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Ce que l'on sait de la situation de l'ex-otage française Sophie Pétronin, de retour au Mali un an après sa libération

Les autorités maliennes ont lancé un avis de recherche visant l'humanitaire. Mais un journaliste proche de la famille assure que Bamako était informée de son retour dans le pays en mars dernier. L'ancienne otage a confirmé à l'AFP sa présence au Mali.

Article rédigé par franceinfo
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L'ex-otage Sophie Pétronin donne une conférence de presse après sa libération, en présence de son fils Sébastien, le 8 octobre 2020 à Bamako (Mali). (AFP)

Enlevée par des jihadistes à Gao, détenue pendant quatre ans dans le nord du Mali, libérée en octobre 2020, la Française Sophie Pétronin fait désormais l'objet d'un avis de recherche des autorités maliennes, diffusé vendredi 29 octobre. Cette étrange communication du Mali révèle aussi au grand public le retour de Sophie Pétronin dans ce pays, où elle a vécu 25 ans. Elle y est rentrée clandestinement en mars et vit depuis à Bamako, la capitale, selon les informations recueillies par la rédaction internationale de Radio France.

Une situation que les autorités maliennes et françaises connaissaient, affirme Anthony Fouchard, un journaliste devenu proche de l'humanitaire. Sophie Pétronin a d'ailleurs elle-même confirmé à l'AFP qu'elle se trouvait dans le pays. "Je suis chez moi ici", a-t-elle affirmé mercredi 3 novembre. L'exécutif français a déploré ce retour au Mali, dénonçant par la voix de son porte-parole Gabriel Attal une "forme d'irresponsabilité" vis-à-vis de "sa sécurité" mais aussi "de la sécurité de nos militaires"Franceinfo vous résume ce que l'on sait de cette affaire complexe. 

Elle avait été libérée dans le cadre d'un échange de prisonniers

Sophie Pétronin avait été enlevée le 24 décembre 2016 à Gao, dans le nord du Mali, où elle dirigeait une organisation d'aide à l'enfance. Elle a passé près de quatre ans aux mains du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, une alliance de mouvements islamistes armés maliens sous l'égide d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Les conditions de sa libération, le 8 octobre 2020, ont fait couler beaucoup d'encre. Trois autres otages ont été relâchés simultanément, deux Italiens et l'opposant malien Soumaïla Cissé, enlevé en pleine campagne présidentielle. Quelques jours plus tôt, les autorités maliennes avaient libéré environ 200 jihadistes de leurs prisons, dont plusieurs figures importantes impliquées dans des attentats. Un de ces jihadistes avait par la suite affirmé à une télévision algérienne qu'une rançon avait également été versée, ce qui n'a jamais été confirmé.

La France, tout en se réjouissant de la libération de Sophie Pétronin, avait démenti toute implication et marqué ses distances avec le choix de cet échange de prisonniers.

Elle est retournée au Mali pour rejoindre sa fille adoptive

Sophie Pétronin se trouve bien aujourd'hui au Mali. Après avoir "vécu avec elle du jour de sa libération jusqu'à son départ", le journaliste Anthony Fouchard, auteur d'un livre sur la détention de la Française, a expliqué à franceinfo ne pas être surpris de la voir retourner au Mali.

"Sa vie ces 25 dernières années a été consacrée au Mali, elle a sa fille adoptive qui y est toujours et elle avait à cœur de la retrouver", a-t-il détaillé. Sophie Pétronin n'avait pas pu revoir la jeune femme, désormais âgée de 19 ans, à sa libération, ce qu'elle a vécu "comme une brutalité sans nom" selon le journaliste.

Rapatriée en France, l'ex-otage s'était ensuite installée en Suisse où vit son fils Sébastien. Dans un article pour Mediapart, Anthony Fouchard explique que ce nouveau contexte pesait également sur le moral de Sophie Pétronin. Il lui rappelait la mort en 2002 de son deuxième fils, dans un accident de montagne en Suisse, un drame qui avait entraîné sa décision de s'installer au Mali.

