"Plan Marshall" pour rénover les ponts : "Il faut que l'État mette les moyens pour éviter un drame comparable à celui de Gênes"
Dix sénateurs remettent un rapport sur l'état préoccupant des ponts en France.
Il faut mettre les moyens nécessaires pour éviter un drame comme l'effondrement du pont de Gênes. Dix sénateurs de la mission d'information dédiée à la sécurité des ponts tirent la sonnette d'alarme sur l'état des ponts en France et remettent un rapport jeudi 27 juin.
"Un grand nombre de ponts sont dans un état préoccupant et 25 000 présentent un risque réel" a affirmé à franceinfo Hervé Maurey, sénateur centriste de l'Eure, et président de la mission d'information. Hervé Maurey et ses collègues réclament la mise en place d'un "Plan Marshall" des ponts, du nom du plan de prêts consenti par les États-Unis à l'Europe pour l'aider à se reconstruire après la Seconde Guerre mondiale, l'équivalent d'environ 150 milliards d'euros. Pour financer les travaux, le rapport émet notamment l'idée de la création d'un fonds d'aides dédié aux collectivités locales.
franceinfo : Vous planchez sur ce rapport depuis l'effondrement du pont de Gênes en août 2018, qui avait fait 43 morts. Quel constat tirez-vous de l'état des ponts en France aujourd'hui ?
Hervé Maurey : Le premier constat, c'est qu'on ne sait même pas combien on a de ponts en France. C'est révélateur du manque de connaissances que l'on a en la matière. Le deuxième constat, c'est qu'un grand nombre de ponts sont dans un état préoccupant, 25 000 présentent un risque réel. Ces ponts relèvent de la compétence de l'État, des départements ou des communes et des intercommunalités. On a d'ailleurs pu observer que ces dernières n'étaient pas en situation d'avoir une bonne connaissance et a fortiori un bon entretien de leurs ponts.
Comment expliquer cet état préoccupant des ponts ?
Il y a plusieurs facteurs. Tout d'abord, les ponts sont des équipements qui vieillissent. Ils n'ont pas une durée de vie illimitée. Beaucoup arrivent en fin de vie et on n'a pas consacré les moyens nécessaires à leur entretien. Si l'on prend les ponts relevant de l'État, les experts considèrent qu'il faudrait y consacrer 110 millions d'euros par an juste pour l'entretien. Nous y consacrons à peine 45 millions. Sur les ponts relevant des départements et des communes, la situation est encore pire. Nous avons actuellement des méthodes pour évaluer la santé des ponts, ainsi que des moyens humains et techniques, qui pourraient être largement améliorés. Mais le principal problème reste celui des moyens financiers. Ils sont tout à fait insuffisants notamment quand on regarde les normes en vigueur dans l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] et par exemple en Allemagne.
Est-ce qu'il y a un risque d'effondrement sur certains de nos ponts ?
Oui puisque l'État a lui-même reconnu que 7% de ses ponts présentaient un risque d'effondrement. Régulièrement des ponts sont fermés parce qu'ils ne sont plus en état d'être utilisés. Sur d'autres, on peut remarquer des incidents sérieux. Je suis élu dans l'Eure et l'année dernière, juste avant la catastrophe de Gênes, le maire d'une commune a découvert qu'un pilier d’un de ses ponts était parti, sans qu'il n'y ait jusque-là la moindre inquiétude. Il n'y a pas eu de conséquences dramatiques mais il y aurait pu en avoir. Aujourd'hui, on considère donc que 25 000 ponts présentent, à terme, un risque.
Vous proposez la mise en place d'un "Plan Marshall" des ponts. Qu'est-ce que ça signifie ?
Cela veut dire qu'il faut mettre les moyens nécessaires pour éviter qu'un jour se produise un drame en France comparable à celui de Gênes. On demande donc que sur les ponts qui relèvent de sa compétence, l'Etat mette les moyens nécessaires, à savoir 110 millions par an. Parce que si l'on reste au niveau de 45 millions par an, on sait que la situation se sera aggravée et qu'il y aura deux fois plus de ponts présentant un risque par rapport à aujourd'hui. Et puis on suggère qu'il y ait un fonds d'aides dédié aux collectivités locales pour qu'elles puissent faire une expertise de leurs ponts. Beaucoup de communes ne savent même pas combien elles ont de ponts. Par ailleurs, des fonds ont été fléchés pour remettre en état les tunnels à la suite de la catastrophe du Mont-Blanc il y a 20 ans. Ce fond arrive à échéance. On demande donc que ce fond soit basculé vers les collectivités pour assurer la sécurité de leurs ponts. Cela représente 130 millions d'euros chaque année pendant dix ans. Enfin, on demande aussi que les ponts soient enfin considérés comme un patrimoine. Cela sous-entend qu'il faut les entretenir régulièrement, avec une approche rationnelle et arrêter de réagir uniquement quand un pont s'effondre.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.