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Syrie : pourquoi Bachar Al-Assad n'a pas à s'inquiéter (pour l'instant)

Franceinfo tente de comprendre ce que la frappe américaine, qui a visé des installations militaires syriennes, va changer pour le président syrien.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le président syrien Bachar Al-Assad, à Damas, la capitale syrienne, le 9 janvier 2017. (SANA / AFP)

L'avenir de Bachar Al-Assad est-il menacé après la frappe américaine contre des infrastructures militaires syriennes ? Donald Trump a lancé cette attaque, dans la nuit du jeudi 6 au vendredi 7avril, alors que la Maison Blanche avait indiqué, une semaine auparavant, que le départ du président syrien n'était pas une priorité. Elle précisait se concentrer, en Irak et en Syrie, sur la lutte contre le terrorisme et contre l'organisation Etat islamique, rapportait le New York Times (en anglais).

"Enfin, l'impunité de Bachar Al-Assad est finie (...) Il ne peut pas continuer à utiliser des armes chimiques sans conséquences", s'est félicité Assaad Al-Achi, directeur de l'ONG Baytna Syria basée en Turquie. Un avis partagé par nombre d'opposants. Pour Mohammad Allouche, membre du Haut comité des négociations, il faut faire davantage : "Frapper un seul aéroport n'est pas suffisant (...). Le monde entier doit aider à sauver le peuple syrien des griffes de l'assassin Bachar [Al-Assad] et de ses acolytes."

Mais le régime de Damas a communiqué en campant sur ses positions. Il a condamné des frappes "idiotes" et "irresponsables". Il a ajouté qu'elles étaient fondées sur des informations erronées, restant sur sa ligne de défense : nier toute responsabilité dans l'attaque chimique menée contre la ville de Khan Cheikhoun. Franceinfo explique pourquoi l'initiative américaine ne risque pas, pour l'instant, de déstabiliser le président syrien.

Parce que Donald Trump a d'abord ordonné ces frappes pour lui

"Avec ces frappes, on est dans le cosmétique", tranche auprès de franceinfo Frédéric Pichon, spécialiste de la Syrie et chercheur à l'université de Tours, faisant valoir que les Russes étaient informés de l'offensive et que le Kremlin a laissé faire. "Je ne crois pas qu'on puisse parler de tournant puisque, militairement, cela reste un événement mineur", a commenté sur franceinfo Michel Goya, ancien militaire et spécialiste des questions de défense. 

"C'est peut-être une manière d'adresser un message aux Russes pour leur dire de mieux tenir leur allié syrien, de mieux le contrôler", avance Frédéric Pichon, sans trop y croire.

Le chercheur pense plutôt qu'avec ces frappes, Donald Trump a davantage voulu envoyer un message aux Américains qu'à Bachar Al-Assad. "Il y a beaucoup de politique intérieure là-dedans. Il était en difficulté depuis son arrivée au pouvoir, il était accusé de collusion avec la Russie. Il ne faut pas non plus oublier qu'il a ordonné ces frappes alors même qu'il était en rendez-vous avec le président chinois""Donald Trump a voulu montrer les muscles", résume-t-il.

Parce qu'il est conforté par le précédent de 2013

En clair, Bachar Al-Assad n'a pas à s'inquiéter dans l'immédiat. "Il n'est pas mis en difficulté tant qu'on en reste à cette unique frappe", selon Frédéric Pichon. En revanche, si l'offensive contre des installations syriennes se poursuivait, le numéro un syrien pourrait commencer à se faire du souci. "Avec des accents bushiens, Donald Trump a lancé un appel aux 'Nations civilisées' pour sortir Al-Assad", souligne l'universitaire.

Des mots qu'il prend avec précaution, rappelant les menaces proférées en 2013 par la communauté internationale, et qui ont été abandonnées. Le 21 août 2013, quelque 1 400 personnes étaient mortes dans une banlieue de Damas tenue par la rébellion. Immédiatement, le régime syrien avait été pointé du doigt. 

"Nous étudions la possibilité d'une action limitée, ciblée", avait annoncé Barack Obama. De son côté, la France s'était montrée déterminée à mener une action militaire contre le régime syrien. "Il y a un massacre chimique qui est établi. Il y a la responsabilité de Bachar Al-Assad, il faut une réaction", avait déclaré Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères de 2012 et 2016. Mais, finalement, la communauté internationale avait fait marche arrière.

Bachar Al-Assad s'était ensuite rapidement engagé à démanteler l'ensemble des armes chimiques syriennes. Avec dix-huit mois de retard, en janvier 2016, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques annonçait que l'arsenal avait été "détruit à 100%".

Parce que l'étape d'après est loin d'être fixée

Le dirigeant syrien n'a pas à s'alarmer, car la communauté internationale manque cruellement de solutions. "Le problème reste toujours le même. Comment faire partir Bachar Al-Assad sans envoyer des troupes au sol ? Les bombardements ne suffisent pas. On pourrait imaginer que des rebelles au sol pourraient prendre le relais mais la plupart de ces rebelles, et les plus puissants, ce sont l'Etat islamique ou Al-Qaïda. On voit donc mal une coordination avec eux", synthétise Frédéric Pichon.

Autre problème majeur, le remplaçant (ou la remplaçante) du numéro un syrien n'a pas encore été trouvé, insiste le chercheur : "On ne sait toujours pas qui mettre à la place de Bachar Al-Assad. Certes, cela peut arriver, mais il faudrait des défections importantes au sein du régime, qui interviendraient après un signal fort en leur disant 'maintenant vous vous débarrassez d'Assad et on vous confie les rênes.'"

En janvier, Bachar Al-Assad a qualifié l'élection de Donald Trump de "positive", jugeant le programme du milliardaire "très prometteur". S'il n'a pas encore à s'affoler, le président syrien a peut-être changé d'avis depuis.

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