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Ce que l'on sait du tir de missile intercontinental Sarmat effectué par la Russie

L'armée russe a annoncé mercredi le premier tir d'essai réussi du missile balistique intercontinental Sarmat, une arme de nouvelle génération de très longue portée que Vladimir Poutine a saluée comme "sans équivalent".

Article rédigé par franceinfo
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Photo du missile Sarmat diffusée par le ministère de la Défense russe, le 20 avril 2022. (RUSSIAN DEFENCE MINISTRY / AFP)

Après le Kinjal, le SarmatL'armée russe a annoncé mercredi 20 avril le premier tir d'essai réussi de son missile balistique intercontinental Sarmat. Selon le président russe Vladimir Poutine, cette arme "assurera la sécurité de la Russie face aux menaces extérieures et fera réfléchir à deux fois ceux qui essayent de menacer [le] pays".

Dans une vidéo, le porte-parole du ministère russe de la Défense a affirmé que le tir avait eu lieu depuis l'aire de lancement de Plessetsk, dans la région d'Arkhanguelsk, dans le nord-ouest de la Russie, et que le missile avait atteint la zone militaire de Koura dans le Kamchatka, à 5 000 km de là. Voici ce que l'on sait du tir et de cette arme de nouvelle génération de très longue portée.

Un missile balistique intercontinental de cinquième génération

Surnommé "Satan 2" par des analystes, le missile a pour nom officiel RS-28 Sarmat. Un patronyme qu'il emprunte aux Sarmates, un peuple nomade ayant vécu pendant l'Antiquité autour de la mer Noire, entre la Russie et l'Ukraine actuelles.

Le Sarmat, dont le poids dépasse les 200 tonnes, est censé être plus performant que son prédécesseur, le Voïevoda, dont la portée atteint 11 000 km. Une fois lancé, le missile s'élève dans le ciel, jusqu'à sortir de l'atmosphère, à plus de 100 km d'altitude. Il décrit une trajectoire en forme de cloche, avant de retomber sur sa cible.

Un seul missile Sarmat peut emporter dix têtes nucléaires. "Une seule tête peut provoquer des dégâts équivalents à 500 kilotonnes de TNT", souligne Héloïse Fayet, chercheuse au Centre des études de sécurité à l'Institut français des relations internationales (Ifri), interrogée par franceinfo. A titre de comparaison, la bombe nucléaire "Little Boy" lâchée par les Etats-Unis sur Hiroshima, au Japon, en 1945 avait une puissance estimée à 12 kilotonnes.

Le Sarmat fait partie d'une série de missiles de cinquième génération, présentés comme "invincibles" par Vladimir Poutine en 2018. Un an plus tard, le maître du Kremlin avait affirmé que le Sarmat n'avait "pratiquement pas de limites en matière de portée" et qu'il était capable de "viser des cibles en traversant le pôle Nord comme le pôle Sud". Selon le dirigeant russe, le missile est en outre capable de "déjouer tous les systèmes anti-aériens modernes".

"Toutes les caractéristiques techniques de ce missile ne sont pas encore connues car il s’agit d'un programme en développement".

Héloïse Fayet, chercheuse à l'Ifri

à franceinfo

Un missile réservé à la dissuasion nucléaire

"Les missiles balistiques intercontinentaux n'ont aucune vocation à être employés sur le champ de bataille. Leur seule utilité est la dissuasion nucléaire", insiste Héloïse Fayet. Cette stratégie consiste à empêcher un adversaire de faire quelque chose qu'on ne veut pas qu'il fasse, en le persuadant qu'il va subir la même quantité – voire plus – de dégâts qu'il va nous infliger. De l'avis de la chercheuse, le tir de Sarmat sert surtout à envoyer un message aux Etats-Unis.

"L'idée est de dire : 'si vous m'attaquez militairement, j'ai la capacité de répliquer avec mes missiles'. Ce type d'emploi et de réplique est très encadré par une doctrine publique."

Héloïse Fayet, chercheuse à l'Ifri

à franceinfo

Le tir était d'ailleurs prévu depuis longtemps par Moscou, et les Etats-Unis en avaient été avertis. Du reste, le Pentagone a assuré qu'il s'agissait d'un essai qui ne constituait "pas une menace" pour les Etats-Unis ni leurs alliés.

L'essai peut toutefois avoir une signification particulière dans le contexte de la guerre en Ukraine. "La Russie rappelle qu'elle est une puissance nucléaire et montre qu'elle dispose d'un missile destructeur. C'est de la communication, du signalement stratégique", analyse Héloïse Fayet. La chercheuse estime néanmoins que, "même s'il n'y avait pas la guerre en Ukraine, la Russie aurait effectué ce tir car il s'agit d’un processus routinier de vérification de ses capacités".

Un tir encadré par les traités internationaux

L'usage de missiles balistiques intercontinentaux est régulé par les traités sur le nucléaire. Dans ce cas précis, il s'agit du traité New Start, un accord de réduction des armes stratégiques nucléaires signé entre la Russie et les Etats-Unis en 2010.

Ce traité limite les arsenaux des deux puissances nucléaires à un maximum de 700 missiles balistiques intercontinentaux chacune, 1 550 ogives et 800 lanceurs, précise le site du Département d'Etat américain (lien en anglais). Il implique également une série d'inspections mutuelles des sites militaires et un avertissement en cas d'essai.

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