Iran : l'article à lire pour tout savoir sur l'élection présidentielle
Les Iraniens s'apprêtent à voter pour désigner le successeur du président Hassan Rohani. Mais entre crise économique et sociale, le scrutin pourrait se solder par une abstention record.
Qui succédera à Hassan Rohani, l'actuel président de l'Iran ? Les électeurs et électrices iraniennes se prononceront, vendredi 18 juin, lors du premier tour de l'élection présidentielle. L'état de l'économie iranienne, ravagée par l'imposition de nouvelles sanctions après le retrait des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire, est au cœur de la campagne. Sept candidats, choisis par le guide suprême Ali Khamenei, s'affrontent, même si l'élection devrait être largement boudée par la population. Pour tout comprendre des enjeux, franceinfo fait le tour des questions qui se posent.
Quel est le rôle du président de la République iranien ?
Le président est le chef du gouvernement de la République islamique d'Iran. Elu pour quatre ans, au suffrage universel, il joue un rôle important, mais n'est pas le personnage-clé dans les institutions politiques iraniennes. "Le président peut avoir un rôle de conseil [auprès du Guide suprême], mais sa marge d’action est très limitée", confie ainsi Jonathan Piron, historien et spécialiste de l’Iran pour le centre de recherche Etopia à Bruxelles, à France Culture.
Le rôle de chef de l'Etat est assumé par le Guide de la révolution, parfois dénommé Guide suprême, et est occupé par l'ayatollah Ali Khamenei depuis 1989. Personnage "incontournable du régime" et "émanation du pouvoir politique" selon Jonathan Piron, il contrôle directement l'armée, la police ainsi que les médias d'Etat. Il contrôle également directement les Gardiens de la révolution, une institution paramilitaire puissante chargée de défendre le régime. C'est également lui qui choisit quels candidats peuvent concourir lors des législatives et de la présidentielle.
Qui sont les principaux candidats ?
Sept candidats, tous des hommes, ont été sélectionnés par le Conseil des gardiens de la Constitution, qui a publié ses conclusions le 25 mai. "Les candidats sont tous très proches du Guide de la révolution et sont tous très conservateurs", analyse Mahnaz Shirali, politologue spécialiste de l'Iran et professeure à Science Po Paris, auprès de franceinfo. Parmi les candidats, Ebrahim Raïssi fait figure de favori.
Cet ultraconservateur de 60 ans est le chef de l'autorité judiciaire depuis 2019. Il avait déjà obtenu 38% des voix lors de la présidentielle de 2017. "C'est un membre du clergé, présent depuis le début de la révolution islamique, très puissant, détaille Amélie Myriam Chelly, spécialiste de l'Iran et chercheuse associée au Centre d'analyse et d'invervention sociologiques, à franceinfo. Il est très largement détesté parce qu'il était l'un des grands acteurs de la purge du début de la République islamique [durant l'été 1988, le régime a exécuté des centaines d'opposants politiques]." L'homme fort du régime a ainsi promis, lors d'un débat organisé à la télévision publique samedi 5 juin, "une lutte incessante contre la pauvreté et la corruption". Comme tous les autres candidats, il est pour la poursuite des négociations avec les puissances occidentales sur la question du nucléaire, une position d'ailleurs partagée par le Guide suprême.
Parmi les autres candidats, on peut noter la présence d'Abdolnaser Hemmati, considéré comme un réformateur et à la tête de la Banque centrale depuis 2018. Issu de la minorité turcophone du pays, il prône des réformes économiques et "veut assurer la continuité avec la politique d'Hassan Rohani", souligne Amélie Myriam Chelly.
D'autres, comme Saïd Jalili, ultraconservateur en charge des négociations sur le nucléaire de 2007 à 2013, et Mohsen Rezaï, lui aussi ultraconservateur et général de division, ont déjà concouru, sans succès, lors de précédentes élections.
Quels sont les enjeux du scrutin ?
Des manifestations importantes contre les conditions économiques et le taux de chômage avaient été réprimées par le pouvoir en 2018. "Pour le régime, le but est de réaliser des élections calmes, sans heurts et sans manifestations parce qu'il a peur de la société", souligne Mahnaz Shirali.
Mais c'est surtout l'économie qui est au cœur du débat entre les candidats. L'Iran a grandement souffert des nouvelles sanctions imposées par les Etats-Unis à la suite du retrait du pays des accords sur le nucléaire en 2018. Le PIB iranien a ainsi chuté de 6% en 2018, et de 6,8% en 2019 avant de se stabiliser, selon le Fonds monétaire international. L'inflation devrait atteindre les 39% cette année.
