Conflit Israël-Hamas : "On n'a plus de mots pour décrire l'horreur de ce qui se passe à Gaza", témoigne MSF
"On n'a plus de mots pour décrire l'horreur de ce qui se passe aujourd'hui à Gaza", s'est alarmée mardi 26 décembre sur franceinfo Guillemette Thomas, coordinatrice médicale de la mission Médecins sans frontières (MSF) en Palestine. La population de la bande de Gaza est la principale victime du conflit entre le Hamas et Israël, 80 jours après le début des hostilités, selon elle. La famine se propage dans l'enclave palestinienne : "Aujourd'hui, l'accès à la nourriture est excessivement compliqué", a-t-elle expliqué. Les Gazouis ne peuvent plus boire de l'eau potable : "C'est évidemment source de maladies et de diarrhées", dit-elle.
Alors que les frappes israéliennes se sont intensifiées ces derniers jours, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté vendredi 22 décembre une résolution réclamant l’acheminement "immédiat" d'une aide humanitaire "à grande échelle". Mais "les annonces d'augmentation de l'acheminement de l'aide humanitaire sont pour nous totalement déconnectées de la réalité", a expliqué Guillemette Thomas. "Il faut permettre aux acteurs de l'aide humanitaire de travailler et aujourd'hui, ce n'est absolument pas le cas", a-t-elle affirmé.
franceinfo : C'est la famine qui menace les Gazaouis aujourd'hui ?
Guillemette Thomas : L'accès à la nourriture est excessivement compliqué. Les populations n'ont plus les moyens d'acheter les éléments les plus essentiels pour simplement se nourrir. Les prix ont flambé et aujourd'hui, c'est un risque majeur et qui s'ajoute évidemment à tous les autres drames que vit la population à Gaza. La population de Gaza, c'est 50 % qui a moins de 18 ans. Évidemment, c'est une population qui est extrêmement vulnérable et extrêmement exposée. D'autant plus qu'on est à plus de deux mois et demi de conflit avec très peu de répit.
L'acheminement de l'aide humanitaire est-elle possible ?
Aujourd'hui, les annonces d'augmentation de l'acheminement de l'aide humanitaire sont pour nous totalement déconnectées de la réalité. On ne peut pas imaginer augmenter l'aide humanitaire si elle n'arrive pas à la population.
"Le problème, c'est que l'intensité des combats est telle que les organisations humanitaires n'arrivent pas à déployer l'aide."
Guillemette Thomas, de MSFà franceinfo
On n'arrive pas à accéder aux personnes. Il faut à la fois augmenter massivement cette aide humanitaire, mais il faut permettre aux acteurs de l'aide humanitaire de travailler et aujourd'hui, ce n'est absolument pas le cas.
La population a-t-elle accès à l'eau ?
La majorité de la population boit de l'eau qui est impropre à la consommation, qui est de l'eau salée et contaminée. C'est évidemment source de maladies et de diarrhées. Ça accentue évidemment la vulnérabilité de la population qui vit dans des conditions effroyables, vraiment effroyables.
Les hôpitaux dans la bande de Gaza peuvent-ils faire face à l'afflux de blessés et de malades ?
L'accès aux soins est excessivement compliqué. Tout le système de santé est à genoux. Les hôpitaux débordent de blessés, on n'a plus la possibilité dans certains hôpitaux d'opérer des patients parce qu'on n'a plus de lits pour les mettre en poste opératoire. L'accès même aux structures de santé est rendu extrêmement compliqué par l'insécurité. Aujourd'hui, c'est toute une population qui est coupée de l'accès aux soins et même les plus basiques. Tous les patients qui ont des maladies chroniques n'ont aujourd'hui aucun accès aux soins et meurent chez eux en dehors des radars et en dehors de toutes les statistiques qu'on peut fournir aujourd'hui.
Que pouvez-vous nous dire sur le bilan de la frappe qui a touché le camp de réfugiés al-Maghazi, dans le centre de la bande de Gaza ?
On a des équipes qui travaillent à Al-Aqsa, qui est un des hôpitaux du centre de la bande de Gaza. Ils ont reçu lundi 200 blessés, et 130 patients sont déjà décédés à l'arrivée. C'est pour vous dire le drame que vit aujourd'hui cette population. Je parle essentiellement de femmes et d'enfants. C'est ce qu'on voit arriver à l'hôpital. Vous imaginez bien qu'un tel afflux de blessés et un tel nombre de patients décédés à l'arrivée montrent la violence et l'intensité des frappes qui aujourd'hui touchent avant tout les civils.
Les hôpitaux continuent d'être attaqués ?
Depuis le début du conflit, les structures de santé sont ciblées, délibérément ciblées. Les ambulances, les hôpitaux, les cliniques. Aujourd'hui, les structures de santé qui devraient être épargnées dans tout conflit sont délibérément visées. Ce qui entrave d'autant plus la possibilité d'apporter de l'aide à cette population.
Dans quel état sont les communications dans la bande de Gaza ?
Les communications sont sont très, très, difficiles. Elles sont coupées. Depuis une dizaine de jours, on a réussi à communiquer de façon à peu près satisfaisante que deux jours. Il faut imaginer que les gens ne peuvent pas appeler les secours, ne peuvent pas appeler leurs proches. Ils vivent dans l'incertitude de savoir si leurs proches sont en vie ou non. D'un point de vue pratique, nous, les acteurs de l'aide humanitaire, on n'arrive pas à déployer notre aide parce qu'on n'arrive pas à communiquer entre nous, à mobiliser les ressources nécessaires au déploiement de cette aide humanitaire. C'est excessivement compliqué de travailler aujourd'hui dans ces conditions.
Avez-vous un peu d'espoir aujourd'hui ?
Honnêtement, je n'ai pas beaucoup d'espoir. On est vraiment extrêmement inquiets. Les Gazaouis sont totalement désespérés. C'est ce qu'on voit clairement sur le terrain. C'est une situation qui est inimaginable. On n'a plus de mots pour décrire l'horreur de ce qui se passe aujourd'hui à Gaza.
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