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Italie : Pier Luigi Bersani, d'une campagne d'équilibriste à un résultat en demi-teinte

Les élections législatives s'achèvent lundi en Italie. En découlera le nom du successeur de Mario Monti au poste de président du Conseil. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le candidat du Parti démocrate (PD), Pier Luigi Bersani, en meeting à Florence (Italie), le 1er février 2013. (ANDREAS SOLARO / AFP)

Il avait une autoroute devant lui, mais à l'issue des législatives en Italie, lundi 25 février, Pier Luigi Bersani pourrait bien se retrouver au bord du chemin. S'il accède à la présidence du Conseil, le candidat de la coalition de centre-gauche du Parti démocrate (PD) aura fini la course talonné par ses rivaux, après avoir bénéficié d'une large avance dans les sondages.

En fonction des estimations à la sortie des urnes, sa coalition est donnée tantôt triomphante, raflant la Chambre des députés et le Sénat, tantôt doublée à la chambre haute par le Peuple de la liberté de Silvio Berlusconi et talonnée par le parti de l'humoriste Beppe Grillo. Ces résultats, à manier avec précaution, viennent conclure trois mois de campagne sur le fil.

Un candidat "normal" face à des bêtes de scène

Manteau noir, pull en laine bleu ciel sur une chemise blanche : en tenue décontractée et accompagné de sa femme et de leurs deux filles, Pier Luigi Bersani, 61 ans, a mis son bulletin dans l'urne dimanche. Contrairement à Beppe Grillo, le candidat humoristo-populiste du Movimento 5 Stelle (Mouvement 5 étoiles, "M5S"), il n'a pas rassemblé ses supporters pour une ultime fiesta vendredi soir. Il n'a pas non plus, comme son rival du centre-droit, Silvio Berlusconi, essuyé les foudres des militantes féministes de Femen, venues troubler le vote du Cavaliere, habitué des affaires de mœurs. Pier Luigi Bersani est bien trop "normal" pour cela.

Pier Luigi Bersani, sa femme et leurs filles se rendent à leur bureau de vote à Piacenza, en Emilie-Romagne (Italie), le 24 février 2013.  (ALBERTO LINGRIA / AFP)
 

Grand pragmatique, soutenu par François Hollande, Pier Luigi Bersani a défendu sans faire de vagues son "Italie juste" et promis, entre autres, l'adoption d'une loi anticorruption, la primauté du droit du sol sur le droit du sang pour l'obtention de la nationalité italienne, des encouragements à la parité ou encore l'instauration d'un impôt sur la fortune pour compenser une baisse de la TVA et de l’impôt sur le revenu.

Mais, plus que son positionnement politique, les commentateurs ont retenu une chose : Bersani n'est pas franchement un amoureux des caméras. A tel point que le correspondant du Monde à Rome a évoqué en janvier un candidat "fantôme". "On finirait presque par croire qu’il a disparu de la circulation", écrit-il sur son blog, pendant que ses adversaires "se vautrent littéralement sur tous les écrans". "Le secrétaire du PD a beau être compétent, préparé, sérieux, fiable, il ne passe pas bien", écrit le site d'information italien Linkiesta, traduit par Courrier international, qui énumère les erreurs du candidat.

En tête des sondages avec 35,8% des intentions de vote, le PD a mené une campagne discrète, non pas destinée à conquérir, mais à se ménager une confortable avance. Il aurait ainsi sous-estimé les qualités de persuasion de Silvio Berlusconi d'une part, et le caractère fédérateur du comique Beppe Grillo d'autre part.

L'artisan d'un (fragile ?) patchwork de gauche

En décembre 2012, Pier Luigi Bersani, déjà patron du Parti démocrate, s'impose haut la main (60,8% des voix) lors de la primaire du parti, à l'issue d'un duel avec le jeune et charismatique Matteo Renzi, maire de Florence (39,1% des voix). "Pour la première fois, c'est une gauche unie qui va au combat", s'était alors félicité Francesco Boccia, député du PD, cité par L'Express.fr.

Le maire de Florence, Matteo Renzi (D), applaudit son ancien rival à la primaire du Parti démocrate, Pier Luigi Bersani (G), à l'occasion d'un meeting de ce dernier, à Florence, le 1er février 2013.  (ANDREAS SOLARO / AFP)
 

C'est vrai : son parcours confère à Bersani une véritable crédibilité à la gauche de l'échiquier politique. Issu du Parti communiste italien (PCI), l'ancien étudiant en philosophie devient en 1993 président de la région d'Emilie-Romagne. En 1996 puis en 2006, il est nommé ministre du gouvernement de Romano Prodi. Entre-temps, il siège au Parlement européen (2004-2006). En 2009, il devient secrétaire général du tout jeune Parti démocrate et parvient à "unifier les valeurs du christianisme et celles de la social-démocratie", rapporte L'Express. Il est alors l'artisan d'"une alliance électorale avec le parti Gauche, écologie et liberté (SEL) de Nichi Vendola".

Pour le député du PD Sandro Gozi, interrogé par Mediapart (article abonnés)"les primaires ont montré que la coexistence entre différentes lignes politiques est possible et qu'il y a encore nécessité pour le PD d'élargir, aussi bien à Vendola qu'aux centristes." Or, dans cette situation de grand écart, "le message de Bersani est difficilement audible, explique le spécialiste de l'Italie Marc Lazar sur le site de Sciences Po. D’un côté, il justifie le soutien qu’il a apporté au gouvernement Monti et son engagement à poursuivre la politique d’assainissement des comptes publics ; de l’autre, il critique l'ancien président du Conseil et annonce la mise en place de politiques sociales." Tiraillé entre la volonté de séduire au centre et la pression de ses alliés de Gauche, écologie et liberté, Bersani a mené une campagne schizophrène et "faible en contenu".

Une prudence dictée par la loi électorale

Les premiers chiffres issus des sondages sortie des urnes ont d'abord assuré l'Italie d'un gouvernement de centre-gauche, stable, sans nécessité d'alliance plus large, avant de donner la coalition de Berlusconi en tête au Sénat. Depuis plusieurs semaines, c'est en effet son score espéré à la chambre haute qui inquiète le plus le leader du PD. En cause : la complexité de la loi électorale, qualifiée de "cochonnerie" en Italie et décryptée par Le Monde.fr.

Le chef du parti ou de la coalition qui remporte les élections est nommé président du Conseil par le président de la République. Mais, comme la Chambre des députés et le Sénat sont sur un pied d'égalité, si une coalition gagne une seule des deux institutions, la situation peut être bloquée. Ainsi, dans l'éventualité d'une alliance à venir pour arracher le Sénat, Pier Luigi Bersani n'a eu de cesse de ménager Mario Monti. "Si le Parti démocrate reste favori pour la Chambre des députés, la bataille pour la majorité au Sénat s'annonce particulièrement rude. Bersani pourrait ainsi avoir besoin de l'aide de Monti pour gouverner", a analysé Mediapart à quelques jours du scrutin. 

Mais était-ce la bonne stratégie ? Les estimations, qui placent la candidature de Monti à peine au-dessus de la barre des 10%, indiquent que la coalition sortante n'a pas vraiment rongé l'électorat du PD, comme le redoutait Bersani. En revanche, elles assurent toutes que le positionnement anti-austérité, teinté d'un populisme hostile à Bruxelles, a convaincu une partie conséquente de l'électorat. Que ce soit chez le contestataire Beppe Grillo ou chez l'infatigable Berlusconi.

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