Cet article date de plus de sept ans.

Référendum en Turquie : ce que change le "oui" à la révision constitutionnelle

Le pays a adopté à une courte majorité, dimanche, le texte constitutionnel porté par le président Recep Tayyip Erdogan, qui remplace le régime parlementaire par un régime présidentiel. 

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, lors d'un meeting à Istanbul, le 15 avril 2017. (BERK OZKAN / AFP)

La Turquie est en train d'écrire une nouvelle page de son histoire. Selon un chiffre communiqué après le dépouillement de 99% des bulletins de vote, le pays a dit "oui" à 51,3% des voix, dimanche 16 avril, à la révision constitutionnelle du président Recep Tayyip Erdogan, qui vise à remplacer le système parlementaire par un système présidentiel.

Une réfome qui, selon ce dernier, est nécessaire pour doter la Turquie d'un exécutif fort et stable, et lui permettre de faire face à d'importants défis économiques et sécuritaires. Mais les détracteurs de Recep Erdogan dénoncent un texte écrit sur mesure pour satisfaire les ambitions du président turc, accusé de dérive autoritaire, notamment depuis le putsch avorté de juillet. Franceinfo revient sur ce que va changer ce texte en Turquie. 

Un président (très) renforcé

Le poste de Premier ministre va disparaître purement et simplement. Le président pourra alors nommer et révoquer ses ministres, qui ne seront plus responsables devant le Parlement. Il nommera également douze des quinze membres du Conseil constitutionnel, ainsi que six des treize membres du Haut Conseil des juges et des procureurs, institution chargée de choisir le personnel judiciaire.

Le chef de l'Etat aura aussi la main sur d'autres nominations stratégiques : haut commandement militaire, chef du renseignement, recteurs d'université... Il pourra aussi demeurer chef d'un parti politique. Et déclarer l'état d'urgence en cas de "soulèvement contre la patrie" ou d'"actions violentes qui mettent la Nation (...) en danger de se diviser". Le Parlement pourra ensuite raccourcir, prolonger ou mettre fin à cet état d'urgence.

Prolongé d'un an, le mandat présidentiel sera désormais de cinq ans, renouvelable une fois. Premier ministre de 2003 à 2014, Recep Tayyip Erdogan, élu président en 2014, pourra ainsi théoriquement rester au pouvoir jusqu'en 2029 avec l'adoption de cette réforme.

Un Parlement avec plus de députés mais affaibli

Le président pourra également contourner le Parlement en gouvernant par décret dans la sphère – large – de ses compétences. De facto dépouillée de ses pouvoirs au profit du chef de l'Etat, la nouvelle Chambre passera tout de même de 550 à 600 députés. Les nouvelles élections – présidentielle et législatives en même temps – seront fixées au 3 novembre 2019.

Le Parlement pourra en revanche superviser les actions du chef de l’Etat et, si celui-ci est accusé ou soupçonné d'avoir commis un délit, exiger une enquête — en cas de majorité des trois cinquièmes.

Un pays de plus en plus autoritaire

"Un pas institutionnel inquiétant." Voilà comment Didier Billion, le directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la Turquie, qualifiait, auprès de franceinfo à la veille du référendum, la possible adoption de cette réforme constitutionnelle. "Les contre-pouvoirs vont disparaître de façon constitutionnelle, c'est-à-dire que ce sera gravé dans le marbre, et le président disposera de tous les pouvoirs", prédit encore le spécialiste. 

Le texte va enclencher "la restructuration la plus drastique des 94 ans d'histoire de la politique turque et de son système de gouvernance", dénonçait, avant le vote, un rapport signé par Sinan Ekim et Kemal Kirisci, du think-tank Brookings Institution.

Des relations avec l'UE incertaines

Les relations entre l'Union européenne et la Turquie ne sont pas au beau fixe. Au cours de la campagne, Erdogan a ainsi ccusé l'Allemagne et les Pays-Bays de "pratiques nazies", après que les deux pays ont refusé la tenue de réunions politiques "pro-oui" sur leurs territoires, suscitant un regain de tension avec l'Europe.

Faut-il alors craindre une aggravation des relations entre l'UE et la Turquie ? Pas si sûr. "Les échanges économiques de la Turquie avec l'UE sont trop essentiels à son pays, explique encore à franceinfo Didier Billion. Après la campagne électorale, il est probable qu'il adoucisse son ton." Erdogan a déjà prévenu : la candidature de la Turquie à l'UE sera mise "sur la table" après le scrutin.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.