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Conflit israélo-palestinien : l'Egypte, médiateur incontournable

Face à l'impasse diplomatique pour mettre un terme au conflit entre Israéliens et Palestiniens, l'Egypte apparaît comme un médiateur incontournable. Son président Abdel Fatah al-Sissi est à Paris pour participer à des discussions. Il veut redonner un rôle d'influence à son pays dans les différends régionaux.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Face à l'impasse diplomatique pour mettre un terme au conflit entre Israéliens et Palestiniens, l'Egypte apparaît comme un médiateur incontournable. Ci-contre, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, en décembre 2020.  (MICHEL EULER / POOL / AFP)

L'Egypte parle indifféremment aux deux camps. Grande puissance régionale, alliée majeure des États-Unis, elle est à la fois interlocutrice d'Israël et soutien de l'Autorité palestinienne – elle possède d'ailleurs une frontière avec l'État hébreu comme avec la bande de Gaza. Le Caire, qui a régulièrement fait office de médiateur lors des crises précédentes, apparaît comme un interlocuteur clé dans ce nouveau conflit.

Un dialogue de 40 ans avec Israël

Le 26 mars 1979, à Washington, sous l'égide du président Carter, le président égyptien Anouar el Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin signent un traité de paix, le premier entre l'État hébreu et un pays arabe. Quinze ans avant la normalisation des relations avec la Jordanie et 40 ans avant le rapprochement avec les Émirats arabes unis !

L'Égypte, qui bénéficiait d'un certain leadership à l'époque de Nasser, se retrouve alors isolée, accusée de ne pas avoir suffisamment défendu les intérêts arabes, notamment sur la reconnaissance des droits des Palestiniens à l'autodétermination. La haine est telle qu'elle conduira à l'assassinat de Sadate en 1981. Et l'Egypte restera exclue de la Ligue arabe pendant vingt ans, jusqu'en 1989.

Malgré tout, au fil des ans, les deux voisins ont réussi à surmonter toutes les convulsions régionales. L'Egypte ne s'est jamais militairement impliquée dans le conflit israélo-palestinien. Elle a trouvé l'équilibre entre son opinion publique, largement solidaire des "frères" palestiniens, et l'intérêt de cette paix stratégique mutuelle, établissant des relations diplomatiques étroites grâce à son ambassade à Tel Aviv. Depuis son accession à la présidence en 2014, Al-Sissi a d'ailleurs rencontré plusieurs fois Benyamin Netnayahou – le plus souvent de manière assez discrète.

La coopération entre les deux voisins s'est par ailleurs considérablement renforcée ces dernières années, notamment dans le nord Sinaï (territoire occupé par Israël en 1967 lors de la guerre éclair des Six Jours, sur lequel l'Egypte a récupéré sa souveraineté en vertu de l'accord de 1979). Les forces de sécurité égyptiennes y sont régulièrement visées par des combattants jihadistes, dont une branche du groupe État islamique.

Israël n'a pas hésité à conduire plusieurs frappes aériennes pour soutenir son allié. Début 2018, le quotidien américain New York Times faisait état de dizaines de frappes visant l'État islamique dans le secteur.

Médiation inter-palestinienne

Dans cet exercice d'équilibre permanent, la semaine dernière le ministère des Affaires étrangères égyptien a condamné "fermement" la nouvelle incursion des forces israéliennes dans la Mosquée Al-Aqsa. Le président al-Sissi entretient d'excellentes relations avec Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, dont la légitimité auprès des Palestiniens est toutefois de plus en plus réduite. En revanche il est farouchement hostile au mouvement islamiste du Hamas, la branche palestinienne des Frères musulmans, qu'il cherche à affaiblir en Palestine comme dans son propre pays. C'est notamment pour ça qu'il a fait fermer la frontière avec Gaza (la seule ouverture qui ne soit pas contrôlée par Israël) et les tunnels de contrebande de Rafah qui servaient de passage pour le trafic d'armes.


Exceptionnellement, samedi 15 mai, Le Caire a toutefois laissé passer dix ambulances pour évacuer des Palestiniens blessés à Gaza et les faire soigner en Egypte. Sur le plan intérieur, le régime doit impérativement agir pour les "frères" palestiniens, thème qui reste extrêmement mobilisateur en Egypte, en dépit de la propagande d'État contre le mouvement islamiste.

Avant l'arrivée du maréchal Sissi à la présidence, l'Egypte a pourtant assumé un rôle de médiation entre les Palestiniens eux-mêmes. En 2005, par exemple, la déclaration du Caire permet de réformer l’OLP pour intégrer le Hamas et le Jihad islamique; des pourparlers ont lieu en 2008, 2010, 2011 et 2012. Sans oublier les accords de Gaza et du Caire de 2014, qui concernent la réconciliation entre Gaza et Ramallah, en plus de la conférence sur la reconstruction de Gaza qu’accueille alors la capitale égyptienne.

Qatar et Arabie Saoudite dans la partie

Mais aujourd'hui, dans le camp arabe, l'Egypte n'est plus la seule à jouer les médiateurs. L'Arabie saoudite mais aussi Le Qatar, proche du Hamas, déploient tous deux leurs efforts sur la scène diplomatique. Doha notamment dispose d'un représentant à Gaza, qui joue le rôle d'ambassadeur officieux. L'émirat est par ailleurs le principal contributeur financier de l'administration dans l'enclave palestinienne : un levier important pour tenter de faire entendre raison au Hamas.
Dès le 10 mai, c'est d'ailleurs avec l'aide de l'Egypte et du Qatar que l'ONU a amorcé une médiation pour obtenir une désescalade.

La Jordanie, mais aussi l'Allemagne et la France se sont rajoutées au club des négociateurs. Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, a très tôt indiqué devant le Sénat que la France soutenait une médiation égyptienne. La proposition de cessez-le-feu formulée dès mercredi par Le Caire n'a pas abouti, mais les discussions en coulisse continuent.

Une conférence sur l’allègement des dettes du Soudan ce lundi puis un sommet sur les économies africaines mardi permettent au président français de réunir à Paris une quinzaine de chefs d’État africains, plusieurs dirigeants européens et d’organisations internationales. Seront également représentés plusieurs États du Golfe. L'occasion pour Emmanuel Macron de rencontrer le président Fatah al-Sissi pour échanger sur le Proche-Orient. Selon les mots de l'Elysée, "l'objectif est de faire cesser la spirale de la violence, de soutenir la médiation de l'Egypte en cours et d'appeler à la retenue" au Proche-Orient.

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