Guet-apens, commando et "scie à os" : le scénario terrifiant du probable assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi
Porté disparu depuis qu'il s'est rendu au consulat de son pays à Istanbul (Turquie), ce journaliste, qui critiquait régulièrement le pouvoir saoudien, aurait été assassiné par un commando envoyé par Riyad.
Un meurtre digne d'une scène de Pulp fiction. Cette comparaison avec le film de Quentin Tarentino est l'œuvre d'un haut responsable de la sécurité turque, cité par le New York Times*. En effet, depuis sa mystérieuse disparition le 2 octobre, le scénario d'un assassinat du journaliste Jamal Khashoggi se précise et les détails les plus glauques sortent dans la presse. Jamal Khashoggi, très critique envers le pouvoir saoudien, est porté disparu depuis qu'il s'est rendu au consulat de son pays, à Istanbul, en Turquie. Franceinfo revient sur les derniers éléments de l'enquête qui accréditent la thèse d'un assassinat minutieusement organisé.
Ce 2 octobre à 13h14 (12h14, heure de Paris), Jamal Khashoggi a rendez-vous au consulat saoudien à Istanbul. Il vient récupérer "un document saoudien certifiant qu'il n'est pas déjà marié", selon sa fiancée turque, Hatice Cengiz. Sur les images de vidéosurveillance, que la police turque a fait fuiter, on aperçoit l'homme de 59 ans, veste sombre et pantalon gris, franchir la massive porte grise décorée des deux cimeterres dorés, emblème de l'Arabie saoudite. C'est la dernière preuve de vie du journaliste.
Que s'est-il passé ensuite exactement ? Mystère. Sa fiancée, qui l'attendait à l'extérieur, ne l'a jamais revu. De leur côté, les autorités saoudiennes affirment que Jamal Khashoggi est ressorti libre de ce bâtiment hyper sécurisé du quartier d'affaires de Levent.
Le corps du journaliste découpé ?
Pourtant, le scénario du guet-apens prend de jour en jour de l'épaisseur. Il y a d'abord cet étrange commando, arrivé au même moment à Istanbul. Selon les autorités turques, 15 hommes ont débarqué de deux avions différents à l'aéroport Atatürk et seraient repartis dans la journée. Logés dans un hôtel proche du consulat, ils auraient même apporté avec eux une "scie à os" pour découper le corps du journaliste, rapporte le New York Times*. Un scénario confirmé par une source au Washington Post.
Le corps de Khashoggi a été probablement découpé et mis dans des caisses avant d'être transféré par avion hors du pays.
Une source au "Washington Post"
Une thèse renforcée par d'autres images de vidéosurveillance montrant un étrange van, un Mercedes Vito noir muni de plaques d'immatriculation diplomatiques et aux vitres teintées, franchir les barrières du consulat le jour de la disparition du journaliste, avant de repartir un peu plus tard en direction de la résidence du consul. Qui est au volant et qui est à l'arrière ? Mystère, là encore. Mais le quotidien turc Daily Sabah* a diffusé les photos des membres de ce qu'il surnomme "la brigade d'assassins" et leur identité. Parmi eux, des officiers de l'armée saoudienne et un médecin légiste.
CCTV footage shows movements of Saudi intelligence squad, allegedly sent to target Washington Post columnist Khashoggi, and the moment the journalist enters the kingdom’s consulate in Istanbul on Oct. 2 https://t.co/3Stg7j0KHC pic.twitter.com/1lHDmwUKrO
— DAILY SABAH (@DailySabah) 10 octobre 2018
Enfin, d’après le Washington Post*, les services de renseignement américains ont également intercepté, quelques jours avant la disparition du journaliste, des communications entre des responsables saoudiens évoquant un plan pour son enlèvement.
Des précédents jamais élucidés
Ces méthodes rappellent d'autres disparitions listées par The Guardian*. Ainsi, le prince Sultan Ben Turki a été enlevé dans sa suite de l’hôtel Intercontinental à Genève (Suisse) en 2003, se souvient Le Temps. Selon ses propres dires, il aurait été battu, puis menotté, avant qu'on lui injecte des tranquillisants. Il a été retrouvé deux semaines plus tard dans un lit d’hôpital à Riyad.
Un autre prince saoudien a également disparu des radars. Turki Ben Bandar a été jeté en prison après une querelle familiale autour d'une question d'héritage, raconte Slate. A sa libération, il se précipite à Paris. De 2012 à 2015, il poste des vidéos critiquant le régime saoudien sur YouTube. Puis, fin 2015, il se volatilise. Personne ne l'a jamais revu.
* Tous les liens signalés renvoient sur des articles en anglais.
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