Pas de trêve de Noël pour Boris Johnson, rattrapé par des boulettes à répétition : "Un coup de plus et je pense qu’il est éjecté"
C’est une fin d’année très compliquée pour Boris Johnson. Englué dans plusieurs scandales, il a également subi des revers politiques. Le Premier ministre britannique n’a jamais été aussi affaibli au moment de prononcer son traditionnel discours de Noël.
L’art de la communication de Boris Johnson passe par un flegme à toute épreuve. On remarque d’autant plus les énervements du Premier ministre britannique. Le 18 décembre dernier, à quelques jours du traditionnel discours de Noël, il visite un centre de vaccination anti-Covid. A plusieurs reprises, un journaliste l’interroge sur sa délicate situation politique. Agacé, l’ancien maire de Londres finit par hausser le ton : "Voilà exactement le genre de question qui brise la règle d’or !"
Boris Johnson promises to “fix” his government but says it’s not his top priority
— Sam Coates Sky (@SamCoatesSky) December 17, 2021
Full interview - hear the PM accuse me of “breaking the golden rule” - answers on a postcard…. pic.twitter.com/pHOpfLRNl5
La "règle d’or" dont il parle consisterait à ne le questionner que sur le virus et le vaccin, thème de son déplacement. Sauf qu’il passe ses journées à commenter l’actualité quel que soit le lieu où il se trouve. Cette "règle" ne tient donc pas, il s’agit surtout de la réaction d’un homme politique touché.
Une défaite électorale et un revers aux Communes
Deux jours plus tôt, les conservateurs ont perdu un fief lors d’une élection législative partielle. Le North Shropshire a élu une libérale-démocrate avec 6 000 voix d’avance sur le candidat soutenu par BoJo, alors que son parti s’était imposé il y a deux ans, devançant son principal poursuivant de 23 000 voix. La chute est brutale mais elle s’explique. Owen Paterson détenait ce siège mais il a dû le quitter après des révélations gênantes. Comme beaucoup d’élus et en conformité avec la loi, Paterson cumulait son rôle de parlementaire avec d’autres occupations professionnelles. Salarié d’une firme pharmaceutique, il a plusieurs fois approché des ministères et des agences publiques à ce titre. Là, il s’est mis en faute. Dans un premier temps, Boris Johnson a voulu l’épargner et s’est mouillé pour le sauver mais face au tollé, il a été contraint de le lâcher. Une affaire qui a laissé des traces dans l’opinion et qui coûte un siège à la chambre des Communes.
Pas si grave, la majorité est large depuis le scrutin général de décembre 2019. Mais dans le même temps, le Premier ministre doit faire face à une rébellion d’une partie de cette majorité. Une centaine de députés conservateurs – il y en 369 – a voté contre l’instauration d’un pass sanitaire. Le texte, soutenu par Boris Johnson, est passé grâce au soutien de l’opposition travailliste. Humiliant pour le chef du gouvernement et inquiétant pour la suite. "Nous avons pris deux coups, pointe Roger Gale, élu conservateur depuis 40 ans dans le Kent. D’abord, le parti qui s’oppose à lui aux Communes, et ensuite la défaite dans le North Shropshire. Un coup de plus et je pense qu’il est éjecté."
Des conservateurs tentés de le débrancher
L’avertissement est clair et Johnson connaît trop les arcanes de la politique Outre-Manche pour ne pas se méfier. Les prochaines élections générales sont prévues en 2024. D’ici là, il ne craint donc rien de la part des électeurs. Pas grand-chose à redouter non plus de la part de l’opposition, affaiblie par des dissensions internes et un faible poids au Parlement. Le danger ne peut donc venir que de l’intérieur et le renversement d’un Premier ministre par ses propres alliés est presque une tradition Outre-Manche. Les députés focalisent sur deux points : le gouvernement applique-t-il notre ligne politique ; le Premier ministre peut-il nous mener à la victoire lors du prochain scrutin ?
