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"On va reconstruire, jusqu'à la prochaine guerre" : à Gaza, les habitants, résignés, manquent de tout pour rebâtir leur maison

Trois mois après la guerre éclair qui a dévasté l'enclave palestinienne, les habitants ne voient toujours pas arriver l'aide pour reconstruire leur logement.

Article rédigé par franceinfo - Alice Froussard
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
Des ouvriers palestiniens retirent des débris de la tour Al-Daour, qui menace de s'effondrer, le 10 août 2021, après avoir été bombardé par les forces israéliennes en mai. (MOHAMMED ABED / AFP)

"On a des aides qui viennent d'organisations, c'est une aide d'urgence, du cash pour louer des maisons", raconte Yazeed Abu Safieh, 26 ans. "Mais ce qu'on attend, c'est que la reconstruction commence réellement." Il montre sur son téléphone des photos avant et après les derniers bombardements, en mai 2021. Onze jours de frappes israéliennes, qui avaient coûté la vie à 254 Palestiniens, dont 66 enfants. Son immeuble de sept étages, où il vivait avec sa famille à Sheikh Zayed, au nord de la bande de Gaza, a été réduit à l'état de gravats. Il dit avoir eu de la chance de ne pas avoir été là le soir du bombardement.

Trois mois après cette énième guerre éclair, qui a dévasté l'enclave côtière sous blocus israélien et égyptien, les habitants ne voient pas le début d'une quelconque reconstruction. Dans cette bande de terre palestinienne, où vivent deux millions de personnes, l'ambiance est plus que morose. Les habitants manquent de tout : argent, matériel, et coordination pour que les travaux débutent. "On a vu l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, le bureau des statistiques, énumère Yazeed. Des organisations sont venues, mais jusqu'à aujourd'hui, on n'a encore aucune idée de quand ça va commencer !" En attendant, lui et sa famille doivent louer de petits appartements pour se loger.

"Depuis 2014 et la précédente guerre, il y a des gens qui n'ont toujours rien reçu, et dont la maison n'a toujours pas été reconstruite."

Rafat, un habitant de Gaza

à franceinfo

Ce sentiment est dominant dans l'enclave palestinienne. Dans la ville de Gaza, partout, des habitations sont pulvérisées, des routes éventrées. Rafat Almajaydeh, 46 ans, adopte un ton plus cynique, se disant "qu'on va reconstruire, jusqu'à la prochaine guerre, qui nous ramènera des années en arrière, mais on va surtout attendre."

Le blocus israélien ralentit la reconstruction

Pour le moment, il y a surtout des bulldozers égyptiens, qui déblaient les gravats. Tout n'en est encore qu'à cette première étape. C'est le cas de la tour Jala, un des symboles de la guerre du mois de mai. Cet immeuble de treize étages, où vivaient des familles et où travaillaient différents médias internationaux, a été visé, et complètement détruit par l'aviation israélienne.

Son propriétaire, Jawad Mahdi, estime que la reconstruction est un enjeu beaucoup plus politique qu'économique : "Qui contrôle ? L'Égypte, Israël, le Hamas, l'Autorité palestinienne ? Pour reconstruire, c'est compliqué en plus à cause du blocus. Pour l'arrivée du matériel, qui n'existe pas à Gaza, et surtout pour l'argent."

"Si l'argent et le matériel étaient déjà sur place, cela ne prendrait qu'un an."

Jawad Mahdi, propriétaire de la tour Jala, détruite

à franceinfo

Jawad Mahdi craint de revivre la même situation qu'en 2014 : "Attendre six, sept ans pour reconstruire". Il manque en effet du béton, du ciment, du fer, du verre dans l'enclave côtière sous blocus. Depuis les onze jours de guerre, en mai, ils n'ont pas pu être importés à cause de la fermeture partielle du passage commercial israélien de Kerem Shalom.

Le voisin égyptien, sauveur attendu

À Gaza, l'influence du voisin égyptien se fait sentir, plus que jamais. Des panneaux immenses affichent le portrait d'Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien, et des drapeaux du pays sont visibles le long de la plage ou sur les machines de reconstruction. La plupart des habitants ont aussi en tête le défilé égyptien du 4 juin : des camions, bulldozers, tractopelles, et équipes de travailleurs entrant par Rafah pour superviser la reconstruction.

Le 4 juin, un convoi de bulldozers égyptiens est arrivé au poste-frontière de Rafah, pour aider les palestiniens à reconstruire la bande de Gaza.  (SAID KHATIB / AFP)

Jawal Mahdi assure qu'à Gaza, 80% des habitants espèrent que l'Égypte aura un rôle important, en raison de sa proximité géographique et de son influence dans la région. Quant aux promesses de dons, il y en a, mais il faudra beaucoup d'argent. Selon les experts des Nations unies, de l'Union européenne et de la Banque mondiale, les dommages sont estimés à 485 millions de dollars.

A Gaza, les habitants attendent la reconstruction - le reportage d'Alice Froussard

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