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Etats-Unis : où en est Joe Biden dans la lutte contre l'épidémie de Covid-19 ?

Le président américain avait fait du ralentissement de l'épidémie la priorité du début de son mandat. Quatre mois après son arrivée à la Maison Blanche, les chiffres sont en baisse. Mais ce n'est pas uniquement de son fait.

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Joe Biden lors d'une conférence de presse sur la lutte contre l'épidémie de Covid-19 aux Etats-Unis, le 29 mars 2021, à Washington. (DREW ANGERER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

"Un exploit incroyable pour la nation." Joe Biden s'est félicité, mercredi 21 avril, d'avoir atteint l'objectif de 200 millions de doses de vaccins contre le Covid-19 administrées aux Etats-Unis avant le centième jour de son mandat. "Il n'y a pas d'équivalent dans le monde ou dans les précédents efforts de vaccination de l'histoire américaine", s'est vanté le président américain, qui doit s'adresser au Congrès mercredi 28 avril pour dresser le bilan de ses premiers mois à la Maison Blanche.

Sur le plan de la vaccination, les Etats-Unis font en effet figure d'exemple dans la lutte contre la pandémie. A la date du lundi 26 avril, plus de 140 millions d'Américains avaient reçu au moins une dose de vaccin, soit environ 42,5% de la population, rapportent les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC)*. Et plus de 95,8 millions de personnes étaient "totalement vaccinées".

A son arrivée à la Maison Blanche le 20 janvier, Joe Biden avait d'abord promis 100 millions d'injections durant ses cent premiers jours de mandat. Un objectif atteint avec près de six semaines d'avance, rappelle Le Journal du dimanche. Fin mars, le démocrate avait donc décidé de revoir ses ambitions à la hausse. "L'administration Biden a fait un travail fantastique pour accélérer la distribution des vaccins", estime le docteur Tom Frieden, président de l'organisation de lutte contre les épidémies Resolve to Save Lives, interrogé par franceinfo.

Une campagne de vaccination XXL

Comment ? En s'appuyant notamment sur les pharmacies et des milliers de centres de vaccination, détaille la radio publique NPR*. Grâce aux 2,5 à 3 millions d'injections réalisées chaque jour en moyenne, Joe Biden a pu ouvrir la vaccination à tous les adultes dès le 19 avril. A titre de comparaison, le gouvernement français espère pouvoir en faire de même mi-juin. "Le défi désormais aux Etats-Unis est de réussir à atteindre les populations rurales ou plus isolées", précise Elisa Chelle, professeure de sciences politiques à l'université Paris Nanterre.

Les effets de cette vaccination à grande vitesse sont déjà visibles. Depuis le pic du 8 janvier, où 300 869 nouveaux cas de Covid-19 avaient été recensés aux Etats-Unis, le nombre quotidien de contaminations n'a cessé de décroître. Et la moyenne sur les sept derniers jours était d'environ 54 000* nouveaux cas quotidiens. Cette baisse est survenue "alors que le pays se remettait d'une vague importante après les vacances de fin d'année", souligne Tom Frieden. Selon cet ancien directeur des CDC, "le port du masque, la distanciation physique et la vaccination ont permis cette amélioration".

Des effets désirables

La vaccination a notamment permis de protéger les plus âgés, plus susceptibles de développer des formes graves de la maladie, rappelle le médecin américain. Quelque 67,7% des plus de 65 ans* sont ainsi "totalement vaccinés". Si les Etats-Unis demeurent le pays le plus endeuillé au monde avec près de 570 000 morts, l'immunisation des plus fragiles a ralenti le rythme des décès liés à la maladie. La moyenne du nombre de morts sur sept jours glissants est passée de plus de 3 400, début janvier, à un peu moins de 670 fin avril, notent les CDC*.

Une amélioration dont le nouveau président se félicite, bien qu'il ne puisse pas totalement s'en attribuer le mérite. "A son entrée en fonction, l'administration Biden a bénéficié d'une dynamique déjà lancée par son prédécesseur : les vaccins étaient dans une phase de production massive", souligne Elisa Chelle.

"Le gouvernement démocrate a poursuivi l'effort engagé et en a retiré les fruits."

Elisa Chelle, politologue

à franceinfo

Joe Biden peut se targuer d'une autre belle réussite : avoir fait adopter au Congrès son colossal plan de relance de 1 900 milliards de dollars. Il existait toutefois un "consensus" entre les parlementaires sur la nécessité de soutenir l'économie, pointe la politologue. "Les désaccords entre républicains et démocrates portaient sur les domaines qui avaient la priorité : les premiers voulaient avant tout maintenir les entreprises à flot, quand les seconds souhaitaient pérenniser certaines protections sociales, explique la spécialiste des questions de santé aux Etats-Unis. Mais les deux sont liés : la moitié des Américains souscrivent une assurance santé via leur employeur et les plans de retraite privés sont nombreux. Soutenir l'économie, c'est aussi garantir la protection sociale."

