Municipales à Rome : le Mouvement 5 étoiles, un favori au bilan peu reluisant
Après avoir fait son entrée au Parlement, ce parti anti-système, fondé par l’humoriste Beppe Grillo, pourrait remporter la mairie de Rome le 19 juin. Mais les résultats qu'il a obtenus jusqu'ici dans les villes qu'il dirige sont peu probants.
Les réseaux d'eau potable, les transports durables, le développement, la connectivité et l'environnement : tels sont les cinq piliers du programme du M5S (Mouvement 5 étoiles), et ce que symbolisent les étoiles qui ont donné son nom au parti. Défendant la démocratie participative, en particulier sur internet, le nouveau parti attire les jeunes. Il a largement profité du vide lié à l’absence de relève à droite après les années Berlusconi, et a su pointer le laisser-aller de certains élus. Ce dimanche 19 juin, le M5S est favori pour remporter la mairie de Rome au second tour des municipales, avec sa candidate, la jeune avocate Virginia Raggi.
Mais ce mouvement anti-élites, anti-européen, plutôt anti-immigrés, surfe surtout sur la vague de peur d’un effondrement social et de la crise économique. Il est entré massivement au Parlement en 2013 et a pris la tête de plusieurs villes, notamment Parme et Livourne. L'occasion de se pencher sur sa pratique du pouvoir.
Un bilan mitigé au Parlement
Mené par le comique génois Beppe Grillo, le M5S envoie en 2013 163 députés à l'Assemblée, alors qu'il participe pour la première fois à une élection. Ses trois mots d'ordre : réduire le train de vie des politiques, instaurer un revenu minimum et renforcer le soutien aux petites entreprises grâce aux micro-crédits. Mais depuis trois ans, les grillinis brillent surtout par leurs obstructions au Parlement, le blocage de réformes et des nominations.
Dans un Parlement avec deux chambres aux pouvoirs égaux, composé de 934 élus (630 députés et 304 sénateurs), le poids du parti ne dépasse pas les 20% des mandats. D'où l'impératif de faire une alliance pour avoir un réel impact et réaliser les réformes prévues dans le programme du M5S. Or le parti s'est jusqu'à maintenant toujours opposé à cette option.
Lorenzo De Sio, professeur à l'université Luiss de Rome, le justifie au journal La Croix par l'idée que, pour un parti, "être dans l’opposition, c’est toujours plus confortable que gouverner ; mais ça l’est encore plus pour un mouvement jeune qui fonde son succès sur le rejet systématique de la classe dirigeante traditionnelle et le rêve de la démocratie participative comme unique bouée de sauvetage pour les Italiens déçus de la politique."
De nombreux partisans du Mouvement 5 étoiles ont l'ardent désir de réformer le système politique italien, considéré comme injuste. Dans cette optique, ils ont été nombreux à réclamer une alliance avec le centre gauche. Et ces militants ont été particulièrement déçus quand, en février 2013, le parti a laissé filer l'occasion, en refusant de voter la confiance à un gouvernement conduit par le leader démocrate Pier Luigi Bersani.
Exclusions en rafales
Outre le refus catégorique de former des alliances, la stratégie d'opposition systématique pose question. Cas d'école : la loi autorisant l'union civile pour les couples de même sexe. Les députés M5S ne l'ont pas votée alors que les militants la soutenaient.
Malgré cela, le groupe parlementaire du Mouvement 5 étoiles prend des initiatives sur ses sujets de prédilection, notamment pour rendre les administrations italiennes plus transparentes. Reste que le caractère très composite du mouvement provoque des déchirements dans le groupe. En trois ans, sur les 163 élus, environ 20 ont rejoint les rangs du Parti démocrate (centre gauche) ou ont été mis au ban par le M5S.
"Beppe Grillo dirige le M5S d'une main de fer, il a exclu beaucoup de personnes", explique Marc Lazar, professeur d'histoire et de sociologie politique à Science Po et à l'université Luiss de Rome au Figaro. De nombreuses radiations ont été prononcées : tous ceux qui s’exprimaient dans les médias italiens sans avertir la direction du M5S ont été déclarés dissidents. La tension entre réalistes et idéologues cause en effet des problèmes au sein du parti. De plus, depuis la mort de l'éminence grise du M5S, Gianroberto Casaleggio, en avril 2016, et le relatif retrait du leader Beppe Grillo, qui a repris ses spectacles, nul ne sait qui assurera la relève pour permettre au mouvement de s’enraciner dans le panorama politique italien.
Déception à Parme et à Livourne
Les jeunes cadres de M5S se veulent des chevaliers blancs sans passif politique, dans un pays rongé par la mafia et les scandales de corruption. C'est sur ce principe qu'ont été élus des maires M5S à la tête de deux grandes villes du nord du pays, Parme (187 000 habitants) et Livourne (160 000 habitants), respectivement en 2012 et en 2014.
Mais après ces quelques années d'exercice du pouvoir, le bilan est contrasté. A Livourne, la nouvelle municipalité s’est montrée incapable de gérer la ville. Après avoir fait campagne sur la transparence, le maire Filippo Nogarin fait désormais l'objet d'une enquête pour des infractions administratives, ce qui ternit encore un peu plus l'image anti-système du mouvement. "L’exemple de Livourne prouve qu’une fois au pouvoir, les grillini ne savent pas gouverner !" s'est même emporté le député démocrate livournais Andrea Romano.
Malgré cela, la direction du M5S se montre compréhensive à son égard, alors que le maire de Parme, Federico Pizzarotti, plus autonome et critique, est lui en voie d’exclusion. Une fois aux commandes, Federico Pizzarotti a pris ses distances avec le M5S. Tout comme son camarade de Livourne, l'élu est déjà visé par une enquête judiciaire pour sa responsabilité dans le manque d'anticipation des inondations qui ont provoqué d'importants dégâts à Parme en 2014.
Le M5S semble, en plus, avoir davantage de mal à recruter. Il n'a présenté de candidats que dans 18% des 1368 communes concernées par les municipales de ce mois de juin 2016. Le M5S table maintenant sur une victoire symbolique, ce dimanche 19 juin à Rome, pour renforcer sa crédibilité et ses chances de gouverner un jour au niveau national.
Si elle est élue, leur candidate, Virginia Raggi, 37 ans, aura la lourde tâche de démontrer que le M5S est assez mûr pour gouverner une ville de près de trois millions d'habitants, réputée ingérable et croulant sous une dette de 12 milliards d'euros. Une mission impossible ?
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