Guerre au Proche-Orient : quelle forme peut prendre la riposte de l'Iran, qui multiplie les menaces contre Israël ?
La situation au Proche-Orient fait plus que jamais craindre à la communauté internationale un embrasement régional. Après les assassinats du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et de Fouad Chokr, chef militaire du Hezbollah, attribués à Israël, l'Iran et ses alliés au Liban, en Irak et au Yémen ont menacé Tel-Aviv d'une riposte armée. Lundi 12 août, John Kirby, le porte-parole des Etats-Unis, a dit prévoir "une série d'attaques significatives sur Israël" pouvant intervenir dès "cette semaine".
L'Iran "ne cédera jamais aux pressions [...] mais considère qu'il a le droit de répondre aux agresseurs", a affirmé lundi le nouveau président, Massoud Pezeshkian. De son côté, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a assuré que "la République islamique est déterminée à défendre sa souveraineté". Le lendemain, Téhéran a rejeté l'appel de pays occidentaux à renoncer à toute offensive contre l'Etat hébreu.
Une réplique difficile à prévoir
Face à ces menaces, "on est dans l'incertitude", juge Jonathan Piron, historien spécialiste de l'Iran pour le think tank belge Etopia, interrogé par franceinfo. Les prochains jours seront déterminants pour l'avenir de la région. L'issue des négociations pour un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, qui doivent reprendre jeudi au Qatar, pourrait rebattre les cartes. Le président américain Joe Biden a de son côté estimé, mardi, qu'un arrêt des combats dans la bande de Gaza pourrait permettre d'éviter une attaque iranienne contre Israël.
"Je doute que les négociations aboutissent à un cessez-le-feu", soutient Jonathan Piron. D'après le spécialiste, le Hamas souhaite un arrêt des combats de longue durée, tandis qu'il en est "hors de question" pour Benyamin Nétanyahou. Si les discussions n'aboutissent à aucun accord, il est "fort probable" qu'une riposte de Téhéran ait lieu prochainement, estime Jonathan Piron. "Dans cette configuration, on imagine difficilement comment l'Iran pourrait ne pas répliquer", après la mort des chefs de deux groupes alliés, abonde David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’IRIS et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques, contacté par franceinfo.
La forme de cette réplique est toutefois difficile à prévoir, selon les spécialistes. "L'Iran n'a peut-être pas encore décidé définitivement du timing et de la nature de la riposte", rapporte David Rigoulet-Roze. D'autant que plusieurs acteurs internationaux tentent d'éviter une escalade entre Tel-Aviv et Téhéran. "Les Etats-Unis font passer des messages à l'Iran pour éviter la riposte, tandis que des intermédiaires russes se rendent en Iran pour calmer le jeu", assure l'expert.
Une possible riposte coordonnée
Si cette réplique a lieu, ce ne serait pas la première fois que l'Iran vise directement l'Etat hébreu. En avril, après un raid meurtrier contre un bâtiment diplomatique iranien en Syrie, également imputé à Israël, Téhéran avait mené une attaque inédite sur le sol israélien. Plus de 300 drones et missiles avaient alors été lancés, mais presque tous avaient été interceptés, selon l'armée israélienne.
D'après David Rigoulet-Roze, l'Iran pourrait à nouveau frapper "directement" Israël, tout en s'appuyant sur ses alliés dans la région, comme le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban. "La réplique devrait probablement être duelle", considère l'expert. Un constat partagé par Jonathan Piron. "On peut s'attendre à une attaque beaucoup plus coordonnée [entre Téhéran et ses alliés] qu'en avril dernier", prévient le chercheur.
"Des frappes coordonnées peuvent saturer le dôme de fer" israélien, met en garde Jonathan Piron. Ce système de défense, qui permet d'abattre en plein vol des missiles ou des roquettes dans un rayon de 4 à 70 kilomètres, protège l'Etat hébreu. Dans le cas où il s'affaiblirait, des missiles pourraient s'écraser sur le sol israélien.
Tel-Aviv et Haïfa dans le viseur
"Le régime sioniste recevra certainement la réponse à ce crime au moment et au lieu appropriés", ont menacé début août les Gardiens de la Révolution. Les villes israéliennes de Tel-Aviv et Haïfa "font partie des cibles", a affirmé au même moment le quotidien iranien ultra-conservateur Kayhan, cité par le journal hébreu Times of Israel. La représentation de l'Iran auprès de l'ONU a, de son côté, dit s'attendre à ce que son allié libanais, le Hezbollah, frappe en "profondeur" le territoire israélien, et "ne se limite pas aux cibles militaires".
Ces propos sont toutefois à relativiser, selon l'historien spécialiste de l'Iran Jonathan Piron. "Viser ces zones signifie cibler les civils, et dans ce cas, Israël répliquerait de la même manière", juge-t-il. "Une telle attaque déclencherait une escalade et une généralisation du conflit, ce qui n'est pas dans l'intérêt de l'Iran". D'après le chercheur, en cas de conflit généralisé, l'Iran "perdra", étant donné qu'Israël dispose de l'armée "la plus forte du Moyen-Orient", en plus du soutien des Etats-Unis et d'armes fournies par plusieurs pays occidentaux.
"Lors de la dernière attaque [en avril], les missiles iraniens ont été interceptés ou se sont crashés, mais nous savons que [Téhéran] possède des missiles plus puissants, insiste Jonathan Piron. En revanche, leur nombre et leur type restent inconnus." Ces missiles pourraient être plus destructeurs que ceux précédemment lancés en Israël. L'Iran mise donc sur cette incertitude pour dissuader l'Etat hébreu d'ouvrir un nouveau front en frappant son territoire, qui entraînerait un embrasement de la région.
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