Mandat d'arrêt contre Bachar al-Assad : les parties civiles espèrent un procès par défaut du président syrien "d'ici quelques années" en France

Lors d'une conférence de presse jeudi, au lendemain de la décision de la cour d'appel de Paris de valider le mandat d'arrêt français visant le président syrien, elles ont estimé qu'un nouveau recours du parquet général serait "politique".
Article rédigé par Catherine Fournier - avec AFP
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Le président syrien Bachar al-Assad lors d'une conférence de presse avec le Premier ministre irakien à Damas (Syrie), le 16 juillet 2023. (LOUAI BESHARA / AFP)

Une décision à la "portée historique". Lors d'une conférence de presse, jeudi 27 juin, les parties civiles et leurs avocates se sont félicitées de la décision de la cour d'appel de Paris de valider le mandat d'arrêt contre le président syrien Bachar al-Assad, accusé de complicité de crimes contre l'humanité pour deux attaques chimiques contre des civils syriens en août 2013, imputées au régime. Le rejet de la requête du Parquet national antiterroriste (Pnat), qui demandait l'annulation du mandat au motif de l'immunité personnelle des présidents en exercice, ouvre notamment la voie à un procès en France.

"Si, à la fin de l'instruction, les charges sont suffisantes contre Bachar al-Assad, ce mandat d'arrêt vaudra mise en examen, ce qui signifie qu'il pourrait être jugé par défaut par une cour d'assises française, a expliqué Clémence Witt, avocate de plusieurs victimes et des quatre ONG parties civiles, avec sa consœur Jeanne Sulzer. Un procès se tiendrait très vraisemblablement en France d'ici quelques années", a-t-elle ajouté.

Une arrestation du président syrien n'est pas non plus exclue, même s'il est "peu probable" qu'il se rende dans un pays européen, la Syrie étant sous le coup de sanctions européennes depuis 2011. Les autorités françaises pourraient "solliciter" l'arrestation de Bachar al-Assad auprès d'un autre Etat où il se rendrait, en vertu d'une "convention bilatérale" ou au nom des "règles de courtoisie internationale", a précisé Clémence Witt.  

Bachar al-Assad ne s'est "pas comporté comme un chef d'Etat"

Dans ses motivations, la cour d'appel de Paris a estimé que le chef d'Etat syrien s'était "lui-même exclu du bénéfice de l'immunité personnelle" des présidents en exercice "en ne se comportant pas comme un chef d'Etat", a complété l'avocate Jeanne Suzer, soulignant que "l'utilisation d'armes chimiques contre sa population ne constitue pas un acte relevant de ses fonctions normales". Dans sa décision, relayée par le parquet général jeudi, la cour rappelle en effet que "les crimes internationaux dont sont saisis les juges d'instruction ne peuvent être considérés comme faisant partie des fonctions officielles d’un chef de l'État".

Le parquet général a encore quatre jours pour saisir la Cour de cassation et contester cette décision. Un pourvoi enverrait un "signal absolument désastreux pour les victimes, comme l'a été la requête en nullité de la part du Pnat, qui est censé représenter l'accusation et se tenir aux côtés des victimes", a commenté lors de la conférence de presse Clémence Bectarte, qui représente sept victimes physiques. Selon elle, "l'exécutif français, tous gouvernements confondus (...), a toujours craint que cette justice dite universelle exercée par la justice française soit un obstacle à la conduite diplomatique de la France".

"S'il y a un pourvoi, pour nous, pour les victimes, pour les Syriens, cela sera motivé par des raisons politiques, pas juridiques", a renchéri Mazen Darwish, fondateur du Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression, une des quatre ONG parties civiles dans ce dossier. Et d'espérer qu'il n'y aura aucune "intervention" du "pouvoir exécutif" dans cette procédure judiciaire inédite.

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