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Emmanuel Macron à Bagdad : l'Irak est un "État fragile, en situation de faillite", estime un chercheur

Le président de la République Emmanuel Macron a appelé l'Irak à "ne pas baisser la garde" face à Daech.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le Président français Emmanuel Macron et le Premier ministre irakien Mustafa al-Kadhemi lors d'une conférence de presse dans la capitale irakienne Badgad le 28 août 2021. (ELIOT BLONDET / POOL)

L'Irak est "dans le contexte d'un État fragile, en situation de faillite", affirme samedi 28 août sur franceinfo Adel Bakawan, directeur du Centre français de recherche sur l'Irak et chercheur associé à l'IRIS, alors qu'Emmanuel Macron est en déplacement à Bagdad le même week-end. Le président de la République, qui participe à une conférence régionale en plein retour des talibans au pouvoir en Afghanistan, appelle à "ne pas baisser la garde" face à Daech (acronyme arabe du groupe État islamique), auteur d'un double attentat meurtrier jeudi 26 août à l'aéroport de Kaboul.

franceinfo : Dans quel état se trouve la société irakienne aujourd'hui ?

Adel Bakawan : Le pays est fracturé, confessionnellement et éthniquement, que ce soit les chrétiens, les Yézidis, les sunnites, les chiites ou les Kurdes … L'Irak est en pleine division structurelle, sociétale. Dans le Sud, vous avez 75 organisations miliciennes qui ont le monopole de la violence. Dans le Nord, vous avez l'offensive turque. Au centre, vous avez le retour en force de l'organisation État islamique. Et à Bagdad, vous avez un Premier ministre qui ne peut pas déplacer un policier. Donc oui, nous sommes dans le contexte d'un État fragile, en situation de faillite.

À qui peut-on attribuer cette faillite ? Aux Occidentaux, à l'État irakien ?

Les deux. L'Irak se met en scène comme un acteur très fort pour faire parler des voisins, des antagonistes du système régional, comme par exemple l'Arabie saoudite et l'Iran, ou les Qataris et les Émiratis. Et à l'échelle internationale, la France et la Turquie. Mais, l'Irak est incapable de se parler, de s'écouter et de s'entendre, d'élaborer et de forger un contrat social qui fait fonctionner l'État. Aujourd'hui, l'État est bloqué, la société est bloquée. Et à l'échelle internationale, lorsque les Britanniques ont proclamé le Royaume d'Irak le 23 août 1921, ils ont imposé une formule contre la société, c'est-à-dire celle d'une petite minorité sunnite contre la majorité chiito-kurde. Cela n'a jamais fonctionné. Et lorsque les Américains sont arrivés en 2003, ils ont commis le même péché, la même erreur, en imposant encore une fois une formule qui ne fonctionne pas, depuis 2003 jusqu'à 2021.

La situation en Afghanistan se joue-t-elle aussi en Irak ?

Il y a des convergences et des divergences. La convergence, c'est un contexte de deux États occupés par les États-Unis en 2021, depuis 2001 et 2003. C'est aussi ce que les Américains ont mis en place, à savoir un système politique basé, à la fois en Afghanistan et en Irak, sur la systématisation de la corruption et la militarisation de l'État. Par contre, la grande divergence entre l'Irak et l'Afghanistan, c'est que vous n'avez pas, en Irak, un mouvement taliban qui peut monopoliser la violence sur la totalité du territoire national. Et si l'État islamique, bien évidemment, dispose d'une base sociale très solide dans des territoires sunnites, il ne pourra jamais déployer son monopole sur les territoires chiites du Sud et kurdes du Nord. La chance d'avoir un tel contrôle, nous l'estimons entre 1 et 5%.

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