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Laurent Fabius en Iran : Paris met la balle dans le camp de Téhéran
Plus politique qu’économique, la visite de Laurent Fabius en Iran, la première d’un chef de la Diplomatie française depuis douze ans, s’apparente à une mission délicate, voire quasi-impossible. Dans la foulée de l’accord sur le nucléaire iranien, la France reste dans une logique «de respect et de relance» des relations avec la République islamique, mais l’appelle à agir pour un monde plus sûr.
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Moins de trois semaines après la signature à Vienne de l’accord du 14 juillet sur le nucléaire iranien, le ministre français des Affaires étrangères s’est rendu à Téhéran pour une visite qu’il insiste à qualifier de politique.
Bien que critiqué pour son intransigeance dans la dernière ligne droite des longues et laborieuses négociations sur le programme nucléaire, Laurent Fabius a résumé en deux termes le sens et l’état d’esprit dans lequel il accomplit cette visite: «Le respect et la relance.»
Il s’est dit également porteur d’une invitation de François Hollande à son homologue Hassan Rohani «à se rendre en France, s’il le veut bien, au mois de novembre».
Certes, avec «la nouvelle donne, la levée des sanctions, la France a l’intention, si l’Iran le veut bien, d’être davantage présente dans toute une série de domaines, politiques, économique et culturel», a encore dit Laurent Fabius.
Et, outre la visite d’une importante délégation économique annoncée pour septembre, les constructeurs automobiles français PSA et Renault ainsi que d’autres entreprises de l’Hexagone se préparent à la réouverture du marché iranien. Mais les choses n’en sont pas encore là.
Une visite précédée d'attaques personnelles des conservateurs
Mais ce premier déplacement en Iran d’un ministre français des Affaires étrangères depuis douze ans a toutefois été précédé d’une salve d’attaques personnelles émanant des milieux conservateurs. Opposés à cette visite, ils ont souhaité rappeler à Laurent Fabius l’affaire du sang contaminé à l’époque où il était Premier ministre de François Mitterrand et réclament des dédommagements pour les 300 Iraniens qui ont contracté le sida ou l’hépatite C suite à des transfusions.
D’autres contentieux tels que les ventes d’armes à Saddam Hussein en pleine guerre Irak-Iran, l’asile accordé aux opposants des Moujahidines du peuple sur le sol français ou le contentieux du prêt Eurodif accordé en 1974 à Paris à l’époque du Chah, sont également remontés à la surface laissant penser que le chemin de la normalisation reste semé d’embûches.
Côté français, Laurent Fabius ne s’est pas privé de défendre «l’attitude constante, ferme et constructive de la France dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire» et d’insister sur «le respect que "nous" devons aux engagements pris» lors de l’accord conclu avec les 5+1.
De vieux contentieux qui remontent à la surface
Il faut dire que les contentieux ne sont pas à sens unique et que Paris se souvient encore des prises d’otages, dans les années 80, de journalistes et diplomates au Liban par l’organisation du Djihad Islamique, ancêtre de l’actuel Hezbollah et œuvrant déjà pour le compte de Téhéran et Damas à la fois.
En mémoire également, trois vagues d’attentats à Paris qui feront une vingtaine de morts et 400 blessés et une piste menant à Wahid Gordji, traducteur à l’ambassade d’Iran, ainsi que l’assassinat en août 1991 à Suresnes de Chahpour Bakhtiar, dernier Premier ministre du Chah, malgré le déplacement à Téhéran de Roland Dumas, chef de la Diplomatie française à l’époque en mission d’apaisement.
«Nous voulons agir pour un monde plus sûr. L’Iran doit savoir y prendre sa part», a écrit Laurent Fabius dans une tribune parue dans Iran daily le jour même de sa visite. Une manière diplomatique de dire que Paris attend de Téhéran qu’il se conforme à l’accord sur le nucléaire mais aussi d’appuyer la demande de changement d’attitude formulée par le président français au président iranien.
«L’Iran doit être un pays qui apporte des solutions», a déclaré François Hollande devant la presse présidentielle avant cette visite, évoquant le Liban, la Syrie, le Yémen et Bahreïn.
Quatre pays où Téhéran a de l’influence et avec lesquels le guide suprême Ali Khamenei a déjà prévenu qu’il ne changerait pas de politique.
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