Explosions de bipeurs au Liban : six questions sur les attaques meurtrières visant des membres du Hezbollah

Les explosions de bipeurs utilisés par le mouvement chiite, mardi, ont fait au moins douze morts et des milliers de blessés, dont des centaines de membres du mouvement libanais soutenu par l'Iran.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des ambulances près d'un hôpital à Beyrouth, au Liban, après les explosions de bipeurs, le 17 septembre 2024. (HOUSSAM SHBARO / ANADOLU / AFP)

Une vague d'explosions de bipeurs portés par des membres du Hezbollah. Le Liban a fait l'objet d'une attaque majeure et sans précédent, mardi 17 septembre, dans l'après-midi, qui a causé la mort d'au moins douze personnes et fait près de 2 800 blessés, selon le ministère de la Santé du pays.

Le Hezbollah, mouvement islamiste libanais soutenu par l'Iran, impute ces explosions à Israël, qui n'a pas commenté. Cette opération survient alors que la zone frontalière entre Israël et le Liban est fréquemment le théâtre d'échanges de tirs entre l'armée israélienne et le Hezbollah, un allié du Hamas, depuis l'attaque du 7 octobre 2023.

1 Comment ces bipeurs ont-ils explosé ?

Il est environ 15h30, mardi, lorsqu'un bipeur, un système de radiomessagerie, attaché à la ceinture d'un homme, debout à la caisse d'un magasin, sonne. A peine une seconde plus tard, le petit appareil noir explose, selon les images de la caméra de vidéosurveillance. Au même moment, la scène se répète ailleurs à travers le Liban, dans la banlieue sud de Beyrouth, dans le sud du pays et dans la plaine orientale de la Békaa, soit, selon Libération, "l'exacte cartographie de l'implantation du Hezbollah". Sur une autre vidéo, on voit un bipeur exploser dans les mains d'un homme présent sur un marché.

D'après le ministre de la Santé libanais, la plupart des victimes ont été touchées "au visage, à la main, au ventre et même aux yeux". Des dizaines d'ambulances transportant des blessés ont afflué mardi vers les hôpitaux à Beyrouth, dans la Békaa ainsi qu'à Saïda, dans le sud du Liban. Dans la banlieue sud de Beyrouth, des tentes ont été installées pour accueillir des habitants qui se sont précipités pour donner leur sang.

2 Qui sont les victimes ?

La plupart des personnes blessées ou tuées sont les hommes militants du Hezbollah qui portaient ces bipeurs. Il y a aussi des victimes collatérales, selon les autorités libanaises : parmi les morts, figure une fillette de dix ans tuée par l'explosion du bipeur de son père, ainsi que le fils d'un député du Hezbollah. L'ambassadeur d'Iran à Beyrouth, Mojtaba Amani, a aussi été blessé, a annoncé la télévision iranienne, tout comme quatorze membres du Hezbollah en Syrie, selon une ONG. Plusieurs blessés sont soignés en Syrie et d'autres sont évacués vers l'Iran, a précisé le ministre de la Santé libanais.

3 Pourquoi le Hezbollah utilise-t-il ces bipeurs ?

Ces appareils servent à communiquer vite, sans fil et sans connexion internet pour recevoir des messages courts et des alertes, grâce à un système de radiomessagerie, avec des fréquences plus basses que pour la téléphonie mobile. Egalement appelés pagers, ils étaient utilisés par le grand public dans les années 90, avant l'apparition des portables. Concrètement, le bippeur est un boîtier, ancêtre du téléphone portable, qui s'est répandu à la fin des années 1970.

"Les utilisateurs entrent un code dans l'appareil, qui est transmis à un centre ou système de réception qui envoie une notification au pager", explique le média libanais LBC International. Si le Hezbollah a choisi de doter ses combattants de bipeurs, c'est parce que les assassinats menés par l'armée israélienne à leur encontre se sont multipliés. Ce qui l'a obligé à repenser ses moyens pour communiquer.

