regarder par-dessus mon épaule, à avoir peur d'être découverte et expulsée de l'armée."
Rebecca Solen a connu le même sentiment d'insécurité. "Je craignais que le moindre indice ne me trahisse et que mon univers s'écroule", explique l'ancienne capitaine. Durant ses huit ans dans l'armée et son déploiement en Irak entre 2008 et 2009, Rebecca Solen a eu "de grosses difficultés à se montrer sociable et à discuter" avec les autres militaires. "Je ne m'aimais pas, confie-t-elle. Je me suis dit que tous les autres ne m'aimaient sans doute pas non plus." D'autres soldats transgenres, comme Tomi Kay, ont vécu un véritable calvaire. "J'ai été 'outée' au sein de mon unité", raconte la jeune femme de 28 ans, qui a servi sept ans dans l'armée avant d'être démobilisée pour blessure.
J'ai été victime de harcèlement moral et de bizutage de la part d'autres soldats. Si certains de mes supérieurs sont intervenus, la plupart n'ont rien fait.
Tomi Kay, vétéran transgenreà franceinfo
Tous ces militaires estiment que la possibilité de révéler leur véritable identité sexuelle leur aurait permis d'exercer encore mieux leur métier. "Vivre dans l'ombre, avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, peut parfois être une distraction, estime Sasha Buchert. Les soldats transgenres peuvent encore mieux défendre leur pays si on les autorise à être véritablement eux-mêmes." "Cela crée un environnement positif pour les transgenres et permet donc de renforcer la cohésion de leur unité", abonde Tomi Kay.
L'avenir incertain des militaires transgenres
Les tweets de Donald Trump laissent enfin soldats et vétérans transgenres dans l'incertitude. Les pensions seront-elles bien versées aux retraités ? "J'ai donné huit ans de ma vie à mon pays. Que je sois transgenre ou non, je reste vétéran et j'ai droit à ma retraite", martèle Rachel Lauren Clarck. Certains militaires en service, qui ont affiché ouvertement leur identité sexuelle après la promesse de réforme de l'administration Obama, craignent en outre d'être exclus pour faute grave.
"J'ai l'impression que je viens de me faire virer par un tweet", confie ainsi Patricia King, membre de l'infanterie depuis 18 ans, à CNN (en anglais). La militaire compte néanmoins continuer son travail normalement jusqu'à ce que son commandement confirme la décision de Donald Trump. "J'aimerais les voir essayer de m'expulser de l'armée, ajoute avec défi Logan Ireland, un membre de l'US Air Force interrogé par Army Times (en anglais). On ne va pas me priver de mon droit de servir mon pays quand je suis totalement qualifié, physiquement capable et prêt à donner ma vie."
Anticipant ces situations, plusieurs organisations de défense des droits civiques, comme Lambda, se préparent déjà à des longues batailles juridiques. "Si ce tweet honteux se traduit vraiment par une politique, nous sommes prêts à déposer des recours devant la justice", promet Sasha Bushert, désormais avocate pour l'association. Les militaires transgenres ont toutefois encore un peu de répit, car l'annonce de Donald Trump a été faite sans aucune coordination avec les militaires. Le chef d'état-major interarmées a d'ailleurs indiqué, jeudi 27 juillet, que la politique du Pentagone ne changera pas tant que le président n'aura pas donné d'instructions formelles au ministère de la Défense. "En attendant, nous continuerons à traiter tous nos personnels avec respect", a promis le plus haut gradé de l'armée américaine.
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