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Russie: fin de bail pour les ONG qui déplaisent au Kremlin
Moscou mène une traque sans précédent contre les ONG qui perçoivent des subventions étrangères et dont l'activité est considérée comme «politique». Une nouvelle loi les oblige à s’inscrire officiellement comme «agents de l’étranger». Cette dénomination controversée désignait sous Staline les «ennemis du peuple».
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L'organisation non gouvernementale (ONG) russe Pour les droits de l'Homme avait annoncé, dès l'adoption de cette loi en juillet 2012, qu'elle la boycotterait. Sur ordre de la mairie de Moscou, le 22 juin 2013, l'ONG était expulsée de ses locaux par la force, son dirigeant, Lev Ponomarev, 71 ans, ayant déclaré à l'AFP avoir été frappé. Le bail de l'association a expiré en janvier, s'est justifié la municipalité.
Trois jours avant cette expulsion manu-militari, un tribunal de Saint-Pétersbourg infligeait à une association de défense des droits des homosexuels une amende de 500.000 roubles (12.500 euros). Vykhod (la sortie en russe) est accusée par le pouvoir d'être un «agent de l'étranger». C'est «une ONG de bienfaisance, et non politique», a protesté sa porte-parole, Olga Lenkova, qui a annoncé, le 19 juin 2013, son intention de faire appel.
En avril 2013, Vladimir Poutine avait déclaré que depuis l'entrée en vigueur de sa loi, en novembre 2012, 650 «agents de étranger» avaient reçu près d'un milliard de dollars en provenance de pays étrangers. Mais pour les ONG bénéficiant d'un financement extérieur, même partiel, et exerçant «une activité politique», se faire inscrire sur un registre d'«agents de l'étranger» relève d'une «mesure d'indimidation exercée sur la société civile».
«Harcèlement»
Pour Aliona Kozlova, directrice des archives de Memorial, ONG indépendante russe qui œuvre à entretenir la mémoire et réhabiliter les victimes du régime stalinien, ce qualificatif n’a pas été choisi au hasard. «Dans le vocabulaire russe, ce terme n’est pas neutre. Car le poids de l’histoire soviétique continue de peser sur les mentalités. "Agent" n’est pas compris comme simple “représentant”. C’est quelqu’un qui, par définition même, travaille contre son pays. Bref, c’est un “traître”, un “criminel”… Tout le monde en Russie le comprend ainsi», analyse-t-elle.
«Le terme "agent étranger" est généralement utilisé en Russie pour désigner un espion ou un traître et il est difficile d'éviter l'impression que, en adoptant cette loi, les autorités russes ont cherché à discréditer et diaboliser les groupes de la société civile qui acceptent des fonds étrangers», explique Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale au sein de Human Rights Watch.
D’autres dirigeants d’ONG comme Sergueï Nikitine, à la tête du bureau de Moscou d’Amnesty International – organisation basée à Londres –, voient à travers cette campagne anti-ONG «une forme de harcèlement !».
«La répression déclenchée par le gouvernement fait du tort à la société russe et porte atteinte à la réputation de la Russie sur le plan international.», ajoute M. Williamson de Human Rights Watch. Cette loi ne fait que diaboliser les groupes qui ont déjà signalé aux autorités des fonds en provenance de l'étranger et leurs activités, estime l'organisation.
Lors d’une visite officielle en Russie, en mai 2013, le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Thorbjorn Jagland, avait haussé le ton: «Les ONG se sentent insultées par ce qualificatif qui les assimile à des espions », avait déclaré M. Jagland, comparant cette loi emblématique du troisième mandat de Poutine à des méthodes dignes du maccarthysme.
Levada menacé de fermeture
Critiquée par Berlin, Londres ou la Paris, cette répression semble susciter une relative indifférence en Russie: 52% des Russes déclarent tout ignorer de la polémique en cours ; 56% d'entre eux voient dans les ONG russes des «agents d'influence occidentale» et, le cas échéant, soutiennent leur liquidation.
Ironie du sort, ce sondage publié le 17 mai 2013, plutôt favorable aux autorités russes, a été réalisé par l'institut Levada, une ONG également menacée de fermeture. «Jamais nous ne nous ferons enregistrer», persiste pourtant son directeur, Lev Goudkov.
Comme lui, les responsables d’ONG qui refusent de se déclarer «agents de l’ étranger» encourent jusqu’à deux ans de prison et des amendes allant jusqu'à 300.000 roubles (7.500 euros). Depuis mars 2013, plusieurs centaines d'ONG russes – des plus connues comme Memorial ou la fondation Sakharov jusqu'aux petites associations locales de défense de la nature ou d'aide aux enfants handicapés – ont fait l'objet d'une vaste campagne de vérifications, perquisitions et inspections.
Une première ONG russe Golos (la voix en russe) a été condamnée, le 26 avril 2013, à une amende de 300.000 roubles pour ne pas s'être inscrite au controversé registre des «agents de l'étranger», marquant selon les experts le début d'une campagne visant à «neutraliser» les ONG déplaisant au Kremlin. Golos avait révélé les fraudes électorales lors des législatives de décembre 2011, puis de la présidentielle de mars 2012.