"Elle dépérissait de jour en jour et avait des pensées très noires pour une femme de 76 ans", a témoigné le journaliste sur franceinfo. Selon les informations de Radio France, elle avait même évoqué à plusieurs reprises devant sa famille la possibilité de mettre fin à ses jours, ce qui a poussé son fils Sébastien à accepter de l'aider à retourner au Mali.

Elle est entrée dans le pays illégalement

Selon les informations de Radio France, Sophie Pétronin a tenté d'obtenir un visa de séjour au Mali, qui lui a été refusé. Elle est entrée dans le pays en mars dernier par la route, avec son fils, depuis le Sénégal où elle était arrivée en prétextant un voyage touristique.

Dans son récit publié par Médiapart, Anthony Fouchard explique que les deux Français ont été reconnus à la frontière par les forces de l'ordre du Sénégal et du Mali. Ils ont néanmoins pu entrer dans le pays, en échange de "quelques billets" côté malien.

La communication du Mali interroge

Vendredi 29 octobre dans la soirée, la direction générale de la gendarmerie malienne a diffusé en interne un avis de recherche visant Sophie Pétronin, que Radio France a pu authentifier, et qui a fini par être partagé sur les réseaux sociaux. Le document  demande aux forces de l'ordre de la localiser, l’appréhender et "la conduire sous bonne escorte" à Bamako. Cet avis affirme en outre qu'elle a été localisée dans la région de Sikasso, dans le sud du pays.

Anthony Fouchard dit pourtant avoir pu joindre la Française mardi 2 novembre, et qu'elle lui a assuré ne jamais s'être rendue dans cette région. "Les autorités maliennes, suisses, françaises étaient au courant de la présence de Sophie Pétronin" dans la capitale, affirme par ailleurs le journaliste, qui raconte sur Mediapart qu'elle a été identifiée à chaque frontière qu'elle a franchie lors de son périple. Selon les informations de Radio France, elle avait également prévenu de son retour une figure religieuse très influente dans le pays, l'imam Mahmoud Dicko.

On ignore pourquoi les autorités maliennes ont choisi de lancer cet avis de recherche, dont la fuite sur les réseaux sociaux a révélé au grand public la situation de Sophie Pétronin. "Nous avons des préoccupations et des questions à lui poser", se contente de commenter le ministère de la Sécurité publique du Mali, auprès de Mediapart. "Le seul élément politique que l'on peut mettre en avant, c'est cette brouille entre les autorités françaises et maliennes" au sujet de la réduction de la présence militaire de la France au Mali, avance Anthony Fouchard. Le journaliste estime que Sophie Pétronin court peu de risques en vivant à Bamako, loin de la zone où elle avait été enlevée. "Même si c'est une capitale touchée par le terrorisme, on peut encore y vivre en tant que ressortissant étranger."

Elle estime être "chez elle" au Mali

Sophie Pétronin a confirmé à l'AFP, mercredi 3 novembre, qu'elle se trouvait au Mali et a paru corroborer qu'elle vivait dans les faubourgs de la capitale Bamako. "Oui, je suis au Mali depuis un moment. Mais je ne suis pas inquiète et je ne suis pas inquiétée", a-t-elle dit, semblant étonnée du bruit causé par son retour.

Alors que le gouvernement français lui a reproché mercredi une "forme d'irresponsabilité", la Française s'est défendue d'avoir mis en danger sa sécurité en retournant au Mali, où elle a été détenue pendant près de quatre ans. "Pourquoi irresponsable ? Je suis chez moi ici, a-t-elle déclaré lors d'un appel avec un correspondant de l'AFP. Je me porte bien. Et je suis heureuse d'être là où je suis. Je n'embête personne et personne ne m'embête." 

Elle a précisé ne pas savoir "si [elle était] recherchée et pourquoi". Elle a par ailleurs insisté pour qu'on "laisse [ses] proches tranquilles".

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