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Bombardements incessants, morts par dizaines, hôpitaux débordés... En Syrie, l'offensive du régime contre la Ghouta orientale vire au carnage

Au moins 250 civils, dont près de 60 enfants, ont été tués depuis dimanche, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Article rédigé par franceinfo
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Un homme pleure près du corps d'une victime des bombardements qui visent la Ghouta orientale, près de Damas (Syrie), le 20 février 2018. (AMER ALMOHIBANY / AFP)

"S'il n'y a pas d'élément nouveau, nous allons vers un cataclysme humanitaire", prévient Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères. A quelques kilomètres seulement de la capitale Damas, le régime syrien pilonne durement la région enclavée de la Ghouta orientale, fief de la rébellion. En à peine trois jours, au moins 250 civils, dont près de 60 enfants, ont été tués, selon les chiffres communiqués mercredi 21 février par l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

La situation s'est brutalement dégradée dimanche. Pourtant, dans la matinée, la vie dans le vieux quartier de Damas semble revenir à la normale. Les cours reprennent après qu'ils ont été suspendus pendant plusieurs jours à cause de bombardements rebelles depuis la Ghouta, toute proche. Mais dans la soirée, six nouvelles roquettes s'abattent sur Damas, faisant un mort, selon les médias officiels.

Déluge de feu sur le fief rebelle

Dans la foulée, l'armée syrienne renforce sa présence aux alentours de la Ghouta orientale, l'ancien verger de Damas, où les habitants de la capitale venaient pique-niquer le week-end. Est-ce une réponse directe aux derniers tirs ? Difficile à dire. Cela ressemble plutôt au prolongement d'un plan d'attaque mené depuis plusieurs jours. Les troupes de Bachar Al-Assad, et celles de Vladimir Poutine, ont intensifié leurs frappes sur la dernière poche rebelle autour de Damas, et l'assiègent depuis le 5 février.

Dimanche, les forces du régime tirent plus de 200 obus et roquettes en l'espace d'une heure sur trois localités. Au moins 17 civils sont tués. Les bombardements se poursuivent lundi. Ce jour-là, 127 civils sont tués et au moins 300 personnes sont blessées. Les hôpitaux et les médecins sont débordés, dans cette zone qui compte quelque 400 000 habitants. 

Des hommes transportent une victime après le bombardement d'un bâtiment dans la Ghouta orientale, près de Damas (Syrie), le 19 février 2018. (ABDULMONAM EASSA / AFP)

L'hôpital de Douma est plein de civils affolés. Des parents sont à la recherche de leurs enfants. Des enfants, blessés, arrivent seuls et pleurent en appelant désespérément leur père ou leur mère.

Scènes d'horreur dans les hôpitaux

Dans la morgue, Nidal soulève les linceuls couvrant plusieurs enfants avant de trouver sa fille, Farah. Il s'agenouille et fond en larmes. Le père de famille demande s'il y a un "frigo" pour y déposer son corps. Il n'y en a pas. A côté, un homme se cogne la tête par terre à côté du corps inanimé de son enfant. Un autre éclate en sanglots en découvrant la dépouille de son nouveau-né posée sur une couverture, à côté d'une flaque de sang.

Contenu sensible
Un homme prend en photo le cadavre de son bébé, dans l'hôpital de Douma, dans l'enclave rebelle de la Ghouta orientale, près de Damas (Syrie), le 19 février 2018. (HAMZA AL-AJWEH / AFP)

Les scènes de panique se multiplient. Des ambulanciers montrent des images où on les voit échapper de peu à un bombardement. Les cadavres s'accumulent. "J'ai perdu cinq de mes enfants", explique un homme dans ce sujet de France 2.

"C'est une opération de nettoyage !"

Missiles, bombes et roquettes tombent sans temps mort, mardi. "Ça continue, ça continue. Je suis dans un abri en train de vous parler. Je ne sais pas si vous entendez, l'aviation continue de bombarder. (...) C'est une opération de nettoyage. (...) Depuis hier les bombardements n'ont pas cessé", raconte à France 3 Youcef Albostani, un journaliste sur place.

Comme la veille, des centaines de blessés affluent dans les hôpitaux de fortune. Les lits manquent et les blessés sont soignés à même le sol, tandis que les salles d'opération tournent à plein régime.

"Nous avons reçu un enfant d'un an, le corps tout bleu, le cœur battant à peine. Au moment où je lui ouvrais la bouche pour introduire un tube respiratoire, j'ai découvert qu'elle était remplie de sable. Il avait été récupéré sous les décombres, raconte le docteur Abou Al-Yousr de l'hôpital d'Arbine. J'ai alors rapidement dégagé le sable de sa bouche mais celui-ci avait atteint les poumons. Nous les avons alors nettoyés et il s'est mis de nouveau à respirer." D'après lui, "il s'agit d'un cas parmi des centaines d'autres".

Le pire est-il à venir ?

Pour la première fois depuis trois mois, l'aviation russe bombarde la Ghouta orientale. Le raid vise notamment l'un des principaux hôpitaux de la région, celui d'Arbine, et le met hors service. L'ONU rapporte qu'outre cet établissement, six autres hôpitaux ont été visés par les bombardements, dont trois ne sont plus en mesure de fonctionner. Pour la seule journée de mardi, 106 civils sont morts, selon l'OSDH.

Des cadavres dans une morgue à Douma, dans l'enclave rebelle de la Ghouta, près de Damas (Syrie), le 20 février 2018. (MAXPPP)

"Aucun mot ne rendra justice aux enfants tués, à leur mère, à leur père et à leurs proches", réagit sèchement et sobrement l'Unicef dans un communiqué. "Nous n'avons plus de mots pour décrire la souffrance des enfants et notre indignation", écrit l'organisation onusienne.

Ceux qui infligent cette souffrance trouvent-ils encore le moyen de justifier leurs actes barbares ?

l'Unicef

dans un communiqué

Mercredi, le déluge de feu continue. Outre des bombes, les avions larguent des barils explosifs sur les localités d'Arbine et de Aïn Tourma. Des armes qui tuent de manière aveugle, et dont l'utilisation est dénoncée par l'ONU et par les ONG internationales. Et ce n'est pourtant pas la première fois que le régime de Damas est accusé d'utiliser de telles munitions.

Les Nations unies appellent à mettre fin à cette "souffrance insensée". Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres se dit "profondément inquiet devant la situation qui s'aggrave dans la Ghouta orientale et son impact dévastateur sur les civils". Mais le pire est peut-être à venir. Le quotidien Al-Watan, proche du régime syrien, croit savoir que ces frappes "sont un prélude à une opération d'envergure [terrestre], laquelle peut commencer à tout moment".

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