Israël-Gaza : comment on vit sous les bombes
Depuis dix jours, Israéliens et Gazaouis vivent au rythme des roquettes et des frappes aériennes. Au quotidien, c'est la peur qui domine des deux côtés, même si la vie continue en Israël.
Depuis le 8 juillet et le début de l'opération Bordure protectrice, Gaza et Israël vivent au rythme de la guerre, des roquettes et des bombes. Avec un bilan radicalement différent de part et d'autre : 1 200 roquettes lancées sur Israël ont tué un civil, quand, dans le même temps, 230 Palestiniens ont été tués par les tirs israéliens, au 17 juillet. Francetv info a joint des habitants des deux territoires. Ils témoignent de leur vie quotidienne, marquée par la peur.
"Se coucher au sol et prier que ça ne tombe pas sur nous"
Julie est franco-israélienne et étudie à Ashkelon, une ville israélienne située à 13 km au nord de la bande de Gaza. C'est l'une des plus touchées par les tirs du Hamas. "Chaque jour, il y a des alertes", explique-t-elle. Mercredi 16 juillet, il y en a eu quatre. Sortir ou pas, c'est le dilemme depuis dix jours pour les jeunes de cette cité balnéaire. "On ne va plus à la plage. On a peur de sortir parce qu'il n'y a pas toujours d'endroits protégés, mais c'est dur de résister."
Dans tout Israël, des sirènes avertissent les habitants des tirs de roquettes en approche. L'alerte dure une à deux minutes, parfois plus quand plusieurs roquettes sont tirées à la suite. Les Israéliens s'enferment alors en sous-sol. La plupart des maisons et des immeubles sont équipés de bunkers. "Il y a beaucoup de solidarité" témoigne David, un Français qui vit à Tel Aviv depuis six mois. "Pour ma première alerte, je me suis retrouvé dans l'abri avec mes voisins que je ne connaissais pas, et c'est eux qui m'ont rassuré et m'ont expliqué la situation." La grande crainte, se trouver dehors, sans abri, au moment fatidique. Dans ce cas, il faut "attendre, couché au sol, les mains sur la tête, et prier pour que ça ne tombe pas sur nous", témoigne Johanna, une autre Française, qui vit elle à Jérusalem.
"Si j'entends une sirène, je finis ma douche"
Cette année, une nouveauté est venu étoffer le dispositif de protection des Israéliens : les applications iPhone. La plus connue, Red Alert, est sur tous les téléphones à Jérusalem, témoigne l'envoyée spéciale de France 2 en Israël et à Gaza, Samah Soula. L'application envoie une notification sur les téléphones en temps réel, à chaque tir de roquette sur Israël. "Tout le monde l’a, ce qui en fait un véritable élément fédérateur et unificateur entre les Israéliens. Il n'y a presque plus de différence entre l’alerte qui les concerne et celle qui ne les concerne pas directement." Johanna a une explication à cela : Israël est un petit pays et "tout le monde a de la famille un peu partout, et s'inquiète. L'application permet de savoir si les proches sont en sécurité."
Une sécurité qui semble cependant plutôt assurée. Israël s'est doté en 2011 d'un système de défense antimissiles, le Dôme de fer, qui intercepte entre 75 et 90% des roquettes tirées sur le pays. Et contribue à créer un sentiment de relative sérénité chez les Israéliens, même si un civil a été tué près de la frontière. "Si j'entends une sirène pendant ma douche, je finis ma douche", assure Thomas, Franco-Israélien qui vit lui aussi à Tel Aviv. "On entre dans les abris par rituel. On sait que le tir a de grandes chances d'être intercepté et que sinon, il tombera dans la mer." Quelques jours plus tôt, pendant une alerte, il a vu des Israéliens rester dans la rue et regarder le ciel, "comme pour un feu d'artifice". Ce qui ne l'empêche pas de constater que même Tel Aviv, cette ville "qui ne s'arrête jamais", est beaucoup moins animée en temps de guerre, notamment quand le Hamas annonce des tirs de roquettes à 21 heures un samedi soir. Cependant, une fois les alertes terminées, "tout le monde reprend ses activités normalement", assure David. Même sous les roquettes, les Israéliens "ne veulent pas s'arrêter de vivre, sinon c'est le terrorisme qui prend le dessus".
Gaza, une région morte
Des avertissements qui ne suffisent pas toujours ?
Pourtant, Tsahal l'assure, notamment sur Twitter : ses frappes sont ciblées, et elle prévient les occupants des maisons qu'elle va bombarder. Le plus souvent, elle les appelle ou leur envoie des SMS les invitant à quitter leur domicile. Une autre méthode, le "knock on the roof" ("coup sur le toit"), consiste à précéder la frappe proprement dite d'un tir "préventif", quelques minutes plus tôt, avec un missile sans charge explosive qui ne fait que secouer le bâtiment, comme le montre cette vidéo d'une agence de presse gazaouie. "Cinq à dix minutes pour réveiller toute sa famille, s'habiller, prendre les papiers importants, leurs quelques bijoux précieux pour les femmes... c'est trop court", s'insurge Iyad. Sur les réseaux sociaux, certains partagent l'histoire d'un fils appelé par Tsahal alors qu'il était sorti avec des amis, et qui n'a pas pu transmettre l'avertissement à temps. "Les Israéliens ont frappé un immeuble de 4 étages à Rafah en pleine nuit et sans prévenir", assure aussi Iyad, touchant ou tuant tous les membres d'une famille. "Pourquoi frapper des maisons habitées ?", se demande-t-il.
Les cibles choisies par Israël suscitent l'incompréhension, même si l'Etat hébreu assure ne viser que des membres du Hamas. Pourquoi alors avoir bombardé un café en bord de mer qui diffusait un match de la Coupe du monde, s'interrogent les Gazaouis. L'armée a elle même reconnu l'erreur "tragique" que constituait une autre frappe, qui a tué, le 16 juillet, quatre jeunes enfants qui jouaient sur une plage, à quelques mètres de l'hôtel où logent une grande partie des journalistes envoyés sur place. Signe qu'aucun endroit n'est sûr aujourd'hui à Gaza. A l'exception, peut-être, de la trentaine d'écoles tenues par l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour l'aide aux réfugiés palestiniens. Les Gazaouis qui ont fui leur domicile y affluent en masse, 21 000 personnes, selon l'organisation. Ces lieux sont "sacrés pour Israël, qui serait durement jugé s'il les frappait", pense Iyad. Mais une chose est sûre pour le jeune Palestinien : ce conflit est le pire qu'il a connu, pire que la guerre de Gaza de 2008. "Il y a eu moins de morts pour l'instant, mais ils ont tué des femmes et des enfants. Les moyens qu'utilisent les Israéliens, je n'ai jamais vu ça."
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