Les candidats au djihad se recrutent aussi au Japon
Le pouvoir d’attraction de l’Etat islamique passe décidément toutes les frontières. Après les Européens, les Africains, les Australiens ou les Indonésiens, voilà qu’il recrute aussi des Japonais. Les autorités nippones n’ont communiqué aucun chiffre officiel concernant le nombre de ses citoyens partis prendre les armes sous ses ordres, mais la presse locale parle d’une vingtaine dont l’un aurait déjà été tué.
C’est en octobre 2014 que l’Archipel a pris conscience du phénomène, lorsque la police a interpellé un groupe d’étudiants prêts à s’engager aux côtés de Daech. L’un d’eux, ancien élève d’un professeur de droit islamique à l’université d’Hokkaido, avait répondu à une petite annonce placardée dans une librairie de mangas. L’annonce saisie par les policiers dans le quartier très fréquenté d’Akihabara à Tokyo ne donnait pas de détail sur le «travail» proposé en Syrie, mais le jeune homme interrogé n’avait pas caché son envie de participer aux combats «parce que cela paraissait intéressant», relate l’Opinion.
Le plus inquiétant, pour les autorités de Tokyo, c’est que ces jeunes candidats au départ n’avaient aucune raison apparente de vouloir faire le djihad. Selon le centre islamique du Japon, l’empire du Soleil Levant abrite à peine 10.000 musulmans sur 125 millions d’habitants et aucun de ces jeunes gens ne l'était. Comme 95% des Japonais, tous avaient reçu une éducation religieuse shinto-bouddhiste, à mille lieues des enseignements du Coran. Leur volonté d’aller se battre en Syrie tiendrait à une sorte de désespérance, une fuite en avant suicidaire dans un pays privé de perspective et, à leurs yeux, de grandeur. A moins qu’ils n’aient simplement souhaité faire revivre le mythe des kamikazes, si prégnant dans l’Archipel.
Une jeune Japonaise devenue Aïsha
En comparaison, la découverte, quelques semaines plus tard, du premier vrai cas de départ vers la Syrie serait presque rassurante. Cette fois, il s’agit d’un couple franco-japonais. Lui, 26 ans, né à Pantin, musulman pratiquant arrivé au Japon en 2012, avait un emploi dans la finance. Elle, 29 ans, originaire de l’île de Shikoku, devenue sa femme, s’était convertie à l’islam et se faisait appeler Aïsha. Depuis qu’ils sont partis rejoindre les rangs de Daech, ils n’ont plus donné de nouvelles. Le père de la jeune femme a confié à l’hebdomadaire populaire Shukan Bunshun qu’il avait brutalement découvert la conversion de sa fille alors qu’elle «portait un voile et ne mangeait plus de porc». «Pour moi, c’est comme si elle était déjà morte», se désole-t-il.
Ces deux affaires prennent en tout cas un relief inquiétant à la lumière de l’exécution des otages japonais, un journaliste free lance et un consultant en sécurité, par l’organisation terroriste islamiste. Elles plongent la société du pays tout entière dans une actualité jusque là bien lointaine. En réaction, le ministère des Affaires étrangères japonais a d'ailleurs pour la première fois empêché un journaliste de se rendre en Syrie, jugeant les risques démesurés. Le 7 février 2015, Yuichi Sugimoto, un photographe indépendant de 58 ans qui voulait couvrir la vie des réfugiés syriens, s'est vu confisquer son passeport, selon le quotidien Asahi Shimbun.
Avant de décapiter ses otages, Daech s’était adressé directement au Premier ministre nippon afin de «dénoncer la décision stupide de débourser 200 millions de dollars pour combattre l’Etat islamique». En visite au Caire le 17 janvier 2015, Shinzo Abe avait en effet offert cette aide financière aux pays luttant contre l’organisation djihadiste. Une initiative justifiée par le fait que Daech, en contrôlant de vastes territoires en Irak et en Syrie, a l'intention de redessiner la carte du Moyen-Orient, une région vitale pour les besoins en énergie du Japon.
Quoi qu'il en soit, ces événements ont définitivement arraché l'Archipel à sa réserve habituelle sur la scène internationale et l'ont entraîné de plain pied dans le tumulte imposé par Daech à toutes les démocraties.
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