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Des prisons privées critiquées en Louisiane

La Louisiane détient le record mondial du taux d'incarcération par habitant. Pour faire face au nombre croissant de prisonniers, cet Etat du sud fait de plus en plus appel à des prisons privées. Des établissements destinés à accueillir les peines légères et les détenus en attente de jugement.
Article rédigé par Valerie Kowal
France Télévisions
Publié Mis à jour
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La prison d'Adelanto, aux Etats-Unis, le 15 novembre 2013. (AFP/John Moore)

La Louisiane est la championne du monde des prisons. Sa première place aux Etats-Unis lui assure aussi la première place au niveau mondial. Le taux d'incarcération y est trois fois supérieur à celui de l'Iran et sept fois supérieur à celui de la Chine. Les détenus y sont majoritairement incarcérés dans des établissements à but lucratif. Ils doivent recevoir un flux constant d'êtres humains pour éviter que ce secteur, qui pèse à peu près 150 millions d'euros, périclite.

La Louisiane possède une particularité : les entrepreneurs du secteur carcéral sont pour la plupart des shérifs ruraux. Ils financent leur activité de maintien de l'ordre en grande partie grâce aux dollars légalement prélevés sur leurs activités pénitentiaires. 
Au cœur de ce système, les détenus végètent, dans des conditions précaires. Ils n'ont peu ou pas du tout accès aux programmes de réinsertion. Chaque prisonnier rapporte 24,39 dollars par jour en argent fédéral.

Les shérifs les négocient comme des chevaux et se déchargent d'un détenu superflu au bénéfice d'un collègue qui a des places libres. Le système carcéral de Louisiane, qui louait déjà ses détenus pour travailler dans les plantations au 19e siècle, est redevenu un secteur très rentable.

Au cours des vingt dernières années, la population carcérale de l'Etat a doublé. La Nouvelle-Orléans caracole toujours en tête du classement des villes américaines pour le nombre d'homicides. En Louisiane, un adulte sur cinq est en prison. A la Nouvelle-Orléans, un homme noir sur 14 est derrière les barreaux et un homme noir sur sept est soit en prison, soit en sursis, soit en liberté conditionnelle.

En Louisiane, la population carcérale ne diminue pas
Pour Burl Cain, directeur de la prison d'Eta d'Angola : «Il faut faire quelque chose pour les longues peines. Il y a des gens que nous pouvons laisser sortir d'ici, qui ne feront de mal à personne et qui seront de bons citoyens. Nous connaissons ceux qui peuvent être libérés.»

Mais chaque dollar dépensé dans les prisons est un dollar qui n'est pas dépensé dans les écoles, les hôpitaux ou pour l'entretien des routes. Alors que d'autres Etats réduisent leur population carcérale, ce n'est pas le cas de la Louisiane. Un Etat qui compte pourtant un pourcentage bien plus faible de personnes incarcérées pour des crimes violents et un pourcentage bien plus élevé de personnes derrière les barreaux pour des infractions liées à la drogue. 

«Certaines personnes sont extrêmement investies dans la préservation du système actuel et pas seulement des shérifs, mais des juges et des procureurs»,
 explique Burk Foster, ancien professeur à l'université de Louisiane. «Ils ne veulent pas entendre parler d'une baisse du nombre de détenus, même si la criminalité recule, car ils sont tous liés à un réseau qui les avantage financièrement et politiquement.»

Au début des années 90, le taux d'incarcération était deux fois plus élevé qu'aujourd'hui, la Lousiane a été sommée par un tribunal fédéral de réduire sa population carcérale. L'Etat avait deux choix : enfermer moins de gens ou construire plus de prisons. Il a choisi la deuxième option en bâtissant des prisons privées et a décidé d'encourager les shérifs et les entreprises privées à construire des établissements pénitentiaires en leur promettant un retour sur investissement.

Les détenus préfèrent les prisons d'Etat
Fred Schoonover, directeur d'un centre de détention de 522 lits à Tensas, dans le nord-est de la Lousiane, affirme qu'il ne considère pas ses détenus comme une «matière première». Son supérieur, Ricky Jones, le shérif de Tensas, compte sur lui pour continuer à faire grimper les chiffres : «Nous nous battons. Je passe beaucoup de temps au téléphone à appeler dans tout l'Etat en essayant d'en dégoter quelques uns.»

Mais les prisonniers préfèrent être enfermés dans une prison d'Etat. Les détenus des prisons locales sont condamnés à dix ans de prison maximum pour des faits sans violence. De leur côté, les prisons d'Etat sont réservées aux criminels les plus endurcis. Et pourtant, ce sont eux qui apprennent la soudure, la mécanique ou la plomberie. Le pénitencier d'Etat d'Angola est le seul à offrir à ses détenus une chance de décrocher un diplôme de 1er cycle.

Grégory Barber, un détenu de 50 ans qui a fait un aller-retour entre les deux systèmes, explique bien les différences. A Phelps, un centre géré par l'Etat, il a appris la soudure. Aujourd'hui incarcéré dans une prison gérée par la société privée LaSall, il témoigne : «Dans les prisons d'Etat, vous sortez tous les jours. Vous allez au travail. Ici, le temps passe encore plus lentement.»

La crise économique a conduit de nombreux Etas à réduire leur population carcérale. Même au Texas, un des Etats les plus durs en matière de répression, une nouvelle loi envoie les petits délinquants dans des centres de désintoxication et propose des alternatives à la prison.

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