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Etats-Unis : les élus républicains entre colère et prudence face à Donald Trump après l'envahissement du Capitole

L'intrusion des manifestants pro-Trump au Congrès sème encore davantage le trouble au sein des républicains. Plusieurs responsables du parti ont directement mis en cause le président américain après les violences commises mercredi. D'autres restent plus discrets, en appelant toutefois à respecter le résultat de l'élection présidentielle. 

Article rédigé par franceinfo
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Des sénateurs républicains lors de la session extraordinaire du Congrès certifiant l'élection de Joe Biden, le 6 janvier 2020 à Washington (Etats-Unis). (ERIN SCHAFF / AFP)

Stupeur à Washington. Après les scènes de chaos survenues au sein du Capitole, mercredi 6 janvier, de nombreux responsables républicains sont montés au créneau pour dénoncer les violences commises aux abords puis dans l'un des lieux sacrés de la démocratie américaine. "Ce qu'il s'est passé là était une insurrection, provoquée par le président des Etats-Unis", a notamment affirmé Mitt Romney, ex-candidat républicain à l'élection présidentielle (en 2012), pour lequel l'intrusion de manifestants pro-Trump est la goutte de trop. Le sénateur de l'Utah a pointé du doigt tous "ceux qui soutiennent le dangereux pari" de Donald Trump de contester "une élection légitime et démocratique". Dans son texte, il les juge "complices d'une attaque sans précédent contre notre démocratie".

Mitt Romney semble d'ailleurs à peine surpris par la tournure des événements. Alors que des membres du Congrès et du personnel partaient se réfugier sur le toit du bâtiment, il s'en est même pris à certains de ses collègues, racontent Vanity Fair (en anglais) et d'autres médias américains. "C'est tout ce que vous avez gagné", leur a-t-il notamment lancé. Il faut dire que le sénateur s'était déjà distingué l'an passé en devenant le premier – et le seul – à avoir voté en faveur d'une destitution d'un président issu de son propre parti.

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"Le président a allumé la flamme"

Mais après l'envahissement du Capitole, et à moins de deux semaines de la fin de mandat de Donald Trump, la colère a gagné plusieurs autres responsables du Grand Old Party (GOP). "Ne comptez plus sur moi. Trop, c'est trop", a annoncé le sénateur républicain Lindsey Graham, pourtant un proche allié du président en exercice. Selon certains médias américains, dont ABC et CNN, des membres de l'administration Trump ont même discuté de la possibilité d'invoquer le 25e amendement de la Constitution, qui autorise le vice-président et une majorité du cabinet à déclarer le président "inapte" à exercer ses fonctions. Cette information n'a pas été confirmée par les intéressés.

Avant même l'invasion du Capitole, Donald Trump a coupé les ponts avec son vice-président, Mike Pence. Ce dernier a refusé de se plier au souhait présidentiel de s'opposer à la certification du vote par le collège électoral mercredi devant le Congrès. De retour au Sénat après la sécurisation du bâtiment, Mike Pence s'est directement adressé aux contestataires : "Vous n'avez pas gagné, la violence ne l'emporte jamais."

Plusieurs responsables républicains ont directement mis en cause Donald Trump après les événements survenus mercredi. "Nous sommes témoins d'une foutaise digne d'une république bananière", a commenté depuis son bureau Mike Gallagher, élu républicain à la Chambre des représentants, pendant l'invasion du Capitole. "Donald Trump, vous devez arrêter ça." Même colère du côté de Liz Cheney, élue dans la même assemblée : "Il ne fait aucun doute que le président a formé cette foule, l'a encouragée (...). Il a allumé la flamme." Le sénateur du Nebraska Ben Sasse a estimé que cette violence était "le résultat inévitable et laid de la dépendance du président à la division constamment alimentée".

D'autres élus se sont montrés plus prudents, en se contentant d'afficher leurs distances avec les manifestants – comme le sénateur de Louisiane John Kennedy, qui a dénoncé un "assaut violent contre le processus démocratique" – ou en appelant à respecter le résultat du scrutin. "L'élection n'a PAS été volée", a de son côté écrit Alyssa Farah, ancienne directrice de communication de Donald Trump. "Nous avons perdu."

Un parti divisé et égaré

Pour autant, certains observateurs critiquent le manque de réaction de la part des parlementaires républicains. "Pourquoi les sénateurs républicains, quels qu'ils soient, et même après ce qu'il s'est passé aujourd'hui, sont-ils terrifiés à l'idée de s'élever d'une manière ou d'une autre contre [Donald] Trump ?" s'est interrogé Michael Beschloss, historien américain spécialisé dans la présidence des Etats-Unis. Les faits, pourtant, sont presque inédits, comme l'a souligné la US Capitol Historical Society : c'est la première fois que le Capitole est envahi depuis que le bâtiment a été incendié par les troupes britanniques en 1814.

"Donald Trump est lâché par les poids lourds, Mike Pence, Mitch McConnell [le chef de la majorité républicaine au Sénat]… Ce sont des coups durs", résume sur franceinfo Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). "Mais beaucoup ne peuvent pas s'aliéner Trump et le trumpisme parce que c'est un réservoir de voix très important. Après, les images de cette nuit peuvent ramener certains républicains à la raison." Si de nombreux républicains ont fait valoir leur attachement à une approche légaliste et au respect des institutions, ces évènements pourraient également radicaliser les soutiens les plus fidèles de Donald Trump au sein du parti.

Ce dernier a promis qu'il quitterait la Maison Blanche le 20 janvier, comme prévu, tout en réaffirmant son "complet désaccord" avec le résultat des élections. De quoi nourrir encore la rancœur, alors même que le président avait dénoncé des ténors républicains "faibles" et "pathétiques" avant la certification de la victoire de Joe Biden au Congrès. La division comme testament politique.

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