Accord sur le nucléaire iranien : quelles conséquences pour Moscou?
Le 14 juillet, l'Iran et les grandes puissances sont parvenus à conclure un accord sur le dossier nucléaire iranien au terme de 21 mois de négociations ardues. Dans les grandes lignes, les négociateurs annulent leurs sanctions économiques et financières tandis que Téhéran accepte de ne pas enrichir son uranium à plus de 3,67% pendant 15 ans. La presse française souligne une victoire de Barack Obama tandis qu'Israël parle d'«erreur historique». Pour le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, il s'agit d'«un accord qui respecte pleinement la conception russe des relations internationales». Mais quelles sont les conséquences, positives ou négatives, pour la Russie?
Une position diplomatique renforcée
Selon l'expert du Moyen-Orient Theodore Karasik interrogé par le quotidien russe Gazeta, «la Russie avait besoin d'un accord nucléaire avec l'Iran, car il met en avant Moscou en tant que négociateur sur la scène internationale.»
Il s'agit surtout d'un signal positif concernant les relations diplomatiques qu'entretient la Russie avec l'Occident. Dans un contexte extrêmement tendu depuis la crise ukrainienne qui a entraîné une surenchère de sanctions économiques, cet accord montre que la Russie peut encore s'accorder avec le reste du monde et n'est pas «une puissance régionale» comme l'avait désignée Barack Obama avec mépris.
Les plus pessimistes y verraient cependant une carte de moins dans la manche de Vladimir Poutine pour se faire entendre sur la scène international : l'Iran constituait un moyen de pression sérieux, puisque la Russie pouvait menacer d'opposer son veto à l'accord.
#Лавров: Урегулирование ситуации c #ИЯП окажет благотворное воздействие на отношения между Россией и Ираном pic.twitter.com/HMsPU6aLVb
— МИД России (@MID_RF) July 15, 2015
"L'accord de régulation du nucléaire iranien aura un impact positif sur les relations entre la Russie et l'Iran" (compte Twitter du ministère des Affaires étrangères russe)
La question du pétrole: aubaine ou crise à venir?
Avant l'introduction de sanctions, l'Iran, avec la Russie et l'Arabie Saoudite, étaient les trois principaux exportateurs de pétrole. Aujourd'hui, l'Iran fait son retour et s'apprête d'ici six mois à vendre son pétrole à des prix plus attractifs que la Russie. En fait, le prix du pétrole iranien est comparable au pétrole russe en termes de coût de revient (20-25$ par baril) mais les producteurs russes doivent maintenant exploiter des gisements de plus en plus difficiles d’accès, augmentant le prix de revient jusqu'à 30 dollars par baril. Les responsables iraniens ont déclaré que les exportations iraniennes passeront à 2,3 millions de barils contre 1,2 million actuellement.
Dès l'accord annoncé par les médias, les cours du pétrole cotés aux bourses de Londres et de New York ont commencé à chuter. Le baril de Brent par exemple a immédiatement décroché, passant à 56,80 dollars (-1,85%), contre 57,30 dollars. La cotation en bourse de Rosneft, société étatique russe d'extraction, a elle aussi chuté de 2,5% dès l'annonce de l'accord.
Le retour de l'Iran sur le marché pétrolier fait donc naître des craintes en Russie. Et pourtant, cela fait deux ans que Moscou prépare le terrain. En avril 2015, Moscou a annoncé un programme d'échange de pétrole contre des marchandises russes. Non pas que la Russie ait besoin de pétrole, mais elle l'achète à bas coût pour le revendre au prix du marché aux pays d'Asie. La région Asie-Pacifique constituait en effet le principal débouché du pétrole iranien avant l’embargo avec près de 70% des ventes.Pourtant, les experts prédisent qu'après la levée des sanctions, l'Iran pourra devenir un concurrent sérieux sur le marché du pétrole russe. On se souvient effectivement que la dégradation des relations russo-occidentales avait vivement inquiété les Européens du fait de leur dépendance vis-à-vis de Moscou en matière d’énergie. L'accord conclu le 14 juillet est perçu en Europe comme permettant de réduire leur dépendance par rapport à la Russie. L'Iran pourrait donc très bien devenir fournisseur de l'Europe en pétrole et faire perdre à la Russie sa situation de quasi-monopole.
I'm pleased to announce that after 23 months of negotiations this admin managed to reach a new point, a new chapter in history #IranDeal.
I'm pleased to announce that after 23 months of negotiations this admin managed to reach a new point, a new chapter in history #IranDeal.
— Hassan Rouhani (@HassanRouhani) July 14, 2015
Les armes et le nucléaires, points importants pour la Russie
Lors des pourparlers, la Russie, soutenue par la Chine, n'est pas parvenue à annuler les sanctions concernant l'embargo sur la livraison d'armes à l'Iran, qui court encore pendant cinq ans. Or, en 2008, Moscou a commencé à livrer des missiles sol-air missile S-300. Depuis la visite du ministre de la Défense russe Sergueï Chouigou à Téhéran en janvier, l'on sait que les deux parties sont intéressées par la reprise de la coopération militaire. Cependant, depuis l'accord, toute livraison d'armes à l'Iran devra être validé par les Nations Unies.
La Russie est également déjà présente en Iran dans le secteur de l'énergie nucléaire, où Rosatom a déjà construit plusieurs blocs pour la centrale de Bouchehr. Selon les mentions de l'accord, Rosatom est chargée d'échanger l'uranium enrichi iranien contre de l'uranium naturel. Une tâche qui peut s'avérer lucrative et avantageuse pour le pays.
Rappelons que la signature de l'accord ne prévoit pas la suspension immédiate des sanctions. Les deux chambres du Congrès américain, dominé par les Républicains, doivent encore approuver le texte.
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