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Droit à l'avortement, port d'armes, accès au vote… On vous explique le tour de vis conservateur du Texas

De nombreuses lois ultra-conservatrices sont entrées en vigueur dans l'Etat du sud des Etats-Unis. Une manière pour la majorité républicaine du Texas de tenter de garder le pouvoir face à la montée du vote démocrate.

Article rédigé par Rachel Rodrigues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des militants anti-avortement, rassemblés devant le Parlement du Texas, en mai 2021, à Austin (Etats-Unis). (SERGIO FLORES / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Elles se comptent au nombre de 666. Une batterie de lois votées au printemps sont entrées en vigueur, mercredi 1er septembre, dans l'Etat américain du Texas, entérinant la victoire du camp républicain, majoritaire au Parlement d'Etat, sur le camp démocrate. Parmi elles, des lois relatives au port d'armes, au droit à l'avortement ou encore à l'enseignement de l'histoire à l'école ou encore une loi électorale, qui réduit l'accès au droit de vote des minorités.

On vous explique comment le Texas a musclé son arsenal législatif de textes très conservateurs.

1Quelles sont les lois entrées en vigueur au Texas ?

Trois textes sont particulièrement controversés, à commencer par la loi dite "du battement de cœur", qui interdit l'interruption volontaire de grossesse (IVG) après six semaines de grossesse, même en cas de viol ou d'inceste. Or, beaucoup de femmes ignorent encore qu'elles sont enceintes à ce stade.

Avant le Texas, douze Etats américains, dont le Mississippi ou encore l'Alabama, ont déjà adopté des lois similaires. Ce texte "va beaucoup plus loin", estime Tamara Boussac, maîtresse de conférence à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, spécialiste en civilisation américaine, contactée par franceinfo.

La Cour suprême, saisie en urgence par des défenseurs du droit à l'avortement, a refusé jeudi de se prononcer sur la constitutionnalité de la loi, invoquant "des questions de procédures complexes et nouvelles". En cause, le caractère inédit du texte, dont l'application repose sur les citoyens, encouragés à engager des poursuites contre toute personne ou organisation qui aiderait une femme à avorter. Ils peuvent ainsi recevoir jusqu'à 10 000 dollars de dédommagement en cas de condamnation. Un appel "pernicieux" à la délation, a critique le président Joe Biden.

Le texte tout juste entré en vigueur n'a encore donné lieu à aucun procès. La Cour suprême attend donc "qu'une décision de justice soit prise pour se prononcer", explique Tamara Boussac. "Pour l'instant, cela reviendrait à statuer sur du vide", poursuit de son côté Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l'université Panthéon-Assas.

Le Texas a également autorisé le port d'une arme à feu apparente sans permis, pour tous les citoyens de plus de 21 ans. Le texte est critiqué par les démocrates et les défenseurs du contrôle des armes, qui craignent une multiplication des fusillades, alors que le Texas a été endeuillé par la tuerie d'El Paso, qui avait fait 22 morts, en août 2019.

Enfin, une loi électorale d'ampleur est entrée en vigueur, qui vise officiellement à rendre les élections plus sûres, en interdisant notamment le vote en "drive-in" et en instaurant de nombreuses restrictions aux horaires de vote et au vote par correspondance, qui a joué un rôle crucial lors de la dernière élection présidentielle. Pour les détracteurs de cette loi, celle-ci réduit l'accès au vote des minorités ethniques. "Empêcher le vote par anticipation, c'est faire en sorte qu'un tas de gens ne puisse pas voter, notamment les populations les plus précaires", précise Tamara Boussac.

2Dans quel contexte politique et social ces lois arrivent-elles au Texas ?

Cette loi anti-avortement intervient dans un contexte social où l'activisme évangélique et anti-avortement est de plus en plus présent, notamment depuis l'élection de Donald Trump, qui a défendu ardemment ces groupes pendant son mandat.

Le Texas, gouverné par le conservateur Greg Abbott depuis 2014, est également un Etat historiquement républicain, où le parti est majoritaire dans les deux chambres. Depuis quelques années, l'Etat connaît toutefois une évolution démographique qui favorise une augmentation du nombre d'électeurs démocrates, grâce au vote des communautés hispaniques notamment.

Si en 1975, la communauté latine représentait 22% de la population texane et 15% des inscrits sur liste électorale, ils représentent aujourd'hui 40% de la population et environ 20 à 25% des votants, rapporte NBC News (en anglais). Dans l'Etat du sud, les activistes démocrates locaux mobilisent de plus en plus dans les zones urbaines telles qu'Austin ou Houston, comme le relate le Financial Times (article en anglais). Le groupe hispanique Voto Latino avait notamment organisé une campagne massive de mobilisation électorale à l'approche de la présidentielle.

"Cela dénote d'une certaine situation d'urgence pour les élus républicains, qui craignent de voir les démocrates devenir de plus en plus puissants."

Tamara Boussac

à franceinfo

"Les élus républicains veulent montrer que ce sont encore eux qui donnent le ton et qui régulent la vie quotidienne", explique Lauric Henneton, maître de conférences à l'université de Versailles-Saint-Quentin, spécialiste en civilisation américaine.

3Comment le gouverneur Greg Abbott se positionne-t-il sur le plan national ?

D'après plusieurs spécialistes interrogés, ces lois concrétisent également les ambitions présidentielles du gouverneur républicain. Greg Abbott "utilise les questions de société pour mobiliser les évangéliques blancs", analyse Lauric Henneton.

"Abbott prépare sa campagne électorale", confirme Jean-Eric Branaa. Le gouverneur "met en avant toutes les grandes croyances qui fédèrent les conservateurs américains", poursuit Tamara Boussac. "Plusieurs élus veulent rivaliser en devenant plus conservateur que Donald Trump lui-même", estime-t-elle.

Le gouverneur texan rejoint d'autres grandes figures républicaines, telles que Ron De Santis, en Floride, qui tentent lui aussi de s'imposer pour reprendre le flambeau de l'ancien président, dans l'hypothèse où il ne se présenterait pas à la Maison Blanche en 2024.

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