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Reconnaissance faciale : de la lutte anti-Daech à l’espionnage de vos manies

Le Normand Maxime Hauchard, barbe et coiffe noires, égorgeant un homme en Syrie; trois combattants islamistes appelant en français les musulmans de France à les rejoindre: la multiplication des vidéos envoyées par Daech sur Internet et les réseaux sociaux permet aux services de renseignement d’affiner les nouveaux systèmes de reconnaissance faciale. Des progrès qui profitent aussi au business.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Avec les nouveaux logiciels, la reconnaissance faciale est de plus en plus fiable. (AFP / APA / Science photo library)

Les logiciels, qui font appel à l’intelligence artificielle, sont désormais aussi performants que l’œil humain. Et même, dans certains cas, un peu plus : il y a quelques mois, Chaochao Lu et Xiaoou Tang, deux chercheurs de l’université de Hong Kong, ont présenté un algorithme capable de reconnaître un visage sur une photo avec un taux de réussite de 99,10%, contre seulement 97,53% pour l’homme ! DeepFace, le système développé par Facebook avec l’aide d’une société israélienne, affiche pour sa part 97,25% de succès.
 
Pour parvenir à ce quasi sans faute, ces technologies ne se contentent pas de mesurer l’écartement des yeux et la distance entre le nez et la bouche, comme les policiers du bon vieux temps ! Elles font jouer simultanément des dizaines de millions de connexions (120 millions pour DeepFace) sur un réseau neuronal à plusieurs couches, et parviennent – c’est cela la prouesse – à décoder des données irrégulières grâce à «l’apprentissage profond».

Cela leur permet de reconstituer une image 3D du visage étudié, puis de faire varier son angle de vue afin de pouvoir le comparer sans difficulté aux millions de photos contenues dans les bases de données (fichier des permis de conduire, répertoire des adhérents de l’UMP ou… de comptes Facebook, qui recèlent plusieurs milliards de clichés d’internautes parfaitement identifiés). Le système ne met pas plus de quelques dixièmes de seconde pour rendre son verdict. Comme dans les séries américaines … mais ce n’est pas du cinéma.
 


Une technologie de science-fiction qui suscite inquiétudes et condamnations
Bien sûr, ces incroyables logiciels peuvent rendre de grands services. Identification des terroristes (on l’a vu avec la confirmation de l’identité de Hauchard), repérage des délinquants sexuels, recherche des personnes disparues ou enlevées, simplification des formalités de voyage (plus besoin de sortir son passeport ni son billet d’avion à l’aéroport, il suffira de montrer sa trombine), sauvetage des accidentés de la route (les pompiers pourront avoir accès instantanément à leur dossier médical en photographiant leur visage)… Les possibilités sont immenses et les expériences commencent à se multiplier.
 
En avril 2014, la police française a annoncé la première interpellation d’un jeune Lillois qui rackettait les élèves à la sortie des collèges grâce à l’outil de reconnaissance faciale dont disposent désormais tous ses enquêteurs.
 
Mais cette technologie de science-fiction en pleine expansion suscite inquiétudes et condamnations. Aux Etats-Unis, précurseurs en matière de reconnaissance faciale, le New York Times publiait en juin, un fichier PowerPoint de la NSA prouvant que l’Agence de sécurité américaine (dont les pratiques ont été dénoncées par le lanceur d’alerte Edward Snowden) intercepte des «millions d’images par jour», via textos, mails, réseaux sociaux mais aussi vidéosurveillance.

Selon l’un des documents de la NSA cités par le quotidien new-yorkais, datant de 2010, le but de cette collecte à grande échelle est de «déployer tout un arsenal pour exploiter numériquement les indices qu’une cible laisse derrière elle, dans ses activités courantes sur Internet, afin de recueillir des informations biographiques et biométriques». Autant dire que, même si aucun chiffre n’a été publié, des millions d’individus, dont peut-être vous et moi, ont été enregistrés à leur insu.
 
Même si, en théorie, des protections juridiques existent, les dérives sont possibles. Une fois les données en boîte, elles pourraient alimenter, malgré les dénégations de la NSA, un système de surveillance généralisé et individualisé de la population, lourd de dangers pour la démocratie.

Et si la plus grande menace venait de nous-mêmes ?
Mais ce n’est pas tout. La vie de tous les jours est aussi passée au crible. En Australie, aux Etats-Unis ou en Angleterre, plusieurs enseignes ont commencé à installer de discrets systèmes de repérage capables d’analyser à la loupe les visages de leur clientèle. Et d’adapter leur stratégie marketing en conséquence. Dans 450 stations-service du groupe pétrolier britannique Tesco, par exemple, les écrans publicitaires modifient leur message en fonction de l’âge, du sexe et des expressions des personnes qui les regardent, sans que ces dernières ne se rendent compte de rien.
   
Cependant, la plus grande menace que fait peser la reconnaissance faciale sur les libertés individuelles vient en fait… de nous-mêmes. Des développeurs américains ont mis au point un logiciel baptisé NameTag, susceptible d’être installé sur les Google Glass. Une fois ces lunettes connectées sur le nez, un simple regard suffirait alors pour tout savoir sur n’importe quel inconnu croisé dans la rue ou rencontré dans une soirée. Autant dire que le monde deviendrait un cauchemar.
 
On n’en est pas encore là. Les dirigeants de Google se sont engagés à ne jamais permettre l’installation d’un tel logiciel sur leurs lunettes magiques. Et Facebook, sommé par la Commission de Bruxelles de retirer toutes les applications de reconnaissance faciale de son site européen en 2012, a accepté de le faire sans rechigner. Mais pour combien de temps ?
 

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