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Turquie : Erdogan "voudrait retourner à un sultanat sans aucun contre-pouvoir"

La sénatrice EELV Esther Benbassa, née en Turquie, a analysé pour franceinfo la victoire du président turc Recep Tayyip Erdogan au référendum.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
Le président turc Recep Tayyip Erdogan visite la tombe du sultan Sélim 1er à Istambul, le 17 avril 2017. (TURKISH PRESIDENCY / YASIN BULBU / ANADOLU AGENCY)

En Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan a remporté de peu dimanche 16 avril le référendum constitutionnel destiné à asseoir son pouvoir, neuf mois après avoir échappé à un putsch. Mais l'opposition dénonce des irrégularités.

Au lendemain de ce scrutin, Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne, née en Turquie, estime sur franceinfo que Recep Tayyip Erdogan "voudrait retourner à un sultanat sans aucun contre-pouvoir" dans un pays où s'est instauré un clivage "qui va poser de très nombreux problèmes dans les mois à venir", selon elle.

franceinfo : Comment a voté la diaspora turque installée à l'étranger ?

Esther Benbassa : La diaspora européenne a voté pour Erdogan, sauf l'Angleterre, qui a voté comme les États-Unis, non à Erdogan. Ce ne sont pas les mêmes populations. En Europe, on a amené des villages entiers de Turquie pour travailler dans les usines parce qu'on manquait de main d'œuvre. En Angleterre et en Amérique, les Turcs ont émigré pour devenir financiers, pour étudier, pour créer des start-up. En Turquie, on voit cette même division puisque dans l'Est, la partie kurde a voté contre, le Nord a voté pour, le Centre a voté pour. À Istanbul, Ankara, dans les grandes villes comme Smyrne, et sur la côte égéenne, ils ont voté contre. Pour résumer, les populations qui avaient, dans les années 1920, refusé la laïcisation et l'occidentalisation, se sont tournées vers l'islam encore plus rigoriste avec Erdogan et ils ont voté pour lui. On voit donc un clivage qui va poser de très nombreux problèmes dans les mois à venir. C'est la Turquie divisée entre ce qu'on appelle les Turcs blancs et les Turcs noirs.

À quoi peut-on s'attendre aujourd'hui en Turquie avec ces divisions ?

Il y a plusieurs hypothèses. Il y a une instabilité politique qui va réduire les investissements déjà largement réduits, qui va faire plonger l'économie de la Turquie. Les adeptes d'Erdogan ont voté pour lui parce que les revenus moyens des gens modestes avaient triplé. Il y a eu une période d'économie fleurissante. Avec cette instabilité je ne sais pas qui va venir investir de l'argent.

Des vrais affrontements sont possibles.

Esther Benbassa, sénatrice EELV

à franceinfo

On peut s'attendre aussi à ce qu'Erdogan force ce mouvement de répression qui est là de longue date et qui s'est renforcé avec le putsch. S'il est assez intelligent, il essaiera de rassembler les deux parties de la population pour continuer à régner. Mais je ne crois pas que ce soit son but. Aujourd'hui, il instaure le sultanat. C'est dans la ville fondée par Atatürk, par les Républicains, qu'il a récolté le non, comme à Istanbul où il a été maire de 1994 à 1998. Tout cela montre combien ce personnage haut en couleur voudrait retourner à un sultanat sans aucun contre-pouvoir.

"Aujourd'hui, Erogan instaure le sultanat" - Esther Benbassa, sénatrice EELV

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