Attaques en mer Rouge : cinq questions sur les frappes déclenchées par les Etats-Unis et le Royaume-Uni contre les rebelles houthis au Yémen

Washington et Londres ont mené une opération conjointe ciblant les "capacités en missiles, radars et drones" du groupe soutenu par l'Iran. Les rebelles houthis déstabilisent depuis plusieurs semaines le trafic maritime, en réponse à l'opération militaire israélienne dans la bande de Gaza.
Article rédigé par franceinfo
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Un avion de chasse de la Royal Air Force (RAF) atterrit sur une base aérienne à Chypre après une opération ayant visé les rebelles houthis au Yémen, le 12 janvier 2024. (MINISTERE DE LA DEFENSE BRITANNIQUE / AFP)

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont finalement décidé d'intervenir, vendredi 12 janvier, en menant des frappes aériennes au Yémen. Depuis plusieurs semaines, les rebelles houthis multiplient les attaques contre le trafic maritime en mer Rouge, en solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza. Le groupe armé affirme cibler les navires commerciaux liés à Israël. Selon l'armée américaine, ces rebelles proches de l'Iran ont mené, depuis le 19 novembre, 27 attaques de missiles et drones près du détroit de Bab el-Mandeb séparant la péninsule arabique de l'Afrique.

Que s'est-il passé dans la nuit de jeudi à vendredi ?

La Maison Blanche dit avoir ciblé "des capacités en missiles, radars et drones", en bénéficiant du soutien de l'Australie, du Canada, des Pays-Bas et de Bahreïn. Des avions de combat et des missiles Tomahawk ont été utilisés pour l'opération, selon les informations de plusieurs médias américains, dont le New York Times. Lors de cette opération conjointe, Londres annonce avoir déployé quatre avions de combat Typhoon FGR4 pour frapper les sites de lancement de drones de Bani et Abbs, avec des bombes guidées au laser.

Une carte du Moyen-Orient, avec la localisation des territoires contrôlés par les houthis au Yémen, près du détroit de Bab el-Mandeb. (HELOISE KROB / FRANCEINFO)

Les frappes ont visé des sites militaires dans la capitale yéménite, Sanaa, et les gouvernorats de Hodeidah, Taïz, Hajjah et Saada, a commenté le porte-parole militaire des houthis. Cinq personnes ont été tuées et six autres blessées parmi les rebelles, a-t-il ajouté, dénombrant "73 raids" de "l'ennemi américano-britannique".

Comment ces frappes sont-elles justifiées ?

Dans une déclaration commune, Washington, Londres et huit de leurs alliés, parmi lesquels l'Australie, le Canada et Bahreïn, ont souligné que l'opération, menée dans un contexte de forte tension régionale, visait à la "désescalade" et à "restaurer la stabilité en mer Rouge". Cette riposte américano-britannique intervient après le tir houthi, jeudi, d'un nouveau missile antinavire. "Les Etats-Unis ont l’obligation particulière et historique d’aider à protéger et à défendre ces artères du commerce mondial", a déclaré un haut-responsable de la Maison Blanche lors d'un point-presse.

Avant cela, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, en tournée cette semaine au Moyen-Orient, avait lancé un avertissement aux houthis, le Conseil de sécurité de l'ONU exigeant lui l'arrêt "immédiat" de leurs attaques. Reprochant aux rebelles d'avoir ignoré "les avertissements répétés de la communauté internationale", le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a qualifié les frappes de "mesures limitées, nécessaires et proportionnées en état de légitime défense".

Quel est l'état du commerce mondial ?

Les attaques des houthis avec des missiles et des drones ont poussé de nombreux armateurs à éviter le couloir stratégique de la mer Rouge, au prix d'une hausse des coûts et des temps de transport entre l'Europe et l'Asie. Au total, plus d'une douzaine de compagnies maritimes ont détourné leurs navires autour du cap de Bonne-Espérance, selon la Maison Blanche, en raison du risque planant sur la mer Rouge. Et selon le Fonds monétaire international (FMI), les volumes qui transitent au large de l'Afrique du Sud ont déjà bondi de 67%.

Loïc Guermeur, ancien navigateur de la marine national a partagé cette visualisation de l'évolution du trafic de porte-conteneurs depuis dix jours.

De quel arsenal les houthis disposent-ils ?

Les rebelles houthis utilisent des Typhoon, une version remodelée des missiles iraniens Qadr, d'une portée de 1 600 à 1 900 km, explique à l'AFP Fabian Hinz, spécialiste de l'armement au sein de l'International Institute for Strategic Studies. "Ils ne sont pas du tout précis – au moins les versions qui ont été montrées – mais ils peuvent atteindre Israël." Toujours selon cet expert, le groupe armé yéménite possède également des versions modifiées des missiles de croisière iraniens Qods, avec une portée de 1 650 km environ.

Les rebelles affirment produire eux-mêmes leurs drones qui, selon des experts, utilisent des composants iraniens importés illégalement. Mais ils disposent également de drones d'attaque Shahed-136, d'une portée de 2 000 km et qui sont aussi utilisés par la Russie dans sa guerre en Ukraine, souligne Fabien Hinz. Ils ont aussi dans leur arsenal le Samad-3, doté d'une charge explosive de 18 kg et d'une portée d'environ 1 600 km, qui a déjà frappé des cibles aux Emirats et en Arabie saoudite, selon des experts.

Quelles sont les conséquences dans la région ?

"Les Etats-Unis et le Royaume-Uni doivent se préparer à payer un prix fort et supporter les lourdes conséquences de cette agression", a réagi le vice-ministre des Affaires étrangères des houthis, Hussein al-Ezzi, cité par les médias du mouvement. De son côté, l'Iran a condamné vendredi les frappes américaines et britanniques, y voyant une "action arbitraire" et une "violation flagrante de la souveraineté" du Yémen. Ces frappes auront "des répercussions sur la sécurité régionale", a également prévenu le Hamas, dans un communiqué publié sur la chaîne Telegram du mouvement islamiste palestinien.

Les Etats-Unis avaient déjà déployé des navires de guerre et mis en place en décembre une coalition internationale, "Prosperity Guardian" ("Gardien de la prospérité"), pour protéger le trafic maritime dans cette zone où transite 12% du commerce mondial. Depuis plusieurs semaines, les pays de l'UE étudient également la possibilité de déployer une force navale. Ils en discuteront la semaine prochaine, a appris l'AFP auprès de diplomates. L'Espagne a déjà fait savoir qu'elle ne rejoindrait pas l'initiative.

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