Cet article date de plus de neuf ans.

Trois conseils à suivre si vous voulez fonder votre propre pays

Un politicien tchèque a annoncé, lundi, avoir créé une république, le Liberland, sur une bande de terre entre la Croatie et la Serbie.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le drapeau de l'autoproclamée République libre du Liberland, à la frontière serbo-croate, créée lundi 13 avril 2015. (LIBERLAND.ORG)

"En accord avec le droit international, un groupe de citoyens tchèques a décidé de déclarer un nouvel Etat, la République libre du Liberland, dans le territoire défini ci-dessous." C'est par ce communiqué, accompagné d'un lien vers une Google Map et de la photo de quatre pionniers posant sous un drapeau, qu'a été annoncée, lundi 13 avril, la naissance du plus jeune Etat du monde, dans une petite bande de terre de 7 km2, coincée entre le Danube et la frontière serbo-croate. Mais le Liberland n'a pour l'instant rien d'un Etat, en dehors d'un drapeau et d'une devise, "Vivre et laisser vivre".

Le Liberland rejoint plutôt la constellation des micronations autoproclamées – environ 400 à travers le monde – qui, le plus souvent, ne sont reconnues par personne, en dehors des petits groupes d'idéalistes qui les ont fondées ! Selon son président, Vit Jedlicka, le Liberland avait déjà reçu par internet, mercredi, près de 20 000 demandes de citoyenneté. Mais son pays n'est encore qu'au stade du projet un peu loufoque. Francetv info revient sur les conditions nécessaires pour qu'il devienne une micronation durable.

S'installer sur un territoire dont personne ne veut

C'est une différence fondamentale avec les Etats sécessionnistes : si ces derniers tentent d'imposer à un Etat l'indépendance d'une partie du territoire, les micronations, elles, se construisent "dans les recoins, les bribes, les interstices du monde connu", selon la formule de l'écrivain Bruno Fuligni, dans la préface d'un livre du photographe Léo Delafontaine, auteur d'une série de reportages dans quelques-unes de ces micronations.

Le Liberland assure ainsi que son territoire, à la frontière entre la Croatie et la Serbie, n'est réclamé par aucun des deux pays, qui n'ont d'ailleurs pas réagi à la création de leur nouveau voisin. En 2014, un père de famille américain a profité d'un vide de souveraineté similaire pour planter son drapeau au Bir Tawil, un territoire situé entre l'Egypte et le Soudan. Il s'est autoproclamé monarque du Royaume du Nord-Soudan, pour faire plaisir à sa fille, qui rêvait de devenir une princesse.

Une autre astuce des fondateurs de micronations : s'installer au milieu de la mer, dans les eaux internationales. C'est le cas du Sealand, une principauté établie en 1966 par un ancien major de l'armée britannique sur une plateforme militaire de la Royal Navy située en mer du Nord. A l'inverse, la République de Minerve, fondée en 1971 par un riche Américain qui a fait déverser du sable sur un récif du Pacifique pour y créer deux îles, a été reprise après seulement quelques mois par les îles Tonga, qui estimaient que la micronation était située sur leur territoire.

Ne pas se prendre trop au sérieux

A l'image du Liberland, qui est aujourd'hui essentiellement un drapeau planté sur une bande de terre, il ne faut pas forcément grand-chose pour déclarer sa micronation. Et c'est peut-être là que réside le secret de la longévité de certaines d'entre elles : elles ne dérangent personne ! Ainsi, l'activité de la République du Saugeais, créée en 1947, et qui regroupe aujourd'hui onze communes du Doubs, se résume simplement à organiser sa fête nationale, promouvoir l'histoire locale, et assurer un semblant de douane, explique le secrétaire d'Etat du "pays" au site Vice.

Le 11 avril, la République de Molossie, en Californie, accueillait le MicroCon 2015, premier sommet des micronations, au cours duquel une quinzaine de chefs d'Etat autoproclamés se sont réunis. Au menu, raconte Le Monde, costumes d'apparat bardés de médailles, et démonstration de combats médiévaux. Pour ces "dirigeants", dont l'autorité s'exerce essentiellement sur leur famille, et sur un territoire qui correspond à leur jardin, fonder une micronation s'apparente donc plus à un hobby, une sorte de jeu de rôle poussé à l'extrême. Ainsi, la vie de l'Américain qui voulait faire plaisir à sa fille n'a pas tellement changé depuis qu'il est devenu souverain du Nord-Soudan. Et pour cause : il n'a pas remis les pieds dans son royaume, trop occupé à négocier l'adaptation de son histoire au cinéma par les studios Disney, rapporte Newsweek (en anglais).

Devenir un attrape-touriste

La plupart des micronations naissent d'idéaux. En général, le rejet du gouvernement en place, et le rêve d'une société libre, constituent le moteur. Mais les nations qui ambitionnent, comme le Liberland, de construire un véritable Etat indépendant, doivent résoudre un problème : difficile de bâtir une économie avec une population qui atteint, au mieux, quelques centaines d'habitants.

Pour la principauté de Hutt River, en Australie, la solution est le tourisme : elle organise pour les curieux des visites guidées, pour lesquelles il faut un visa payant, et leur vend des timbres et des pièces de monnaie qu'elle édite elle-même. L'éditeur de guides touristiques Lonely Planet a même consacré, en 2006, un volume entier aux micronations (en anglais) !

Une activité salvatrice, mais qui menace de faire perdre leur âme à certaines de ces communautés utopiques. Ainsi, Christiania, quartier de Copenhague gouverné de façon autonome depuis 1971, est devenu une attraction touristique immanquable de la capitale danoise. Au point de devenir un véritable "zoo humain", selon un habitant cité dans Le Monde il y a quelques années.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.