Guerre au Proche-Orient : on vous explique pourquoi la demande d'adhésion de la Palestine à l’ONU semble vouée à l'échec

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
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L'Observateur permanent de la Palestine auprès des Nations unies, Riyad Mansour, s'exprime lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies au siège de l'ONU, le 25 mars 2024, à New York (Etats-Unis). (ANGELA WEISS / AFP)
La demande des autorités palestiniennes, initiée dès 2011, doit être examinée une nouvelle fois par le Conseil de sécurité de l'ONU. Mais le processus a très peu de chances d'aboutir, en raison notamment des réticences américaines.

"Un coup d'épée dans l'eau", souffle le chercheur Sébastien Boussois. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se prononcer, jeudi 18 avril, sur la demande des Palestiniens de devenir un Etat membre à part entière des Nations unies. Mettant en avant l'offensive israélienne à Gaza, les Palestiniens ont relancé début avril leur demande d'adhésion à l'ONU, initiée en 2011. Mais cette démarche, sauf surprise, paraît vouée à l'échec et semble surtout symbolique de la part de l'Autorité palestinienne.

Pour accéder au statut de membre des Nations unies, il faut obtenir un vote de l'Assemblée générale de l'ONU avec une majorité des deux tiers. Selon le décompte de l'Autorité palestinienne, près de 140 Etats membres de l'ONU reconnaissent de façon unilatérale un Etat palestinien. L'ONU comptant 193 membres, la requête aurait en apparence toutes les chances d'être acceptée par l'Assemblée générale de l'ONU. 

Le veto américain comme probable obstacle

Mais pour obtenir un vote à l'Assemblée générale, il faut d'abord passer l'étape du Conseil de sécurité. La demande d'un Etat "doit faire l'objet d'un vote favorable de neuf des 15 membres du Conseil [de sécurité], dont celui de l'ensemble de ses cinq membres permanents", rappelle le site de l'ONU. Parmi les membres permanents (Chine, France, Etats-Unis, Russie et Royaume-Uni), les Américains sont opposés à cette initiative palestinienne et n'hésitent pas à utiliser leur veto. "Le gouvernement israélien ne veut pas d'un Etat palestinien et les Américains obéissent à leur allié en faisant blocage", résume Sébastien Boussois, chercheur en sciences politiques et spécialiste du Moyen-Orient.

Déjà en 2011, la procédure lancée par le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas s'était heurtée à l'opposition américaine. Et les Palestiniens avaient finalement obtenu en novembre 2012 le statut inférieur "d'Etat non membre observateur" lors d'un vote de l'Assemblée générale. Les Etats-Unis ne cessent de répéter ces dernières semaines que leur position "n'a pas changé" depuis 2011. Ils estiment que l'ONU n'est pas le lieu pour la reconnaissance d'un Etat palestinien, qui devrait, selon eux, être issu d'un accord entre Israéliens et Palestiniens.

Ils rappellent aussi que la législation américaine leur imposerait de couper leur financement à l'ONU en cas d'une adhésion palestinienne hors d'un tel accord bilatéral. "Du point de vue de Washington, imposer au calendrier la question du statut d'Etat des Palestiniens rend probablement plus difficile de convaincre les Israéliens d'un cessez-le-feu" à Gaza, confie également à l'AFP Richard Gowan, analyste à l'International Crisis Group.

Le mirage d'une solution à deux Etats

Derrière cette reconnaissance de l'ONU, il y a la volonté de pousser la solution à deux Etats. "Tout le monde parle de la solution à deux Etats, alors quelle est la logique de nous empêcher d'être un Etat membre ?", argumente dans sa demande l'ambassadeur palestinien à l'ONU, Riyad Mansour, en réponse à l'éventualité d'un veto américain. "C'est la communauté internationale qui a décidé de créer deux Etats en Palestine en 1947. C'est le devoir de la communauté internationale, aux côtés du peuple palestinien, de terminer cette démarche en admettant la Palestine comme Etat membre", déclarait aussi le diplomate en février.

En 1947, l'Assemblée générale de l'ONU avait effectivement voté une résolution partageant la Palestine, alors sous mandat britannique, en deux Etats indépendants, l'un arabe, l'autre juif, et créant une zone internationale autour de Jérusalem. Mais seule la création d'Israël avait alors été proclamée, le 14 mai 1948, provoquant une guerre entre le nouvel Etat et plusieurs pays arabes. Depuis, les Palestiniens ne cessent de réclamer la création d'un Etat palestinien.

Mais après les attaques du Hamas le 7 octobre, le gouvernement israélien a explicitement rejeté toute solution à deux Etats. Le Parlement israélien ainsi voté massivement en février contre toute "reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien". Malgré la faible probabilité d'un avis positif du Conseil de sécurité, Israël a d'ailleurs dénoncé avec virulence le fait que la requête de l'Autorité palestinienne soit examinée.

En plein conflit, la situation semble donc figée. "Tant que l'actuelle coalition au pouvoir en Israël est en place, tant que le Hamas n'est pas détruit militairement et tant que l'Autorité palestinienne n'a pas accepté de reprendre en charge Gaza, on parle un peu dans le vide", estime Frédéric Encel, docteur en géopolitique et professeur à Sciences Po.

Une initiative diplomatique opportuniste

Dans le contexte du conflit meurtrier en cours dans la bande de Gaza, l'autorité palestinienne cherche aussi à remobiliser la communauté internationale. L'initiative a au moins le mérite de permettre aux Palestiniens de compter leurs alliés. Ils ont déjà reçu le "soutien" des représentants des pays arabes et de l'Organisation de la coopération islamique, qui regroupe 57 Etats dont la population est majoritairement musulmane.

Les Palestiniens "savent que c'est le moment de pousser cette question [d'adhésion à l'ONU], qui risque de s'effacer s'il y a un cessez-le-feu et que les membres de l'ONU se concentrent sur d'autres choses", explique à l'AFP le chercheur Richard Gowan. "L'Autorité palestinienne relance l'aspect diplomatique à un moment où Israël a été sévèrement tancé par beaucoup d'Etats, y compris des alliés", confirme Frédéric Encel.

"Il y a la volonté de créer un électrochoc diplomatique favorable à l'Autorité palestinienne dans le contexte du conflit à Gaza."

Frédéric Encel

à franceinfo

"Mais sur le terrain, ça n'a aucune valeur", poursuit le chercheur. Il rappelle que la France et le Royaume-Uni s'étaient abstenus en 2011 sur la même question, "car statutairement, ils ne peuvent reconnaître que des Etats qui disposent d'une souveraineté sur un territoire."

Pour être admis à l'ONU, certains chercheurs estiment qu'il faudrait donc des frontières définies et un territoire administré par un seul gouvernement. Il y a actuellement "deux entités territoriales distinctes – la bande de Gaza et la Cisjordanie – avec deux gouvernances distinctes, la gouvernance légale de l'Autorité palestinienne ayant été expulsée manu militari de la bande de Gaza par le Hamas en 2007", rappelle ainsi dans Le Figaro David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques. 

Carte de la Cisjordanie occupée. (PAULINE LE NOURS / FRANCEINFO)

Dans ce contexte, l'offensive diplomatique palestinienne à l'ONU apparaît avant tout symbolique. "L'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qui a complètement disparu du tableau face à l'islamisation de la question palestinienne, tente d'exister. Et cette demande apparaît comme un moyen d'essayer de se remettre sur le devant de la scène", analyse Sébastien Boussois.

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