Sur le premier point, Johnson a clairement pris ses aises, au point d’être présenté comme un "socialiste" par quelques tenants de la ligne dure. Avec la pandémie, il a restreint les libertés individuelles, entravé l’économie et distribué des centaines de millions de livres sterling d’aides. Complètement à rebrousse-poil des valeurs de son parti ultra-libéral. Il lui a d’ailleurs été régulièrement reproché de ne pas tenir compte de l’avis de sa majorité, replié sur son cabinet de conseillers. Avec la COP26 à Glasgow, il s’est mu en champion des énergies vertes, là encore pas vraiment dans la droite ligne de ses amis. D’ailleurs, David Frost, secrétaire d'Etat au Brexit, a choisi de quitter le gouvernement en pointant clairement ses désaccords dans une lettre adressée au 10 Downing Street. Un départ qui a fait grand bruit en fin de semaine dernière, fragilisant encore un peu plus BoJo.
Les fêtes pirates de Downing Street
Et voilà que des doutes émergent sur le deuxième point : sa capacité de leader en vue d’élections. Il y a la défaite dans le North Shropshire et l’affaire Paterson bien sûr. Mais il y a aussi les fêtes pirates à Downing Street l’année dernière. Des célébrations de Noël entre collègues de bureau à un moment où le pays était soumis à de strictes restrictions. Lorsque le scandale éclate, photos et vidéos à l’appui, Johnson explique qu’il n’y participait pas et n’était pas au courant. Sa conseillère presse de l’époque sert de fusible, s’excusant en larmes devant les caméras.
Nouvelle révélation embarrassante, dans le Guardian cette fois : une photo qui date de mai 2020. On y voit le Premier ministre et sa femme assis sur la terrasse de Downing Street avec devant eux des verres de vin rouge et du fromage. A la même table, deux collaborateurs. Quinze autres se trouvent un peu plus loin, sur cette même terrasse ou dans le jardin. Là encore, à cette époque, les réunions festives sont interdites dans tout le pays. "C’était une réunion de travail" se défend un porte-parole du chef du gouvernement.
Ces histoires éloignent "Boris", comme on l’appelle souvent en Angleterre, sans même donner son nom de famille, de sa base électorale qui ne digère pas le deux poids deux mesures. Lui qui séduit par sa bonhommie et son côté Monsieur Tout-le-Monde, bascule dans l’image du politicien soucieux avant tout de son propre bien-être. Un basculement qui se traduit dans les sondages d’opinion avec une côte de popularité tombée à 23% alors qu’elle culminait à 66% en avril 2020 (source Yougov).
Des noms qui circulent pour le remplacer
Dans la presse britannique, on parle régulièrement de Rishi Sunak, actuel ministre de l’Économie, et maintenant de Liz Truss, récemment nommée ministre des Affaires étrangères, pour lui succéder. Des spéculations bien trop précoces pour Tom Tugendhat qui fait partie de ceux qui ont voté contre le pass sanitaire. "C’est mon rôle et même mon devoir de critiquer le gouvernement quand je ne suis pas d’accord avec lui, précise ce député conservateur. Dans un système parlementaire comme le nôtre, ça doit fonctionner comme ça. La situation actuelle n’est pas idéale, bien sûr, mais il ne faut pas non plus croire que c’est la fin pour Boris Johnson. C’est toujours notre Premier Ministre et le risque est limité pour lui. Rien à voir avec ce qu’a connu Theresa May."
Même s’il agace nombre de ses "amis", BoJo semble encore solidement accroché à Downing Street. Il doit simplement donner quelques gages à sa majorité, ce qu’il a commencé à faire, refusant d’introduire de nouvelles restrictions alors que flambe le Covid-19 en Angleterre. Il a préservé Noël et les rassemblements familiaux ainsi que le souhaitaient les conservateurs et une bonne partie de la population. L’un de ses prédécesseurs, David Cameron l’observe avec une pointe d’admiration. "Boris a toujours été capable de s’en sortir là où ce serait impossible pour de simples mortels."
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