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Ce que l’on sait du regain de tensions à la frontière entre le Kosovo et la Serbie

Des mesures visant la minorité serbe du Kosovo ont provoqué des heurts près de la frontière avec la Serbie. Sous la pression, Pristina a finalement reporté leur application.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des soldats de l'Otan patrouillent près de la frontière entre le Kosovo et la Serbie à Jarinje (Kosovo), le 2 octobre 2021, alors que des Serbes retirent les barricades dressées depuis plusieurs semaines.  (ARMEND NIMANI / AFP)

"Une atmosphère portée à ébullition" selon les mots du président serbe, Aleksandar Vucic. La tension entre la Serbie et le Kosovo est montée dimanche à la frontière entre les deux pays. La police kosovare dit avoir essuyé de coups de feu, des barricades ont été dressées sur des routes menant en Serbie et la circulation a été bloquée au niveau de deux postes-frontières du nord du Kosovo. Ces heurts interviennent plusieurs mois après d'intenses manifestations contre la politique frontalière du gouvernement kosovar. Après le recul de Pristina, les blocages ont été levés, lundi 1er août. Comment expliquer cette récente escalade ? Franceinfo résume ce que l'on sait de la situation.

Une situation "tendue" dans les villes du nord du Kosovo

"La situation sécuritaire dans les municipalités du nord du Kosovo est tendue", a expliqué la mission de l'Otan au Kosovo (Kfor) dans un communiqué publié dimanche soir. La police kosovare avait assuré plus tôt avoir essuyé des coups de feu et des barricades étaient dressées sur des routes menant en Serbie, afin de protester contre la politique frontalière du gouvernement. 

Dimanche soir, des centaines de Serbes du Kosovo – population résidant au Kosovo mais ne reconnaissant pas l'autorité du gouvernement kosovar – ont massé camions, camions-citernes et autres véhicules lourds sur les routes menant aux points de passage de Jarinje, dans la ville de Leposavic, et Brnjak, deux postes-frontières du nord du pays. Une foule s'est installée autour des barricades, avec l'intention affichée d'y passer la nuit. Des bruits de sirène ont également pu se faire entendre pendant plus de trois heures dans la ville de Mitrovica, dans le nord du pays, selon l'agence Reuters. 

Un regain de tension lié à de nouvelles règles d'entrée

A l'origine de ces tensions, de nouvelles règles d'entrée au Kosovo, qui devaient entrer en vigueur lundi, et selon lesquelles toute personne entrant dans le pays avec une carte d'identité serbe doit disposer d'un document temporaire pendant son séjour. A ce sujet, le Premier ministre Albin Kurti avait précisé qu'il s'agissait d'une mesure de réciprocité face à la décision de la Serbie d'en exiger autant des Kosovars qui entrent sur son territoire.

Le gouvernement kosovar avait par ailleurs donné deux mois aux Serbes du Kosovo pour remplacer les plaques d'immatriculation serbes de leurs véhicules par des plaques de la République du Kosovo.

Des règles reportées à l'initiative de Washington

Le gouvernement du Kosovo a finalement décidé de repousser d'un mois l'entrée en vigueur de ces nouvelles règles à la frontière avec la Serbie. Elles seront appliquées à partir du 1er septembre. 

Ce report a été annoncé à l'issue d'une rencontre avec l'ambassadeur des Etats-Unis au Kosovo, Jeffrey Honevier. La décision a été saluée par le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, sur Twitter, appelant à la "levée immédiate de tous les barrages".

Les protestataires ont dans la foulée démonté les barricades et retiré les camions et autres véhicules lourds qui bloquaient l'accès aux postes frontaliers avec la Serbie.

Une politique frontalière contestée depuis plusieurs mois

Cette escalade des tensions renvoie à une politique frontalière du gouvernement kosovar qui avait déjà été contestée quelques mois plus tôt. En septembre 2021, le nord du Kosovo avait été le théâtre de vives tensions et de manifestations quotidiennes lorsque le gouvernement de Pristina avait décidé une première fois d'interdire les plaques d'immatriculation serbes sur son territoire. 

Les autorités kosovares avaient alors déployé des forces spéciales de la police pour faire appliquer la loi en question, mettant le feu aux poudres dans la région. La circulation avait notamment été bloquée aux deux postes-frontières alors que de nombreux Serbes avaient bloqué les routes d'accès au Kosovo et incendié plusieurs bâtiments dont un poste de douane. Face à ces tensions, l'Otan avait réagi en intensifiant sa présence dans la région, expliquait France 24. 

La Serbie n'a jamais reconnu l'indépendance du Kosovo depuis qu'elle a été proclamée unilatéralement en 2008. De même, les Serbes du Kosovo restent loyaux à Belgrade dont ils dépendent financièrement.

Le président serbe Aleksandar Vucic a déclaré, dans un discours à la nation dimanche, que la situation au Kosovo n'avait "jamais été aussi complexe" pour la Serbie et les Serbes qui y vivent. "L'atmosphère a été portée à ébullition", a-t-il poursuivi, ajoutant que "la Serbie gagnera" si les Serbes sont attaqués. De son côté, Albin Kurti a accusé le président serbe de déclencher des "troubles"

L'Otan prête à intervenir dans la région

Face à cette escalade, la mission de l'Otan chargée d'assurer la stabilité dans la région depuis 1999 s'est dite prête à intervenir si nécessaire. L'alliance a rappelé sa forte présence sur place et a précisé être en contact avec les représentants des autorités kosovares et le département de la défense serbe. 

Elle a également précisé qu'elle continuait de "soutenir pleinement le processus de normalisation entre Pristina et Belgrade" et appelait  "toutes les parties à poursuivre les négociations". En 2011, les deux pays ont engagé un dialogue pour tenter de résoudre leurs points d'achoppement en vue d'une possible future adhésion de la Serbie à l'Union européenne, mais depuis, aucun progrès majeur n'a été observé.

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