"Pour vivre, il faut plusieurs boulots" : en Turquie, la nouvelle augmentation du salaire minimum ne pèse pas lourd face à l'inflation
Payé au salaire minimum, Ali, 60 ans, travaille sur les chantiers à Istanbul. Ce revenu ne lui suffit pas pour régler le loyer et les factures d’eau et d’électricité. "Pour vivre, il faut plusieurs boulots, précise Ali. Quand je quitte mon travail, j’enchaîne sur un autre. Je connais des ingénieurs et des architectes. Ils me donnent des choses à faire. Ça me permet d’avoir un revenu décent. Mes 24 heures sont complètement occupées par le travail." Et ce n’est pas la nouvelle hausse du salaire minimum qui va changer sa vie, sourit-il.
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Le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé jeudi 22 décembre une augmentation du salaire minimum pour la troisième fois depuis le début de l’année. Ce salaire passera au 1er janvier de 5 500 livres turques à 8 500, soit environ 460 euros. Plus de 50% de hausse. Un compromis raisonnable, juge le président turc, qui ne satisfait guère les syndicats. La livre dévisse et l’inflation atteint officiellement 85%. Un chiffre sous-évalué selon plusieurs économistes indépendants, qui estiment la hausse à 180%. Cette inflation plonge les Turcs dans une crise économique d’une ampleur que beaucoup disent n’avoir jamais connue.
Les prix augmentent davantage
"J’attendais la hausse du salaire minimum mais elle aurait dû être plus importante, regrette Ercan, employé au salaire minimum dans un restaurant de quartier. "Avec cette augmentation, il faudrait que les prix ne bougent pas mais tout augmente donc ça ne va servir à rien." Hussein, qui travaille dans le même restaurant, ne se fait lui non plus aucune illusion : "Pour un célibataire ça peut aller, mais pour les autres c’est très difficile chaque fois que le salaire minimum a été augmenté les prix ont monté deux fois plus ! C’est toujours la même chose." "Je travaille, mon frère aussi, mon père aussi et on peut juste survivre", s’indigne Ercan. C’est désormais le lot de plus en plus de familles en Turquie. Le seuil de pauvreté n’est plus un indicateur suffisant.
Les services sociaux calculent aujourd’hui un "seuil de la faim". À 8 500 livres, le salaire minimum augmenté est juste au-dessus de ce seuil de la faim calculé pour une famille de quatre personnes. Mais le gain risque d’être balayé par une nouvelle valse des étiquettes. "Je vais être obligée d’augmenter les prix pour payer le salaire minimum, confirme Hazal qui gère un salon de thé. Il y a deux mois le thé coûtait 5 livres aujourd’hui c’est 7,50. Si je le vends à 10 livres les gens vont râler mais comment faire autrement ?" Cette commerçante comprend néanmoins ses clients, elle galère aussi pour payer l’école de son fils.
"Si c’est difficile pour moi qui suis commerçante, je n’arrive même pas à imaginer comment les ouvriers au salaire minimum peuvent faire !"
Hazal, commerçanteà franceinfo
"Les loyers ici, c’est 15 000, 20 000 livres au minimum, assure Hazal. Dans une famille si tout le monde travaille, on peut payer le logement. Mais qu’est-ce qu’il reste pour manger, pour boire, pour s’habiller ?" Cette question devrait continuer de hanter de nombreuses familles.
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