Cet article date de plus de huit ans.

Laïcité: la Turquie divisée entre islamo-conservateurs et pro-laïcs

La société turque est divisée sur l’héritage de Mustafa Kemal Atatürk. La laïcité est la ligne rouge à ne pas franchir pour les laïcs qui soupçonnent les conservateurs du président Erdogan de vouloir islamiser la Turquie. Démenti officiel : la laïcité figurera bien dans la nouvelle Constitution.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
La police réprime la manifestation pour la laïcité à Istanbul. (OZAN KOSE / AFP)

«En tant que pays musulman, pourquoi devrions-nous être dans une situation où nous sommes en retrait de la religion? Nous sommes un pays musulman. Avant toute autre chose, la laïcité ne doit pas figurer dans la nouvelle Constitution», tranche le président du Parlement, Ismaïl Kahraman, appelant de ses vœux une «Constitution religieuse». Ballon d’essai ou position individuelle? Ismaïl Kahraman est un poids lourd du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur au pouvoir) du président Recep Tayyip Erdogan.

L’opposition s’est mobilisée de suite. «La laïcité est le premier facteur de paix sociale. La laïcité est là pour garantir à tous la liberté de culte», souligne Kemal Kilicdaroglu, chef de file du Parti républicain du peuple (CHP, laïque), sur Twitter. Devlet Bahceli, le chef de file du Parti d'action nationaliste (MHP, opposition), a jugé inopportun d'ouvrir un débat sur la laïcité. Plusieurs manifestations se sont déroulées le 26 avril à travers la Turquie, parfois violemment dispersée par la police.

 
Face au tollé, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a assuré que le principe de la laïcité sera conservé. «Dans la nouvelle Constitution que nous préparons, le principe de laïcité figurera pour garantir la liberté de culte des citoyens et pour que l'Etat soit à égale distance de toutes les confessions», a déclaré le 27 avril 2016 Ahmet Davutoglu, lors d'un discours public à Ankara. Cela suffira-t-il à calmer la grogne de l’opposition? «Ces propos rendent plus difficiles les efforts déployés pour une nouvelle Constitution. Nous allons devoir faire comprendre très clairement à l'opinion publique qu'une telle approche n'est pas envisagée. Mais franchement, avec les déclarations d'hier, cela ne va pas être facile», a déclaré à Reuters un autre responsable du parti d'Erdogan.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, l'AKP est accusé par ses détracteurs de vouloir islamiser la société turque. Le parti a libéralisé le port du voile islamique, autrefois strictement interdit dans la fonction publique et les universités, suscitant l'ire des pro-laïcs qui l'accusent d'effriter les principes mis en place par le fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk.

L'AKP, qui dispose de 317 des 550 sièges parlementaires, doit réunir 330 voix pour obtenir la tenue d'un référendum constitutionnel, ce qui suppose le ralliement d'une partie de l'opposition.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.