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Reportage Crise en Ukraine : "La semaine dernière, l'école et une maison juste à côté ont été touchées", le fragile armistice en "zone grise"

Alors que chaque jour, la tension monte d'un cran en Ukraine face à des soldats russes massés aux frontières, le quotidien dans les villages situés sur la ligne de front reste difficile. A Pavlopol, au sud-est du pays près de Marioupol, les 350 habitants cohabitent avec l'armée.

Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un soldat ukrainien dans le village de Pavlopol, bombardé en 2014 et 2015, sur la ligne de front dans les faubourgs de Marioupol, à quelques kilomètres de la partie du Donbass contrôlée par les séparatistes pro-russes. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Face à la situation en Ukraine, le président des États-Unis Joe Biden a invité les ressortissants américains à quitter le pays. Côté russe, Moscou ne constate pas d'avancées diplomatiques notables et continue de menacer les frontières ukrainiennes en massant des dizaines de milliers de soldats et des armes lourdes.

Si la guerre dans le Donbass est officiellement figée depuis 2015, le quotidien dans les villages situés sur la ligne de front reste difficile. Les 350 habitants de Pavlopol, village situé près de Marioupol, au sud-est de l'Ukraine, cohabitent avec l'armée dans une "zone grise", tout près de la Russie et de la région séparatiste pro-russe. La ligne de front est à quelques kilomètres et les soldats, installées dans les maisons abandonnées par les villageois, sont plus nombreux que les habitants. 

Pavlopol (Ukraine). (GOOGLE MAPS)

Tout le secteur est sous le contrôle de l'armée ukrainienne, car de l'autre côté du checkpoint, vous entrez déjà en territoire rebelle. "Il n'y a pas de vie ici, raconte Zoya. Parfois, il y a encore des attaques : par exemple la semaine dernière, l'école et une maison juste à côté ont été touchées."

La pression est énorme. Avant j'étais plutôt forte, sauf que là j'ai perdu mon frère et mon mari. Mon frère à cause du Covid et mon mari, c'est son cœur qui n'a pas supporté ce stress.

Zoya, habitante de Pavlopol

à franceinfo

"J'en souffre aussi : dès qu'il y a des attaques, tout mon corps tremble, c'est très difficile", confie la vieille dame de 74 ans. Tout ce qu'elle souhaite, c'est retrouver la paix et la santé.

Le village de Pavlopol est entouré de barbelés et de terrains minés, à cause de sa proximité avec la ligne de front. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Depuis huit ans, les dégâts psychologiques sur la population sont de plus en plus profonds. Yulia Ostrovska est psychologue bénévole dans une association qui apporte un soutien aux habitants de Pavlopol et observent chaque jour une forme de stress aigu chez ses patients. 

"Les gens vivent avec une pression psychologique permanente, puisque la guerre est à leurs portes et que les tirs peuvent reprendre à n'importe quel moment. Ici c'est l'un des besoins essentiels de l'homme qui est remis en cause : le sentiment de sécurité."

Yulia Ostrovska, psychologue

à franceinfo

Dans le petit bâtiment du conseil rural de Pavlopol, le chef Sergeï Chapkin explique comment il a pris le contre-pied de cette situation difficile depuis plusieurs années. Le conseil rural a pris l'initiative d'entrer en contact direct avec les forces militaires des deux côtés depuis juin 2017 pour mettre en place "l'armistice du blé", une forme de diplomatie à l'échelle locale.

"Nous avons même rédigé l'accord et cela a fonctionné ! Au moment de la récolte, il n'y a plus d'action militaire et les champs de blés ne brûlent plus."

Sergeï Chapkin, chef du conseil rural de Pavlopol

à franceinfo

"C'est pour ça qu'il serait plus logique d'organiser les réunions de négociations au format Normandie, [Le Format Normandie est la configuration diplomatique à quatre pays adoptée pendant la guerre du Donbass. Elle rassemble la Russie et l'Ukraine, les belligérants, ainsi que l'Allemagne et la France] non pas à Paris ou Berlin, mais plutôt ici sur notre terre !"], ajoute-t-il. Mais tous les habitants ne voient pas forcément la Russie comme l'ennemi, comme un villageois persuadé que Vladimir Poutine n'attaquera jamais "ses frères slaves".

Crise Ukraine - Russie : le fragile armistice en "zone grise". Le reportage de Benjamin Illy

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