Conflit israélo-palestinien : "Un bras de fer entre chefs" mais le Hamas est "mieux placé" politiquement qu'Israël, selon Frédéric Encel
L'escalade militaire entre le Hamas et l'armée israélienne a fait plus de 100 morts depuis lundi.
On assiste actuellement à "un bras de fer entre chefs", a expliqué vendredi 14 mai sur franceinfo Frédéric Encel, docteur en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, alors que l'escalade entre le Hamas et l'armée israélienne a fait plus de 100 morts depuis lundi. "Le cessez-le feu va intervenir", assure Frédéric Encel. Mais ensuite, si le Hamas "perd sur le plan militaire", il est "mieux placé sur le plan politique que l'État d'Israël".
franceinfo : Rien ne semble pouvoir arrêter Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien ?
Frédéric Encel : En tout cas, pas dans les prochains jours, parce que c'est toujours pareil dans ce genre de crise. Le cessez-le-feu, il va intervenir. Vous avez, comme dans chaque crise, le développement de la montée en puissance de la crise. Au bout d'un moment, on cherche un cessez-le-feu et on l'obtient. Sauf que pour l'obtenir, il faut que les deux belligérants puissent se satisfaire, soit d'une victoire militaire, soit de pouvoir sortir la tête haute de la crise vis-à-vis de leur propre opinion publique. Aujourd'hui, on n'y est pas.
Est-ce que c'est un bras de fer entre Benjamin Netanyahou et le Hamas ?
Il y a effectivement un bras de fer entre chefs. Mais il y a aussi un bras de fer à usage interne et c'est peut-être plus important encore. C'est-à-dire que le Hamas essaie de faire payer à Mahmoud Abbas, le président palestinien, la confiscation de sa victoire électorale. En tout cas, le Hamas considère que l'arrêt brutal du processus électoral par le président palestinien l'a spolié d'une vraisemblable victoire électorale. Du coup, il faut le fragiliser plus encore et démontrer à la communauté internationale que, sans lui, sans le Hamas, on ne pourra rien faire. Du côté israélien, Netanyahou est dans une très grande difficulté puisqu'il a échoué une nouvelle fois à créer une coalition gouvernementale. Et là, il incarne, il joue l'homme qu'apprécient les Israéliens, c'est-à-dire le bouclier et le chef de guerre.
Est-ce qu'une victoire militaire, d'un côté comme de l'autre, est encore possible ?
Aujourd'hui, elle est impossible. En tout cas, une victoire militaire au sens d'Austerlitz, ça n'existe pas. En revanche, pouvoir sortir la tête haute, cela signifie quoi ? Par exemple, une baisse substantielle du rythme de chute de missiles de la part du Hamas, qui permettrait au gouvernement israélien de dire regardez, "les premiers jours, ils ont commencé très fort. Maintenant, ils en ont presque plus et ils ont perdu plusieurs chefs politiques et militaires. Donc, ils ont bien compris la leçon". Vrai ou pas, mais au moins sémantiquement, ce serait un discours possible.
Du côté du Hamas, je dirais qu'on est peut être plus proche de la volonté d'en finir. Pourquoi ? Parce que les deux premiers jours - des jours d'instrumentalisation, comme toujours d'ailleurs avec le Hamas – ont marqué la colère populaire palestinienne. Mais au moins, le Hamas peut dire "regardez, les Israéliens nous ont porté des coups durs. Mais les deux premiers jours, ils ne s'attendaient pas à ce qu'on puisse propulser les missiles jusqu'au-delà de Tel-Aviv". Je dirais que, par un faux paradoxe, le Hamas perdra naturellement sur le plan logistique et militaire. Mais sur le plan politique, pour l'instant en tout cas, il est quelque part mieux placé que l'État d'Israël.
Est-ce que Benjamin Netanyahou est en quelque sorte aussi victime, entre guillemets, de la place qu'ont pris les colons politiquement ?
Je nuancerais cela parce que, concernant Gaza, on n'est plus du tout dans ce schéma puisque les Israéliens sont sortis unilatéralement en 2005. En revanche, on est dans une difficulté aujourd'hui beaucoup plus grave que la guerre latente et constante avec le Hamas, qui ne peut pas être perdue par Israël. C'est ce qui se produit dans les fameuses villes mixtes d'Israël.
Aujourd'hui le problème du gouvernement israélien, ce n'est pas tant le Hamas que ça,et ce n'est même pas tellement les Palestiniens de Cisjordanie. Regardez à quel point le calme règne chez la majorité des Palestiniens, il y en a trois millions qui vivent de l'autre côté, c'est-à-dire en Cisjordanie. Regardez à quel point l'Autorité palestinienne n'appelle pas à la guerre et à la violence. En revanche, ce qui se passe dans les villes israéliennes aujourd'hui, porte un coup très dur à la crédibilité de Benjamin Netanyahou. Pourquoi ? Parce que depuis des mois, sinon des années, il a encouragé une partie l'extrême droite israélienne à aller toujours plus loin dans ses dérives.
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