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Manifestations pour le droit à l’IVG aux Etats-Unis : "Si les choses bougent, ce sera par l'opinion publique", estime une spécialiste des Etats-Unis

Plus de 400 manifestations sont organisées dans le pays ce samedi, pour défendre le droit à l'avortement, alors que la Cour suprême américaine prévoit de revenir sur la jurisprudence qui garantit ce droit.

Article rédigé par franceinfo
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Plus de 400 manifestations sont organisées dans le pays samedi, pour défendre le droit à l'avortement. (ANNA MONEYMAKER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

"Si les choses bougent, ce sera par l'opinion publique", a estimé samedi sur franceinfo Anne Deysine, juriste, spécialiste des questions politiques et juridiques aux Etats-Unis. Plus de 400 manifestations sont organisées dans le pays samedi, pour défendre le droit à l'avortement.

>> Quels États américains interdiraient l'avortement en cas de revirement de la Cour suprême ?

La Cour suprême prévoit de revenir sur la jurisprudence qui garantit ce droit. Les États américains auraient ainsi la possibilité d'interdire ou d'autoriser les interruptions volontaires de grossesse. L'arrêt définitif est attendu en juin. Si c'est le cas "sur le plan juridique, nous allons assister à des combats absolument incroyables", prédit Anne Deysine.

franceinfo : Ces manifestations peuvent-elles avoir une influence sur la Cour suprême ?

Anne Deysine : Les juges de la Cour suprême sont nommés à vie pour justement ne pas être sensible aux pressions ni du Président, ni du Congrès, ni de l'opinion publique. D'ailleurs, dans ce projet, le juge Alito a pris le soin d'écrire un petit paragraphe en disant : "de toute façon, nous les juges, nous ne nous prêtons pas attention à l'opinion publique". Mais, si les choses bougent, ce sera par l'opinion publique parce qu'on a bien vu : le président Biden ne peut pas faire grand-chose, au Congrès tout est bloqué à la fois par l'obstruction des républicains, mais aussi parce qu'un démocrate, Joe Manchin n'a pas voulu voter le texte. En fait, ce qu'il se passe actuellement, est à la fois le résultat de la polarisation de l'opinion et ce combat de la droite religieuse qui veut en finir avec le droit à l'avortement.

franceinfo : Qui manifeste ? Est-ce que ce sont en majorité des femmes ?

Il y a beaucoup de femmes, beaucoup de jeunes femmes. Une sénatrice démocrate l'a expliqué en disant que finalement, en retirant aux femmes le droit de décider si elles veulent une grossesse ou pas, on les transforme en citoyennes de seconde zone. Cela veut dire qu’elles ne jouissent plus des garanties, des droits de la Constitution et en particulier du droit à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur. Tout ceci est en jeu mais c'est caché sous cette question religieuse, celle du droit à la vie dès la conception. Et donc, si l'on procède à un avortement, on est un meurtrier. La droite utilise sciemment le terme "meurtrier" pour les femmes et pour les médecins. C'est donc un débat très chargé et très stigmatisant.

franceinfo : Certaines entreprises sortent du silence pour défendre le droit à l'avortement : Levis, Apple, Amazon, Uber ... Elles annoncent qu'elles prendront en charge les frais de leurs salariés qui devraient aller dans un autre État pour avorter. Est-ce que c'est de la communication pure ou est-ce une vraie volonté de peser plus dans le débat ?

Il y a plusieurs facteurs, là encore. Les entreprises, habituellement, sont proches des républicains à qui elles versent leurs contributions électorales. Cependant, cela fait cinq ou six ans que le climat se tend. De plus, les entreprises sont soumises aux pressions de leurs salariés. Et là, elles ont été énormes. Elles sont soumises aussi aux pressions des consommateurs lorsque ce sont des entreprises qui vendent des biens de consommation. Les consommateurs, dans leur large majorité, sont en faveur du droit à l'avortement. C'est la raison pour laquelle, effectivement, Amazon et d'autres ont dit qu'elles allaient financer les frais d'avion, de train, de clinique de leurs salariés. Ce n'est pas uniquement de la communication. D'ailleurs, sur le plan juridique, nous allons assister à des combats absolument incroyables parce qu'il y a un certain nombre d'États républicains qui non seulement veulent interdire l'avortement, mais veulent aussi interdire aux femmes de quitter leur État pour aller trouver un docteur et la possibilité d'aller avortement ailleurs. Il va donc y avoir des conflits de compétences, de juridictions. Quand le juge Alito, la main sur le cœur dans son projet de décision, dit qu’avec ce revirement de jurisprudence les choses vont se calmer. Non ! Il va y avoir multiplication d'autres problèmes et le problème est loin d'être réglé.

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