Royaume-Uni : pourquoi le chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn apparaît aujourd'hui comme un premier-ministrable
Sophie Loussouarn, universitaire spécialiste de la Constitution et de l’économie britannique, estime sur franceinfo que les Travaillistes peuvent tirer profit d'un échec des négociations sur le Brexit.
Jeremy Corbyn, le leader du Parti travailliste britannique, "apparaît aujourd'hui comme premier-ministrable et comme une alternative crédible à Theresa May", analyse dimanche 23 septembre sur franceinfo Sophie Loussouarn, spécialiste de la Constitution et de l’économie britannique, maître de conférences à l’université de Picardie. Elu à la surprise générale en 2015 à la tête du Labour et chef de l'opposition, Jeremy Corbyn, 69 ans, aborde le congrès du Parti travailliste, à partir de dimanche à Liverpool, avec en toile de fond le Brexit et la fragilité croissante de Theresa May.
Corbyn profite des difficultés de Theresa May
La Première ministre Theresa May, leader du Parti conservateur, a reconnu que les négociations sur le Brexit sont dans une "impasse" après le rejet par les Vingt-Sept de son plan, à Salzbourg. "Le Parti travailliste espère tirer parti d'un échec des négociations sur le Brexit", explique Sophie Loussouarn. Samedi, Jeremy Corbyn a assuré qu'il déposerait une motion de défiance contre la Première ministre quel que soit l'accord qu'elle parvient à conclure avec l'Union européenne sur le Brexit. Theresa May est fortement critiquée dans son propre camp, notamment par ses deux ex-ministres, Boris Johnson et David Davis. Le Sunday Times révèle d'ailleurs que son cabinet travaille à l'organisation d'élections législatives anticipées au mois de novembre, afin de tenter de sauver un accord sur le Brexit, ainsi que sa place au 10 Downing Street. "Elle avait avancé un Brexit dur. Elle n'a pas obtenu les avancées qu'elle attendait de Bruxelles, elle se trouve affaiblie."
Son programme à gauche séduit sa base
Le Parti travailliste a délaissé les orientations centristes et libérales chères à l'ex-Premier ministre Tony Blair, au profit d'une politique plus interventionniste. Jeremy Corbyn présentera ainsi un programme très à gauche "qui séduit une partie de l'électorat britannique", selon Sophie Loussouarn, axé sur les principes de redistribution et de renationalisation mis à mal par la politique de Margaret Thatcher à partir de 1979. "Il revient à la lutte des classes et à des mesures radicales, explique Sophie Loussouarn, notamment à un programme de redistribution et de renationalisation. À Liverpool, il va par exemple annoncer un programme de nationalisation des services de l'eau, de l'électricité et du chemin de fer."
Ses ambiguïtés ne l'ont jusque-là pas desservi
Eurosceptique, Jeremy Corbyn se montre très prudent sur le Brexit, préférant cibler les mesures d'austérité du gouvernement conservateur de Theresa May. "Le Parti travailliste est encore plus divisé sur le Brexit que les conservateurs, décrypte Sophie Loussouarn. Corbyn est certes soutenu par la base mais il n'a pas le soutien du Parti au Parlement". Une partie des travaillistes reste d'ailleurs pour le maintien dans l'Union européenne tandis que Jeremy Corbyn est plutôt hostile au Brexit, comme "70% des membres du parti". "Les Travaillistes sont favorables à un second référendum sur le Brexit" ajoute-t-elle, comme l'a demandé le maire de Londres, Sadiq Khan, la semaine dernière.
Autre point faible, qui pourrait laisser des traces : les accusations d'antisémitisme au sein du Parti mettent en difficulté ce militant de longue date de la cause palestinienne. Jeremy Corbyn a depuis reconnu que sa formation avait un "réel problème" d'antisémitisme en son sein tout en assurant que "restaurer la confiance" avec la communauté juive était sa priorité.
Les sondages sur les intentions de vote des Britanniques donnent les Travaillistes et les Conservateurs au coude-à-coude. L'une de ces études, menée entre le 31 août et le 1er septembre au cœur des polémiques sur l'antisémitisme, donnait même 4 points d'avance au parti de Corbyn.
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