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Royaume-Uni: Jeremy Corbyn, l'anti social-libéral à la tête du Labour

Jeremy Corbyn, 66 ans, succède à Ed Miliband à la tête du Labour. De simple figurant, le député du quartier londonien d’Islington, est devenu le leader de l'opposition. Personne n'aurait misé un shilling sur lui à la mi-juin quand s'est ouverte la primaire travailliste, après la cuisante défaite du parti aux législatives du 7 mai 2015.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jeremy Corbyn, le plus à gauche des quatre prétendants à la direction du Labour. (AFP PHOTO / LESLEY MARTIN)

Depuis le début de la campagne interne au Parti travailliste britannique, la star c’est lui. Jeremy Corbyn, le plus à gauche des quatre prétendants à la direction du Labour, fait salle comble dans ses meetings. L'ancien militant anti-apartheid suscite l’enthousiasme des électeurs: il a obtenu 59,5% des voix.

Lors de ce scrutin interne, les 610.000 votants - adhérents, syndicalistes et sympathisants - ont ainsi, normalement, désigné leur candidat pour concourir au poste de Premier ministre en 2020. 

L'enjeu est donc de taille pour ce travailliste élu depuis 1983, qui se dit admirateur de Karl Marx, et se pose tout à la fois en héritier de Keynes, au sein d'un Labour acquis au libéralisme économique, au blairisme et à l'austérité. 

Un virage à gauche est nécessaire 
«Le but de cette campagne est de diffuser un message d'espoir et de changement basé sur un choix essentiel: ou bien cinq années ou plus de poursuite de l'austérité ou bien un programme d'investissement et de croissance au profit de la majorité», a lancé Jeremy Corbyn, barbu grisonnant dont le style, y compris vestimentaire, tranche avec celui d'une grande partie de la classe politique jugée trop lisse et conformiste par de nombreux Britanniques. Du coup, son manque d’expérience ministérielle pourrait même apparaître comme un atout.

Jeremy Corbyn. (AFP PHOTO / LESLEY MARTIN )
 
Le député londonien martèle qu'un virage à gauche est nécessaire pour regagner les faveurs des électeurs écossais après la débâcle travailliste. Ses positions contre la guerre en Irak, son intention d’associer le Hamas et le Hezbollah aux pourparlers de paix au Proche-Orient, sa volonté de sortir du nucléaire, séduisent particulièrement les jeunes militants de son parti qui voient en lui le leader d'un Podemos ou d'une Syriza à la britannique sur le modèle de l'Espagne ou de la Grèce.

Blair contre la tentation Corbyn
C'est cette proximité avec les Grecs de Syriza, son penchant pour un Etat interventionniste capable de «supprimer les pires vestiges de la pauvreté en Grande-Bretagne», et son programme anti-austérité que redoutent ses détracteurs au sein du Labour. Selon eux, Ed Miliband a déjà fait une campgane trop à gauche, car estiment-ils, les élections se gangnent au centre.

L'ex-premier ministre Tony Blair est lui-même intervenu dans le débat, mettant en garde les travaillistes contre la tentation Corbyn: «Même si vous me détestez, s'il vous plaît, ne votez pas pour lui», a-t-il imploré, le 13 août 2015, dans une tribune du Guardian. Une sortie qui ne semble pas avoir secoué la torpeur estivale.

Dans sa course à la direction du Labour, le «camarade Corbyn» a reçu le soutien des deux principales centrales syndicales du pays (Unisson et Unite), un engagement qui pourrait s'avérer décisif pour le député rebelle. Réputé «faiseur de roi», Unit avait soutenu avec succès Ed Milliband en 2010.

Rebelle face aux consignes du Labour
Celui que l'hebdomadaire de gauche New Stersman a qualifié de «stéréotype du gauchiste nord-londonien» et qui n'est pas du genre à se plier aux consignes de vote de son parti, a été journaliste et représentant syndical avant d'être élu pour la première fois à la Chambre des Communes il y a trente-deux ans.

Premier surpris par l'ampleur de son succès, Jeremy Corbyn n'était parvenu que d'extrême justesse à réunir les 35 parrainages nécessaires à sa candidature. Le directeur de l'institut YouGov, tout en précisant que son étude ne constituait pas une prédiction des résultats finaux, a déclaré qu'il s'étonnerait «si Corbyn ne devenait pas chef de file du Labour».  

Pour parfaire son profil de personnage politique atypique, Jeremy prend soin de ne se déplacer qu'à vélo, de cultiver lui-même son jardin et last but not least, de suivre un régime végétarien et sans alcool. De quoi être parfaitement affûté pour affronter ses concurrents.


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