Contre le harcèlement sexuel le jour de l'Aïd au Caire
La fin du ramadan ou l'Aïd el-Fitr est un moment festif pour les Cairotes. Une période propice au harcèlement. Pour y faire face, des patrouilles seront présentes dans le métro. «Tout le monde sort pour faire la fête et c'est là où le pire arrive», témoigne Nihal Saad, une militante des droits des femmes, âgée de 27 ans, qui fera partie des groupes mobilisés ce week-end.
Pour la première fois, des bénévoles se sont donnés pour mission de dissuader les agresseurs. «La police ferroviaire et la Société d'exploitation du métro nous soutiennent. Ils ne fourniront pas d'effectifs mais ils seront là en cas de problème», affirme cette informaticienne.
«On ne pourra évidemment pas empêcher toutes les attaques, mais si quelqu'un appelle à l'aide, nous pourrons intervenir et amener l'agresseur aux forces de l'ordre. La victime pourra alors décider si elle exige uniquement une excuse de sa part ou si elle veut porter plainte». Des ateliers seront également mis en place pour expliquer aux femmes que faire en cas de difficultés.
«Nous ne sommes pas très nombreux, à peine une trentaine, mais on espère apporter notre pierre à l'édifice», explique la jeune Cairote. La tâche de ces bénévoles s'annonce ardue, trois millions de personnes prennent ce métro au quotidien. La fréquentation est bien sûr plus importante en ce jour de fête.
Grâce à leur action, les bénévoles souhaitent diminuer les violences dont ils ont été témoins et victimes les années précédentes, notamment, en 2006. Des centaines de femmes avaient alors été agressées après un mois de jeûne, à la fin du ramadan.
Seuls quelques blogueurs avaient relayé photos et témoignages de viols, attouchements et insultes. Les grands médias s'étaient ensuite emparés de cette énorme affaire qui a fait la Une pendant presqu'un mois. Ce scandale a marqué la population sans pour autant changer la donne.
Un climat de violence
Les femmes du Caire doivent supporter tous les jours des gestes déplacés, des regards libidineux ainsi que des injures, encore plus dans les transports où la promiscuité permet aux mains baladeuses d'agir en toute impunité.
Le film du réalisateur égyptien Mohamed Diab, les Femmes du bus 678, montre bien ce phénomène : trois femmes issues de milieux très différents sont confrontées à ce problème. Ce long-métrage raconte comment leurs vies sont bouleversées par ces hommes qui agissent sans ménagement.
Le journal Egypt Independent a publié en 2011, une liste d'astuces auxquelles les femmes ont recours pour mieux endurer le harcèlement constant : porter des lunettes de soleil pour éviter tout contact visuel, privilégier la voiture…
«Les hommes n'abusent pas de nous parce qu'ils sont frustrés, ils le font parce qu'ils veulent se convaincre qu'ils sont supérieurs à nous», pense Nihal Saad.
Ce climat d'insécurité a même gagné l'emblématique place Tahrir où plusieurs journalistes étrangères ont été violées ou harcelées. Les Egyptiennes n'y échappent évidemment pas.
Deux journalistes ont été agressées place Tahrir. Euronews 24 novembre 2011.
«Ils prenaient du plaisir à nous faire du mal»
Dans une autre interview, Nihal Saad raconte comment elle et deux copines y ont été agressées. «Ils ne comprenaient pas quand on leur disait "non c'est non", ils continuaient à nous peloter comme s'ils étaient drogués. Ils prenaient du plaisir à nous faire du mal. Nous ne sommes mêmes pas allées voir la police, on sait que cela ne sert à rien».
En effet, les autorités semblent ignorer l'enfer que vivent les Cairotes. Pour pallier leur défaillance, des associations lancent régulièrement des campagnes pour essayer de lutter contre cette plaie. Ainsi, des manifestations sont organisées par des militants des droits de l'homme auxquelles Nihal Saad participe.
Les Cairotes, victimes de cette violence, voyagent pourtant dans des wagons séparé de ceux des hommes. Comme elles, les Indiennes et les Mexicaines ont des transports en commun qui leur sont destinés. Et à Istanbul, les Turques se promènent avec des épingles pour piquer les hommes indélicats dans le tram.
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