"L'enjeu principal est donc les accords sur le nucléaire et la poursuite des discussions", relève Amélie Myriam Chelly. La campagne se déroule d'ailleurs au même moment que de nouvelles négociations à Vienne (Autriche) pour remettre sur les rails l'accord sur le nucléaire. Celui-ci, signé en 2013 entre les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et l'Iran, vise à empêcher Téhéran de se doter de l'arme nucléaire en échange de la levée des sanctions.
Quel est le bilan d'Hassan Rohani ?
Les deux mandats d'Hassan Rohani (le premier débute en 2013 et le second en 2017) se soldent par un échec d'un point de vue économique, notamment à cause du retrait des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire. Considéré comme réformateur, "son premier mandat devait être celui de la relance économique, mais ça ne s'est pas passé comme ça, se rappelle Amélie Myriam Chelly. La chercheuse souligne que "l'échec" de l'accord sur le nucléaire est venu "apporter de l'eau au moulin des conservateurs" qui dénonçaient sa signature.
Le président sortant est aussi critiqué pour sa gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19. Celle-ci, comme l'explique France 24, a durement touché le pays et a mis à genoux le système de santé iranien. "Je pense que dans l'histoire iranienne, on va nommer Hassan Rohani comme le président le plus incompétent", tranche Mahnaz Shirali.
Dans quel état se trouve la société iranienne ?
Les Iraniens et les Iraniennes semblent s'être totalement désintéressés de l'élection. Trois ans après les manifestations, l'espoir de voir un changement politique a été déçu. "En 2018, les Iraniens ont compris qu'ils ne peuvent pas négocier avec les hommes politiques, le pouvoir s'est radicalisé, enfermé sur lui-même contre le peuple", juge Mahnaz Shirali. "Les gens sont complètement démoralisés", confirme Amélie Myriam Chelly. Une partie de la population "a d'ailleurs fait un appel au boycott du vote", ajoute Mahnaz Shirali.
"Ce que j'entends, c'est que le jour des élections, de nombreuses personnes ont décidé de ne pas sortir de chez elles, de ne même pas ouvrir les fenêtres ou les portes."
Mahnaz Shirali, politologue à Sciences Po Parisà franceinfo
Qui devrait gagner l'élection ?
Ebrahim Raïssi est donné comme le favori, mais la grande gagnante du scrutin devrait être l'abstention. Un récent sondage, rapporté par Al Monitor (article en anglais), estime que le taux de participation ne devrait atteindre que 38%, contre plus de 73% en 2017. "Ce sont donc seulement les gens les plus acquis à la cause islamique, une minorité, qui vont aller voter, prédit Amélie Myriam Chelly. C'est pour cela qu'Ebrahim Raïssi est donné comme gagnant, parce qu'il est ultraconservateur et qu'il plaît à ceux qui vont se déplacer."
J'ai la flemme de tout lire, vous pouvez me faire un résumé ?
Sept candidats, tous des hommes et pour la plupart conservateurs, s'affrontent le 18 juin lors du premier tour de l'élection présidentielle en Iran. Le gagnant succédera à Hassan Rohani, au pouvoir depuis 2013 et dont les deux mandats se soldent par un échec, notamment sur la question de l'économie. L'Iran a été grandement touchée par les sanctions imposées par les Etats-Unis, à la suite de la sortie du pays des accords sur le nucléaire, et le pays souffre d'une inflation galopante, d'un taux de chômage élevé et d'une chute de son PIB.
La question de la reprise des négociations avec les pays occidentaux et de la conclusion d'un accord qui empêcherait l'Iran de se doter de l'arme nucléaire est au cœur de la campagne. Elle ne passionne pour autant pas les Iraniens. Un récent sondage indiquait que seuls 38% des électeurs et électrices comptaient aller voter. Un signe du rejet de la classe politique par la population, désabusée après la répression des manifestations populaires de 2018, qui réclamaient de meilleures conditions de vie.
Ebrahim Raïssi est le grand favori de cette élection. Cet ultraconservateur de 60 ans est le chef de l'autorité judiciaire depuis 2019 et avait déjà concouru lors de précédentes élections. Il est rejeté par une partie de la population pour son rôle dans des purges datant du début de l'installation de la république islamique. Le rôle du président est de toute façon limité. Le pouvoir se trouve essentiellement entre les mains du Guide de la révolution. Ce poste de chef de l'Etat est occupé par l'ayatollah Ali Khamenei depuis 1989. Ce dernier contrôle directement l'armée, la police ainsi que les médias d'Etat. C'est également lui qui choisit quels candidats peuvent concourir lors des législatives et de la présidentielle.
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