Un pouvoir limité pour le président

Dans la lutte contre le Covid-19, Joe Biden a-t-il atteint tous les objectifs qu'il s'était fixés pour ces quatre premiers mois de mandat ? Pas si l'on se penche sur l'élargissement de l'accès à l'assurance-santé ou la réouverture des écoles, relève Elisa Chelle. Avant son investiture, le démocrate s'était en effet engagé à permettre aux élèves de reprendre rapidement les cours en présentiel. "En réalité, les écoles sont gérées à l'échelon local et il est impossible de dresser un véritable bilan des décisions prises", note la politologue.

Il en va de même pour la plupart des restrictions sanitaires, qui relèvent des compétences des Etats et non du gouvernement fédéral. La fermeture des restaurants et des commerces non-essentiels ou encore le confinement ne peuvent être décidés que par le gouverneur de chaque Etat. Idem pour le port du masque. Une fois au pouvoir, Joe Biden a dû se contenter de l'imposer dans les bâtiments fédéraux et pour les déplacements entre Etats, tout en appelant les Américains à "porter le masque durant cent jours" pour lutter contre la propagation de l'épidémie. "Son appel a été entendu par ceux qui étaient déjà convaincus, pas par les républicains les plus réticents", poursuit Elisa Chelle.

"Lorsque le Texas et le Mississippi ont levé l'obligation de port du masque début mars, Joe Biden n'a pu que critiquer leur décision et leur 'pensée néandertalienne'. Son action reste largement déterminée par les compétences des Etats."

Elisa Chelle, politologue

à franceinfo

Fin mars, l'Arizona a ainsi annoncé la réouverture totale des bars et des restaurants et la Caroline du Nord celle des commerces, rapporte la chaîne NBC News*. Sept Etats avaient déjà mis un terme à l'obligation du port du masque à cette époque. Désormais, ce sont près de la moitié des 50 Etats américains qui ont rendu le masque optionnel dans les lieux publics, selon le décompte du New York Times*.

Menace d'une quatrième vague

Ces allègements des restrictions sanitaires expliquent en partie la hausse du nombre de cas auquel ont été confrontés les Etats-Unis sur cette même période. Mi-avril, 21 Etats avaient enregistré une hausse d'au moins 10% du nombre quotidien de contaminations, selon une étude de l'université Johns-Hopkins citée par CNN*. "La réouverture prématurée des restaurants et des commerces a donné lieu à des situations de super-propagation, analyse le docteur Tom Frieden. Combinés à la plus grande infectiosité des nouveaux variants, cela a causé le début d'une quatrième vague dans plusieurs zones du pays."

La situation s'est particulièrement dégradée dans le Michigan. Début avril, cet Etat du nord-est du pays enregistrait en moyenne plus de 7 000 contaminations par jour, contre 1 500 un mois plus tôt, rapporte le Washington Post*. La gouverneure démocrate a ainsi demandé des doses supplémentaires de vaccins. Mais la Maison Blanche a refusé*. "A ce stade, les Etats-Unis ont une marge de manœuvre limitée malgré une production importante de vaccins. En donner plus au Michigan reviendrait à enlever à un autre Etat, analyse Elisa Chelle. Joe Biden ne veut pas prendre le risque d'être accusé de favoritisme et préfère maintenir la stratégie de distribution des doses en fonction de la population."

Si les chiffres semblent désormais repartir à la baisse, la situation a particulièrement préoccupé l'actuelle directrice des CDC. Fin mars, Rochelle Walensky a appelé* les Américains à "tenir encore un peu", évoquant son sentiment de "désastre imminent". "Nous avons (...) tellement de raisons d’espérer. Mais en cet instant, j’ai peur", a-t-elle concédé lors d'une conférence de presse. D'où la nécessité de "continuer à porter des masques, de maintenir la distanciation physique et d'éviter les rassemblements à l'intérieur", insiste Tom Frieden. 

"La vaccination ne va pas faire disparaître le virus par magie, il va falloir des semaines, voire des mois, pour que l'on voie l'impact sur le nombre de contaminations."

Tom Frieden, ancien directeur des CDC

à franceinfo

Rappelant que le port du masque a été "tellement politisé" que certains républicains refusent catégoriquement d'en mettre, le président de Resolve to Save Lives appelle à "ne pas faire la même erreur avec les vaccins". "Si nous ne luttons pas efficacement contre les fausses informations, une part importante de la population ne se fera pas vacciner et cela pourrait nous empêcher de mettre un terme à cette pandémie", martèle Tom Frieden. Mercredi 21 avril, Joe Biden a lui aussi appelé à ne pas crier trop tôt victoire : "Si nous baissons notre garde maintenant, ce virus va ramener nos progrès à zéro."

* Les liens marqués par des astérisques renvoient vers des articles en anglais.

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