Comment le détroit d'Ormuz est devenu le théâtre des tensions entre les Etats-Unis et l'Iran
Washington affirme que l'"USS Boxer" a abattu un drone iranien. Une information rapidement contredite par Téhéran. Ce nouvel incident ponctue plusieurs semaines de tensions dans la région, alors que les relations entre les deux pays sont au plus bas.
Depuis plusieurs mois, les Etats-Unis et l'Iran sont à couteaux tirés dans le détroit d'Ormuz, qui relie le golfe d'Oman au golfe Persique, et un nouvel incident vient à nouveau d'illustrer ces tensions. Washington a affirmé, jeudi 18 juillet, que son navire amphibie USS Boxer avait abattu un drone iranien qui s'était approché à moins de 1 000 m du bâtiment, alors qu'il s'apprêtait à emprunter le détroit. De son côté, l'Iran a rejeté ces accusations et assuré que tous ses drones étaient "bien rentrés à leurs bases". Cette nouvelle passe d'armes démontre le poids hautement stratégique de la région dans le commerce mondial du pétrole.
Plusieurs escarmouches depuis le mois de mai
Avant cette affaire, les Etats-Unis avaient déjà accusé l'Iran d'être derrière des actes de sabotage ayant visé quatre navires en mai, au large des côtes iraniennes en mer d'Oman. Washington avait encore dénoncé l'influence de Téhéran le mois suivant, après deux attaques d'origine inconnue contre des pétroliers japonais et norvégien. Face aux dénégations de la République islamique, Donald Trump s'était appuyé sur une vidéo du Pentagone, qui semblait montrer l'accostage d'un tanker par une vedette rapide des Gardiens de la révolution pour retirer une "mine magnétique non explosée", selon lui, de la coque du pétrolier. L'Iran, pour sa part, avait affirmé que ces hommes étaient intervenus pour sauver l'équipage.
Mais cet affrontement est parfois plus direct entre les deux pays. Le 20 juin dernier, l'Iran avait ainsi abattu un drone américain qui se trouvait dans son espace aérien, selon Téhéran, un point contesté par les Etats-Unis qui assurent que l'appareil se trouvait "dans l'espace aérien international". Donald Trump avait alors approuvé des frappes de représailles contre des radars et des batteries de missiles iraniens, avant de se raviser et d'annuler cet ordre dix minutes avant les tirs. Réel projet ou simple menace ? En tout cas, jamais un affrontement entre les deux pays n'a semblé si proche.
Dans ce contexte déjà tendu, les Gardiens de la révolution ont annoncé dimanche dernier avoir arraisonné "un tanker étranger" et son équipage, soupçonnés de se livrer à de la "contrebande" de carburant. Les Gardiens n'ont pas précisé le nom du bateau ni son pavillon, mais le lien est évident avec l'interception d'un pétrolier iranien par un bâtiment britannique au large de Gibraltar, dix jours plus tôt. Le guide suprême iranien Ali Khamenei avait en effet annoncé que son pays répondrait "au moment et à l'endroit opportuns" à cette interception britannique.
Des tensions diplomatiques toujours plus vives
Ces incidents se sont multipliés depuis que les Etats-Unis sont sortis l'an passé de l'accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015. La situation s'est nettement détériorée dans le détroit d'Ormuz avec le rétablissement des sanctions qui ont fait plonger l'Iran en récession et lui ont fait perdre les acheteurs de son pétrole. Signe de l'animosité américaine, les Etats-Unis ont également placé début mai les Gardiens de la révolution et la force Qods – chargée des opérations extérieures des Gardiens – sur leur liste noire des "organisations terroristes étrangères".
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Un porte-avions et des bombardiers avaient alors été déployés au Moyen-Orient, accroissant encore la militarisation de la zone. Après l'approche du drone iranien, Donald Trump a dénoncé "la dernière des nombreuses actions provocatrices et hostiles de l'Iran contre des navires opérant dans les eaux internationales". Le président américain a défendu le droit pour les Etats-Unis de "défendre leur personnel, leurs équipements et leurs intérêts" tout en appelant "les autres pays à protéger leurs navires qui franchissent le détroit et à coopérer avec nous à l'avenir".
Après le retour des sanctions américaines, l'Iran a commencé à s'affranchir de certains de ses engagements en matière de nucléaire, en annonçant notamment avoir dépassé le seuil limite de 3,67% d'enrichissement d'uranium qui lui était imposé. Pourtant, les deux parties semblent ouvertes à d'éventuelles négociations. Selon le Guardian (en anglais), le chef de la diplomatie iranienne Javad Zarif, qui se trouvait à New York pour des réunions à l'ONU, a proposé des inspections immédiates et plus complètes du programme nucléaire iranien en échange d'une levée des sanctions par Washington. "Tout ce que nous voulons, c'est un accord juste. L'accord qui avait été conclu était mauvais", a déclaré le président américain à la presse, évoquant en filigrane l'ouverture de négociations.
Un détroit stratégique pour le pétrole
Si l'escalade entre les deux puissances se concentre dans la région du Golfe et du détroit d'Ormuz, c'est parce que cette zone est stratégique pour le commerce mondial de pétrole : environ 21 millions de barils de pétrole y transitent chaque jour, soit un tiers du pétrole acheminé par voie maritime dans le monde. Les navires doivent circuler à travers un fin couloir entre des îles appartenant à Oman, avant de transiter par un chenal entre trois îles contrôlées depuis 1971 par l'Iran. La liberté de navigation y est en théorie garantie par le droit international, via la convention des Nations unies sur le droit de la mer.
"La zone est extrêmement étroite et en plus, elle est sillonnée par des petites embarcations de pêcheurs ou de contrebandiers, explique au Monde un ancien de la marine marchande française. Le passage est compliqué en raison de la brume de chaleur qui restreint la visibilité." Au-delà de ces difficultés, les échanges commerciaux ont souvent été affectés par les différents conflits régionaux – plus de 500 navires avaient été détruits ou endommagés pendant la "guerre des pétroliers" lors du conflit entre l'Iran et l'Irak (1980-1988). Les nouvelles escarmouches ont réveillé les craintes des transporteurs maritimes.
Si ces eaux devenaient dangereuses, l'approvisionnement de l'ensemble du monde occidental pourrait être menacé.
Le président d'une association de pétroliersà l'AFP
Dans ce contexte tendu, les Etats-Unis cherchent actuellement à former une coalition internationale pour escorter les navires de commerce dans la région. Le chef du commandement central américain s'est ainsi engagé à agir "énergiquement" pour assurer la sécurité du transport maritime, lors d'une visite sur une base aérienne en Arabie saoudite, grande rivale de l'Iran dans la région.
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