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Et si Venise devenait indépendante?

Les nostalgiques de la Sérénissime retrouvent du baume au cœur. 89% des habitants de Venise ont dit «oui» à une éventuelle indépendance de la Vénétie, lors d'un référendum sans valeur légale. Et si les mouvements indépendantistes retrouvaient un nouveau souffle en Europe?
Article rédigé par Valerie Kowal
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Les Vénitiens ont voté le 22 mars 2014 lors d'un réferendum «illégal» pour leur indépendance. (AFP/Olivier Morin)

Luca Zaia, le président de la Région se frotte les mains. Il est l'un des instigateurs de la consultation en faveur d'une sécession voulue par des mouvements et des partis séparatistes, dont la ligue du Nord et Independenze Veneta. Lancé par un comité baptisé Plebiscito, le résultat massif en faveur du «oui» n' a aucune conséquence juridique ou politique. Pour l'instant. Car une deuxième phase pourrait être envisagée : la saisie du Conseil régional puis du Parlement national pour organiser cette fois un référendum officiel. 

Selon les instigateurs de ce mouvement, le nouveau pays pourrait s'inspirer de la République de Venise, née au Moyen Age et grande puissance économique et politique jusqu'à sa chute face à Napoléon Bonaparte en 1797. Interrogé par l'AFP quelques jours avant le scrutin, Luca Zaia s'indignait contre le pouvoir central : «Rome pense toujours qu'elle est à la tête d'un empire et nous considère comme étant à la périphérie de cet empire.» Et d'ajouter: «Nous autres, Vénitiens, avons la sensation de ne servir qu'à payer des impôts.»


Cette volonté de séparatisme s'appuie donc d'abord sur une grogne fiscale. La Vénétie contribue à hauteur de 41 milliards d'euros au budget de l'Etat italien. Sur cette question, Lodovico Pizzati, le porte-parole du mouvement indépendantiste s'enflamme dans les colonnes du Telegraph :«Nous avons des juristes qui préparent une déclaration d'indépendance et nous avons aussi des hommes d'affaires qui ont déjà déclaré qu'ils commenceront à payer les taxes aux autorités locales plutôt qu'à Rome». Gianluca Busat, l'organisateur du scrutin, fait de la surenchère dans une interview accordée au quotidien the Scotman«Si nous étions indépendants, nous serions le 7e Etat européen le plus riche en terme de PIB par habitant.»

Un deuxième phénomène vient se greffer: la différence de développement entre le Nord et le Sud. Moins puissant industriellement que par le passé, le Nord souffre aujourd'hui d'un niveau de chômage très élevé. Et la fibre sentimentale et culturelle vient s'ajouter à ce mille-feuilles indépendantiste. «Ni l'histoire de la République de Venise, ni la langue vénitienne ne sont plus enseignées dans les écoles. L'Etat a effacé notre identité», déclarait récemment à l'AFP, le responsable du parti de l'Indépendance, Nicola Gardin.

Dernier coup d'éclat, le 2 avril, les gendarmes arrêtent 24 personnes appartenant à la mouvance séparatiste dans plusieurs villes de Vénétie. Elles sont soupçonnées d'avoir projeté plusieurs actions violentes en Italie. Terroristes ou simples illuminés? En tout cas un mauvais remake du film de Mario Marcelli, Nous voulons les colonels, dans lequel une bande de bras cassés d'extême droite prépare un coup d'Etat en Italie. Quoiqu'il en soit, les gendarmes découvrent, début avril, un tracteur transformé en char d'assaut dans un hangar près de Padoue. L'engin, armé d'un canon de 12 millimètres de calibre, devait servir à accomplir une «action spectaculaire» à Venise, place Saint-Marc, le 25 mai. Le jour des élections européennes.

La prise de la célèbre place devait marquer la proclamation de l'indépendance de la Vénétie. Selon Il Corriere della Sera, «il est difficile d'envisager le projet insurrectionnel du groupuscule comme quelque chose de grave et de sérieux». Pourtant, les services antiterroristes s'inquiètent. D'après le magistrat chargé de l'enquête, les actions envisagées étaient tout sauf symboliques : «Ils projetaient une sédition d'une ampleur bien plus grande, en coordination avec d'autres mouvements séparatistes.»

Il Fatto Quotidiano ajoute une pièce dans le dossier: le groupe aurait tissé des liens avec la mafia Albanaise pour se fournir en armes légères. On ne peut donc pas sous-évaluer l'impact des arrestations et du référendum. «La Vénétie a valeur de sismographe des grands changements et des crises politiques de l'Italie», rappelle le politologue Ilvo Diamanti dans La Repubblica. Luca Zaia s'était d'ailleurs emporté lors d'un entretien à l'AFP et avait prévenu: «Si Barcelone obtient l'indépendance, la Vénétie pourrait adopter la même méthode pour l'obtenir. Nous avons frappé poliment à la porte du fédéralisme, mais elle ne s'est pas ouverte. Maitenant on va casser la porte.»

Et cette tendance séparatiste n'est pas isolée en Europe. On pense bien sûr à la Crimée qui a rejoint la Russie, mais aussi aux velléités d'indépendance en Catalogne et en Ecosse où un référendum est prévu le 18 septembre 2014. Mais il reste de la marge avant de faire renaître le mythe de l'éternelle Sérénissime, la République Vénitienne toute puissante et respectée.

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