«Les nouvelles lois et le harcèlement exercé par le gouvernement ont fortement restreint l’espace juridique dans lequel les militants de la société civile peuvent évoluer », regrette M.Williamson. Human Rights Watch dénonce dans un rapport, publié le 23 mars 2013, les lois répressives votées en Russie depuis le retour de Vladimir Poutine à la présidence en mai 2012. Une répression contre la société civile sans précédent dans l'histoire postsoviétique du pays, estime l'organisation.
Trois jours avant cette expulsion manu-militari, un tribunal de Saint-Pétersbourg infligeait à une association de défense des droits des homosexuels une amende de 500.000 roubles (12.500 euros). Vykhod (la sortie en russe) est accusée par le pouvoir d'être un «agent de l'étranger». C'est «une ONG de bienfaisance, et non politique», a protesté sa porte-parole, Olga Lenkova, qui a annoncé, le 19 juin 2013, son intention de faire appel.
En avril 2013, Vladimir Poutine avait déclaré que depuis l'entrée en vigueur de sa loi, en novembre 2012, 650 «agents de étranger» avaient reçu près d'un milliard de dollars en provenance de pays étrangers. Mais pour les ONG bénéficiant d'un financement extérieur, même partiel, et exerçant «une activité politique», se faire inscrire sur un registre d'«agents de l'étranger» relève d'une «mesure d'indimidation exercée sur la société civile».
«Harcèlement»
Pour Aliona Kozlova, directrice des archives de Memorial, ONG indépendante russe qui œuvre à entretenir la mémoire et réhabiliter les victimes du régime stalinien, ce qualificatif n’a pas été choisi au hasard. «Dans le vocabulaire russe, ce terme n’est pas neutre. Car le poids de l’histoire soviétique continue de peser sur les mentalités. "Agent" n’est pas compris comme simple “représentant”. C’est quelqu’un qui, par définition même, travaille contre son pays. Bref, c’est un “traître”, un “criminel”… Tout le monde en Russie le comprend ainsi», analyse-t-elle.
«Le terme "agent étranger" est généralement utilisé en Russie pour désigner un espion ou un traître et il est difficile d'éviter l'impression que, en adoptant cette loi, les autorités russes ont cherché à discréditer et diaboliser les groupes de la société civile qui acceptent des fonds étrangers», explique Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale au sein de Human Rights Watch.
D’autres dirigeants d’ONG comme Sergueï Nikitine, à la tête du bureau de Moscou d’Amnesty International – organisation basée à Londres –, voient à travers cette campagne anti-ONG «une forme de harcèlement !».
«La répression déclenchée par le gouvernement fait du tort à la société russe et porte atteinte à la réputation de la Russie sur le plan international.», ajoute M. Williamson de Human Rights Watch. Cette loi ne fait que diaboliser les groupes qui ont déjà signalé aux autorités des fonds en provenance de l'étranger et leurs activités, estime l'organisation.
Lors d’une visite officielle en Russie, en mai 2013, le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Thorbjorn Jagland, avait haussé le ton: «Les ONG se sentent insultées par ce qualificatif qui les assimile à des espions », avait déclaré M. Jagland, comparant cette loi emblématique du troisième mandat de Poutine à des méthodes dignes du maccarthysme.
Levada menacé de fermeture
Critiquée par Berlin, Londres ou la Paris, cette répression semble susciter une relative indifférence en Russie: 52% des Russes déclarent tout ignorer de la polémique en cours ; 56% d'entre eux voient dans les ONG russes des «agents d'influence occidentale» et, le cas échéant, soutiennent leur liquidation.
Ironie du sort, ce sondage publié le 17 mai 2013, plutôt favorable aux autorités russes, a été réalisé par l'institut Levada, une ONG également menacée de fermeture. «Jamais nous ne nous ferons enregistrer», persiste pourtant son directeur, Lev Goudkov.
Comme lui, les responsables d’ONG qui refusent de se déclarer «agents de l’ étranger» encourent jusqu’à deux ans de prison et des amendes allant jusqu'à 300.000 roubles (7.500 euros). Depuis mars 2013, plusieurs centaines d'ONG russes – des plus connues comme Memorial ou la fondation Sakharov jusqu'aux petites associations locales de défense de la nature ou d'aide aux enfants handicapés – ont fait l'objet d'une vaste campagne de vérifications, perquisitions et inspections.
Une première ONG russe Golos (la voix en russe) a été condamnée, le 26 avril 2013, à une amende de 300.000 roubles pour ne pas s'être inscrite au controversé registre des «agents de l'étranger», marquant selon les experts le début d'une campagne visant à «neutraliser» les ONG déplaisant au Kremlin. Golos avait révélé les fraudes électorales lors des législatives de décembre 2011, puis de la présidentielle de mars 2012.
«Les nouvelles lois et le harcèlement exercé par le gouvernement ont fortement restreint l’espace juridique dans lequel les militants de la société civile peuvent évoluer », regrette M.Williamson. Human Rights Watch dénonce dans un rapport, publié le 23 mars 2013, les lois répressives votées en Russie depuis le retour de Vladimir Poutine à la présidence en mai 2012. Une répression contre la société civile sans précédent dans l'histoire postsoviétique du pays, estime l'organisation.
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