4 Comment ont-ils pu être interceptés ?

Le New York Times affirme, en citant des responsables américains et d'autres nationalités, que les services secrets israéliens sont parvenus à intercepter les bipeurs avant leur arrivée au Liban. Le quotidien américain estime qu'ils ont pu cacher de petites quantités d'explosifs et un détonateur à côté de la batterie. Toujours selon le New York Times, un message apparaissant comme venant de la direction du Hezbollah a fait biper l'appareil mardi pendant plusieurs secondes avant de déclencher l'explosif.

Ces bipeurs portent la marque Gold Apollo, mais ce groupe taïwanais affirme, mercredi matin, que les appareils concernés ont été produits et vendus par son partenaire hongrois BAC. "En vertu d'un accord de coopération, nous autorisons BAC à utiliser notre marque pour la vente de produits dans certaines régions, mais la conception et la fabrication des produits sont de l'unique responsabilité de BAC", a expliqué Gold Apollo, dans un communiqué publié en réaction aux informations du New York Times, qui cite ce groupe comme le fournisseur des produits. "Notre entreprise n'apporte que l'autorisation d'utiliser la marque et n'est pas impliquée dans la conception et la fabrication" de ce bipeur, souligne le groupe.

Pour Yehoshua Kalisky, chercheur à l'Institut israélien de la sécurité interrogé par franceinfo, l'Etat hébreu est sans aucun doute derrière l'opération. "Ça a pu se passer de deux manières différentes. La première, ce serait que le système d'explosion a été introduit dans l'usine où les machines ont été achetées. Peut-être que, quelqu'un, quelque part, a installé ce système. C'est une possibilité. L'autre option est qu'une impulsion électronique à distance a provoqué l'explosion de la batterie", selon le chercheur. Selon lui, la région vient d'assister à "une des opérations les plus impressionnantes des dernières années".

5 Pourquoi le Hezbollah impute-t-il l'attaque à Israël ?

Peu après la vague simultanée d'explosions, le Hezbollah a déclaré qu'Israël était "entièrement responsable" et a assuré qu'il allait "recevoir son juste châtiment". Le ministre de l'Education libanais a annoncé la fermeture mercredi des écoles et des universités, pour condamner "cet acte criminel commis par l'ennemi israélien".

Mercredi, le mouvement islamiste créé il y a quarante-deux ans a réaffirmé qu'il "continuera" ses opérations de soutien au Hamas palestinien malgré cette attaque. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a annoncé qu'il s'exprimerait sur ces événements jeudi à 17 heures (16 heures, heure de Paris). L'Iran a aussi accusé Israël de "tuerie de masse" après l'explosion des bipeurs.

Israël n'a, pour l'instant, pas commenté ces attaques. Elles interviennent alors que Tsahal avait annoncé sa décision d'étendre les objectifs de la guerre jusqu'à la frontière israélo-libanaise, afin de permettre le retour des déplacés dans le nord d'Israël. Jusqu'à présent, les principaux objectifs affichés étaient la destruction du Hamas, au pouvoir depuis 2007 à Gaza, et le retour des otages retenus dans le territoire palestinien.

6 Quelles sont les réactions internationales ?

Washington a refusé de s'exprimer sur l'attribution de cette attaque. "Je peux vous dire que les Etats-Unis n'ont pas été impliqués là-dedans, qu'ils n'étaient pas au courant de cet incident à l'avance, et à ce stade, nous collectons de l'information", a déclaré le porte-parole du département d'Etat. La diplomatie américaine exhorte l'Iran à éviter tout acte qui aggraverait encore les tensions. Tandis que le chef de la diplomatie de l'Union européenne a condamné cette attaque.

Cette série d'explosions marque une "escalade extrêmement inquiétante", a réagi l'ONU. Mardi soir, la compagnie aérienne allemande Lufthansa a annoncé la suspension, au moins jusqu'à jeudi, de ses vols de et vers Tel-Aviv et Téhéran. Air France suspend de son côté ses liaisons avec Beyrouth et Tel-Aviv, également jusqu'au 19 septembre.

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