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Mort de Mikhaïl Gorbatchev : "C'est très difficile de dire qu'il est un diable ou un ange", selon une journaliste ukrainienne

Le dernier président de l'URSS est mort mardi à 91 ans. Pour Tetyana Ogarkova, "il ne faut pas idéaliser non plus Mikhaïl Gorbatchev aujourd'hui. Les 30 dernières années, il était carrément inexistant."

Article rédigé par franceinfo
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L'ancien président de l'Union soviétique, Mikhail Gorbachev, assiste à un événement commémoratif à Berlin, le 31 octobre 2009. (DAVID GANNON / AFP)

Pour les Ukrainiens, "c'est très difficile de dire qu'il est un diable ou qu'il est un ange", a réagi mercredi 31 août sur franceinfo la journaliste ukrainienne Tetyana Ogarkova, responsable du département international à l'Ukraine Crisis Media Center, au lendemain de la mort à 91 ans de l'ancien président de l'URSS Mikhaïl Gorbatchev. "Pour nous, c'est un regard ni trop positif ni trop négatif, souligne Tetyana Ogarkova. Il ne faut pas idéaliser non plus Gorbatchev."

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franceinfo : Quel regard portent les Ukrainiens sur Mikhaïl Gorbatchev ?

Tetyana Ogarkova : Les Ukrainiens jettent un regard quelque peu différent par rapport au regard russe et au regard occidental sur ce personnage. On sait qu'une partie des Russes, notamment les conservateurs, regrettent beaucoup la chute de l'URSS et accusent Gorbatchev d'avoir perdu cet empire qui était le leur. On voit depuis mardiqu'il y a plusieurs réactions qui proviennent de l'Occident qui regrettent sa mort. Ils voient en Gorbatchev une espèce de personnage libérateur. Mais pour les Ukrainiens, Gorbatchev, c'est le dernier empereur, empereur dans le sens de quelqu'un qui à la tête de l'empire. On n'oublie pas non plus sa position sur la Crimée annexée illégalement par la Russie, qu'il a soutenue. C'était quelqu'un qui était toujours contre la création des pays indépendants à la place des Républiques qui appartenaient à l'URSS. Donc pour nous c'est un regard plutôt mixte, ni trop positif ni trop négatif.

"Vu de Kiev, il y a le Gorbatchev critique de Vladimir Poutine, notamment en 2011, lors de la réélection du président russe, qui dénonce la mainmise de Poutine sur la politique en Russie, et qui, deux ans après, soutient l'annexion de la Crimée, qu'il justifiait à l'époque comme la volonté d'écouter la volonté des peuples."

Tetyana Ogarkova, journaliste ukrainienne

à franceinfo

Est-ce que c'est difficile d'avoir un avis très tranché sur lui en Ukraine ?

Tout à fait. C'est très difficile de dire qu'il est un diable ou qu'il est un ange. D'un côté, c'est bien Gorbatchev qui a commencé cette époque de glasnost, même s'il y avait beaucoup d'hypocrisie dans cette glasnost, dans cette liberté de presse. On se souvient aussi beaucoup du manque de réformes qui étaient propres à cette époque. Et on se souvient surtout des mensonges pendant Tchernobyl. C'était Gorbatchev qui était là. On se souvient qu'il n'y avait pas de liberté de presse, que l'on n'était pas informé. On souffre toujours des suites de cet accident écologique majeur du continent européen.

L'Ukraine avait obtenu son indépendance le 8 décembre 1991, quelques jours avant la démission de Gorbatchev le soir de Noël 1991. Est-ce que vous pensez que l'Ukraine aurait été indépendante sans lui ?

Oui. Je crois que l'Ukraine serait indépendante sans Gorbatchev, même s'il faut avouer qu'il avait commencé les processus de libéralisation. Mais c'était sans doute aussi contre son gré, parce qu'il faut revenir au contexte, aux échecs économiques et politiques de l'Union soviétique. C'est en voulant garder son pouvoir qu'il a été un peu obligé, sous pression, de commencer les réformes libératrices. Mais ce n'est pas non plus un homme politique qui voulait que l'Union soviétique devienne un monde libre. Il ne faut pas idéaliser non plus Gorbatchev aujourd'hui. Les 30 dernières années, il était carrément inexistant. C'est quelqu'un qui a disparu de l'opinion publique.

Avec Gorbatchev, il y a cette idée, notamment en Occident, qu'avec lui s'est ouverte aussi une période de paix où la Russie n'a pas engagé de guerre. Est-ce que c'est un symbole que de le voir disparaître au moment où la Russie mène cette offensive dans votre pays ?

Il y a quelque chose de très symbolique. Pour une génération voire deux générations, la chute de l'URSS, il n'y avait pas de guerre. Mais le processus n'était pas terminé. Ce n'était pas un départ, ce n'était pas une reconnaissance totale de l'indépendance des ex-Républiques soviétiques, notamment de l'Ukraine. Donc la Russie n'a jamais cessé d'être un empire. C'est un empire blessé. Cette guerre, c'est un dernier essai de la reconquête des Républiques, notamment de l'Ukraine, par cette voie militaire, une tentative qui va, on en est sûr, échouer.

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